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À quand une grande étude sur les oiseaux des îles coralliennes ?

Plusieurs travaux scientifiques pointent le rôle majeur des oiseaux marins dans la bonne santé des récifs et des îles coralienne. Et pourtant, ces populations d’oiseaux et cette relation écologique fragile sont encore largement méconnus. Une équipe de chercheurs appelle à davantage de coopération international sur le sujet. Les précisions de notre partenaire Outremers 360°.

Une récente étude localisée dans les océans Pacifique et Indien ont mis en évidence le rôle clé des oiseaux dans la bonne santé des récifs et îles coralliennes, formées par l’accumulation de débris sédimentaires issus de récifs coralliens. Ces îles, de taille diverses, sont présentes dans la plupart des écosystèmes récifaux de la zone intertropicale et abritent des communautés uniques de plantes et d’animaux, dont certaines des plus grandes colonies d’oiseaux marins tropicaux au monde. Un exemple d’interaction clé est mis en avant par Tristan Berr, doctorant au sein des unités mixtes de recherche Entropie à Nouméa et IMBE à Aix-en-Provence : « Lorsque les déjections des oiseaux marins, appelées guano, sont déposées sur les îlots, elles enrichissent en nutriments les écosystèmes coralliens environnants, ce qui contribue à leur bonne santé ».

Les intrications sont multiples, puisque les récifs coralliens, qu’on sait aujourd’hui particulièrement menacés, dont à la base de la formation des îles coralliennes, elles mêmes utilisées par les oiseaux marins pour se reproduire. Tristan Berr poursuit : « Dès lors, on comprend bien que le déclin des oiseaux, des récifs ou des îles coralliennes peut fragiliser tous les compartiments de cet écosystème par un effet de cercle vicieux : une colonie d’oiseaux en déclin affectera la santé des récifs avoisinants, ce qui peut accélérer le déclin des coraux et interrompre les mécanismes sédimentaires permettant le maintien des îles… Sur lesquelles ne pourront plus se reproduire les oiseaux ». Or, malgré l’importance écologique avérée de ces écosystèmes, les communautés d’oiseaux marins des îles coralliennes n’ont pas fait l’objet d’études à grande échelle, explique le scientifique : « Nous connaissons mal la taille et la répartition géographique de ces populations d’oiseaux et, sans estimation fiable, il est très difficile d’évaluer concrètement leur contribution aux écosystèmes récifaux, que ce soit en matière d’apport de nutriments, de régulation des chaînes alimentaires, etc. Or, cette contribution est d’ores et déjà menacée par certaines conséquences du réchauffement climatique, en particulier l’élévation du niveau de la mer couplée au réchauffement et à l’acidification des océans. En résumé : on sait que l’on a quelque chose à perdre si ces espèces et ces milieux viennent à disparaître, mais on ne sait pas exactement ce que cette perte implique sur le plan écologique et socio-économique ».

©Tristan Berr

Une zone d’ombre dans la connaissance scientifique aux explications multi-factorielles, telles que la simple absence de partage des données récoltées par les différentes équipes suivant ces colonies d’oiseaux dans la zone intertropicale, mais aussi l’isolement des îlots, rendant leur accès difficile aux missions scientifiques, ou encore les faibles infrastructures de recherches et de moyens logistiques dans de nombreux états insulaires tropicaux, qui hébergent nombre de ces îlots.
Pour faire face à cette problématique, une équipe de scientifiques coordonnée par des membres de l’IRD à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, a publié un plaidoyer appelant la communauté scientifique internationale à travailler de façon plus soutenue et coordonnée.
Un exemple concret réside dans la gestion actuelle de la mer de Corail, comprenant des eaux de la côte Est de l’Australie et celles de Nouvelle-Calédonie, qui pourrait grandement bénéficier d’une collaboration améliorée, beaucoup d’espèces d’oiseaux étant communes aux deux territoires et qu’une connectivité démographique entre certaines colonies est probable.

Une première étape dans le domaine pourrait être la mutualisation des connaissances en utilisant une base de données mise en place il y a cinq ans, qui rassemble principalement des informations récoltées lors de missions menées dans les collectivités d’Outre-mer du Pacifique, en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Clipperton.

Cocotiers sur l’îlot Solitaire, Poindimié, Nouvelle-Calédonie. Cet îlot et ses deux voisins ont subi au cours des dix dernières années une forte érosion qui a dégradé leur végétation et diminué leur capacité à accueillir des des colonies d’oiseaux marins. © Tristan Berr

Un tel outil pourrait centraliser des données mondiales sous une forme homogénéisée afin d’ensuite alimenter des analyses scientifiques à large échelle, mais aussi servir de support aux gestionnaires d’aires marines protégées.
Pour Éric Vidal, directeur de recherche IRD au sein de l’UMR Entropie : « Grâce aux différentes collaborations que nous mettons progressivement en place, nous devrions rapidement pouvoir associer des données issues de l’océan Indien mais également des côtes Est et Ouest australiennes. Cette “dynamique”, baptisée CORIS (COral Reef Island Seabirds), est un exemple d’initiative que nous souhaitons promouvoir et faire connaître dans les mois qui viennent auprès de la communauté scientifique et des gestionnaires d’îles coralliennes. Ce type de base de données n’existe actuellement pas au niveau mondial avec un tel niveau de précision et une telle ambition ».

Si un tel dispositif voit le jour, il permettra alors de servir à un autre projet scientifique, qui vise à développer une vision prédictive sur plusieurs décennies du devenir des îles coralliennes et de leur biodiversité. Leur existence est-elle menacée à moyen et long terme, notamment dans le contexte actuel et futur de changement climatique, est-il alors utile, urgent, ou nécessaire de les préserver malgré tout, autant de questions qui méritent une réponse rapide, selon les chercheurs à l’initiative de cet appel, comme en témoigne Tristan Berr : « Les oiseaux marins sont des espèces dites longévives, qui ont une longue durée de vie et une maturité sexuelle acquise plusieurs années après la naissance. En conséquence, l’impact d’une mesure de gestion est souvent lent à se manifester : il est donc urgent d’identifier la méthode adéquate ! ».

 

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