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A Marseille, une guerre entre des clans rivaux ultraviolents

Marseille (AFP) – Avec déjà 21 victimes de règlements de comptes depuis le 1er janvier, Marseille et ses environs connaissent une année sanglante, sur fond de guerre entre clans rivaux ultraviolents et destabilisés par les opérations de démantèlement de leurs réseaux de trafic de drogue.

« Ces règlements de comptes, on a beaucoup de mal à les prévenir, ça peut arriver n’importe où, n’importe quand », regrette David-Olivier Reverdy, du syndicat de police Alliance.

En un mois, ce sont au total cinq personnes qui ont été abattues à Marseille et dans ses environs proches dans des affaires de ce type –sans compter deux autres homicides par balle a priori liés à d’autres causes.

L’épisode le plus spectaculaire de cette série a eu lieu le dimanche 7 août, quand deux jeunes hommes sont tombés dans un guet-apens vers 10H00, non loin du centre-ville: au volant de deux voitures, l’un est abattu dans son véhicule et l’autre dans la rue, alors qu’il prend la fuite. Tous deux tombent sous les balles d’une kalachnikov, devenue le symbole de ces homicides.

« Marseille n’est pas à feu et à sang », tempère le préfet de police des Bouches-du-Rhône Laurent Nuñez. Si le nombre de victimes de règlements de compte dans le département a déjà dépassé le total de 2015 (19 morts) –passant de 13 l’an passé à ce stade de l’année à 21–, le nombre total d’homicides, lui, a chuté de 43 à 29 à fin août.

En cause dans cette recrudescence des règlements de compte, selon les autorités: la multiplication des opérations de démantèlement des réseaux de trafic de drogue, particulièrement implantés dans les cités des quartiers populaires de la ville.

« Le travail de la police et l’augmentation des règlements de compte ne sont pas contradictoires », résume aussi le sociologue Laurent Mucchielli, spécialiste des questions de délinquance.

– Vendetta –

« Souvent, la police s’arrête au niveau local, au trafic d’un quartier, car remonter plus haut dans les filières est très coûteux en temps et en moyens. Or ces derniers temps, on est montés plus haut dans un certain nombre d’affaires –et lorsqu’on déstabilise le milieu, ça provoque une agitation et avec la concurrence exacerbée, cela peut entraîner des règlements de comptes en cascade », détaille-t-il. 

La rivalité entre les clans dits des « Blacks » et des « Gitans » remonte ainsi à la fin des années 2000. Mais elle s’est accélérée depuis quelques mois, notamment après le démantèlement d’un réseau appartenant aux « Blacks » dans une cité du nord de Marseille, explique-t-on de source proche de ces dossiers: installés dans une cité voisine, les « Gitans » y ont vu une occasion de tenter de reprendre ou de faire disparaître ce point de vente concurrent.

Cette guerre de territoires se double en outre d’une guerres de clans et de vendetta, notent également les observateurs. Deux rivalités majeures sont ainsi régulièrement évoquées comme étant à l’origine de nombreux règlements de comptes ces dernières années: outre celle des « Blacks » et des « Gitans », celle opposant le clan familial des Redmania à celui des Berrebouh-Tir.

Très souvent, les enquêteurs relient les victimes des derniers mois à l’une ou l’autre de ces équipes, qui utilisent parfois des balises GPS pour suivre leurs cibles: il ne s’agit plus uniquement de s’approprier un territoire, mais aussi de venger la mort de ses proches. « La police s’est beaucoup améliorée dans l’élucidation a posteriori. Dans une certaine mesure, cela permet de savoir qui risque d’être une future victime, mais il n’y a pas les outils juridiques pour protéger quelqu’un préventivement », souligne David-Olivier Reverdy.

Dans la population des quartiers Nord, la sénatrice PS et maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, Samia Ghali constate une « paranoïa », liée à la crainte d’une balle perdue: « on se tue n’importe où et n’importe comment, du coup on a peur des dégâts collatéraux (…) Il n’y a plus de limites, demain peut-être on touchera aux femmes, aux proches ». 

« Ce n’est pas plus spectaculaire ni plus dramatique aujourd’hui qu’avant », nuance Laurent Mucchielli. « Il y a par exemple eu un pic au milieu des années 1980, où on a eu plus de 40 règlements de compte en un an ».

Des policiers sur les lieux où un homme a été abattu dans le quartier de la Cayole à Marseille, le 16 août 2016. © AFP

© AFP BERTRAND LANGLOIS
Des policiers sur les lieux où un homme a été abattu dans le quartier de la Cayole à Marseille, le 16 août 2016

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