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4 commerçants poursuivis pour exercice illégal du métier de banquier

Ce mardi, les gérants de quatre magasins d’alimentation comparaissaient devant le tribunal pour s’être substitués aux organismes bancaires, en encaissant les chèques de salaire de leurs clients à qui ils ouvraient des lignes de crédit. Cela sans contrôler l’identité des clients, ce qui ouvrait parfois la porte à des chèques falsifiés. Le délibéré sera rendu le 23 juin.

Les gérants de quatre magasins d’alimentation comparaissaient devant le tribunal pour s’être substitués aux organismes bancaires en encaissant les chèques de salaire de leurs clients à qui ils ouvraient des lignes de crédits. Cela sans contrôler l’identité des clients, qui passaient parfois ainsi des chèques volés.

Une pratique qui est une sorte de tradition polynésienne,basée sur la confiance et sur un échange de bons procédés que l’on pourrait résumer comme ceci : « je veux bien prendre ton chèque mais tu fais tes courses chez moi en dépensant au minimum 10% de la valeur de ton chèque. ». Pour exemple, certains se présentaient avec un chèque de 80 000 Fcfp, achetaient pour 8 000 Fcfp de denrées et se voyaient verser la différence en liquide. Sur le principe, pas grand-chose à reprocher, mais juridiquement il n’en est pas de même. Cela s’appelle un exercice illégal de la profession de banquier. D’autant que le souci, c’est que parmi ces chèques, certains étaient volés et les commerçants ne vérifiaient pas forcément l’identité de l’émetteur.

Une pratique déjà ancienne en Polynésie

Tout le monde y trouvait son compte. Le client qui n’avait pas le temps d’attendre que son compte soit crédité par la banque, ce qui peut prendre une dizaine de jours, mais aussi le magasin qui s’assurait ainsi la fidélité de sa clientèle. Et les commerçants n’y voyaient pas de problèmes, car après tout c’est un système qui se pratique depuis plus d’une trentaine d’années et dans pas mal de petits commerces alimentaires de la place. S’ils refusaient cette pratique, le client allait voir ailleurs, car le bouche-à-oreille fonctionne bien et les commerces qui se plient à cette « tradition » sont bien connus de tous. « On rend service à tout le monde, et si on ne le fait pas, notre chiffre d’affaires baisse d’au moins 40% » explique benoîtement à la barre l’un des gérants.

Quant aux chèques falsifiés rejetés par la banque, les commerçants les passaient en pertes et profits : « globalement, on est gagnants ». Un moindre mal par rapport à la clientèle que cela leur apportait. « Une pratique qui encourage les voleurs de chèques », fait remarquer le juge. « On n’avait pas pensé à cela », affirme un des prévenus.

Pour l’avocat des parties civiles, « ces activités portent atteinte au monopole de la banque. Encaisser des chèques est une pratique illégale et cela suffit à rentrer en condamnation à l’encontre des prévenus. »

Ce qu’a confirmé la procureure dans son réquisitoire en martelant : « Il est interdit à tout établissement de faire crédit ou de fournir des services bancaires aux personnes. » D’autant que selon elle, « tout le monde se donnait l’info. ‘Va là-bas, il change les chèques’ le problème c’est qu’en cas de chèques volés, si le compte de la victime est provisionné, cela passe, mais s’il ne l’est pas, la victime se retrouve interdit bancaire ! »

Entre 3 et 21 millions d’amende requis contre les commerçants

Elle réclame pour l’intégralité des faits « des amendes dissuasives, mais pas létales. » Des amendes en fonction du chiffre d’affaires, allant d’un montant de 3 millions à 21 millions assorties de peines de prison d’un à deux ans avec sursis.

La défense, elle, s’est attachée à faire l’historique de cette pratique, « qui perdure depuis près de trente ans quand les chèques au porteur ont été remplacés par des chèques barrés. » Pour lui, c’est le système bancaire qui est la cause de cette situation. « Compte tenu des délais des banques pour créditer les comptes, beaucoup se trouvent dans des situations précaires. En outre beaucoup de Polynésiens n’ont pas de compte en banque. » À ce sujet, il a fait remarquer que « pas mal d’entreprises ont pour habitude de ne pas mettre d’ordre sur les chèques de salaire, justement pour qu’il puisse les échanger dans certains commerces. » Et d’assurer que « les gens qui ont recours à cette pratique, ce sont des gens en marge du système ! il faut manger le soir, et faire manger les enfants ! »

Le délibéré sera rendu le 23 juin.

 

 

 

 

 

 

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1 Commentaire

  1. Teiva Hoki
    17 juin 2020 à 7h48 — Répondre

    C’est sûr que dès que tu touches aux métiers des banques, celles ci ne te ratent pas !!! Elles ont bien verrouillé partout et dès qu’il y a des récalcitrants, ils sont bien vite remis sur le chemin du droit des banques !!! ha ha ha !!! Ah ces banques toutes les mêmes !!! Ce sont elles qui auront la peau de l’humanité !!!

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