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Affaire Barbarin: la justice classe sans suite l'enquête pour non-dénonciation

Lyon (AFP) – L’enquête pour non-dénonciation d’abus sexuels sur mineurs commis par un prêtre du diocèse de Lyon, qui a éclaboussé l’une des personnalités les plus influentes de l’Église de France, le cardinal Philippe Barbarin, a été classée lundi sans suite par le parquet.

Au terme d’une enquête préliminaire ordonnée en mars, le parquet de Lyon, saisi de plusieurs plaintes visant directement le cardinal et d’autres membres de l’Église catholique, a estimé que les infractions reprochées n’étaient pas constituées.

L’enquête avait été ouverte pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs, commises par le Père Bernard Preynat sur d’ex-scouts lyonnais, et omission de porter secours de la part de la hiérarchie catholique.

Certaines des victimes du Père Bernard ont pris acte de cette décision. « C’est la décision du procureur de la République; elle lui appartient. Je ne suis pas positionné pour juger. Et nous, nous sommes sur un débat moral, pas juridique », a commenté François Devaux, l’un des membres fondateurs de l’association de victimes La Parole Libérée.

« Ce qui m’intéresse, c’est le débat de société: combien de temps les citoyens français vont accepter que des prêtres pédophiles soient en lien avec des enfants? » a ajouté M. Devaux.

« J’espère que c’est un point final à cette affaire et que le diocèse pourra travailler en commun avec les victimes qu’il n’a jamais considérées comme des adversaires », a déclaré l’un des avocats du cardinal Barbarin, Jean-Félix Luciani. « On a dit des choses terribles sur un homme et, fût-il un cardinal, il faut faire attention à ne pas piétiner son honneur. »

Indéniable tournant dans l’affaire, le classement sans suite de l’enquête ne signifie cependant pas forcément la fin du volet judiciaire de ce dossier épineux et complexe puisque les plaignants n’ont pas écarté la possibilité de saisir directement un juge d’instruction en déposant une plainte avec constitution de partie civile.

– Pas d’entrave à la justice –

Reste que la décision du parquet, qui balaie l’ensemble de leur argumentaire, est une pierre dans le jardin des plaignants. 

Ceux-ci reprochaient en particulier au cardinal de ne pas avoir dénoncé les agissements du religieux à la justice et de l’avoir laissé en poste trop longtemps, jusqu’en août 2015, dans une paroisse où il était au contact d’enfants.

Dans le volet visant la non-assistance à personne en danger, le parquet a estimé qu’il n’y avait pas péril imminent car les derniers abus sexuels imputables au Père Preynat remontent à plus de 25 ans.

Le classement sans suite de la non-dénonciation répond lui à deux constats juridiques.

Depuis la révélation du scandale, le primat des Gaules a affirmé avoir rencontré pour la première fois une victime du Père Preynat en 2014. Il a ensuite déclaré avoir entendu parler de l’affaire, via un tiers, en 2007-2008.

Or si l’enquête confiée à la brigade de la protection de la famille a confirmé que les autorités diocésaines avaient eu épisodiquement connaissance de soupçons visant ce prêtre au cours d’une période allant de 2005 et 2010, celle-ci est couverte par la prescription.

Et pour la période post-2014, le parquet a considéré qu’il n’y avait pas eu de volonté d’entraver l’action de la justice en cachant la vérité. D’abord parce que les faits révélés par l’ex-victime devenue lanceur d’alerte étaient anciens et prescrits et que ce quadragénaire était susceptible de porter plainte lui-même, ce qu’il fit d’ailleurs en 2015. Enfin, parce que la démarche première de cette victime était d’écarter le Père Bernard de son ministère et non de pousser l’archevêché à alerter la justice, comme le souligne Me Luciani.

En mars à Lourdes, lors d’une assemblée des évêques de France plombée par l’affaire, le cardinal avait assuré n’avoir « jamais couvert le moindre acte de pédophilie ».

Le prélat voit en tout cas son avenir à la tête de l’archevêché, s’éclaircir, alors que le Vatican menace désormais de révocation les évêques coupables de « négligence dans l’exercice de leur fonction », s’ils ne sanctionnent pas les cas « d’abus sexuels commis sur des mineurs ».

Le cardinal Philippe Barbarin, le 15 mars 2016 à Lourdes. © AFP

© AFP/Archives ERIC CABANIS
Le cardinal Philippe Barbarin, le 15 mars 2016 à Lourdes

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