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Affaire Tapie: la Cour de cassation valide l'annulation de l'arbitrage, 404 millions d'euros en jeu

Paris (AFP) – Il y a bien eu « fraude »: la Cour de cassation a validé l’annulation de l’arbitrage qui avait octroyé plus de 400 millions d’euros à Bernard Tapie dans son litige avec le Crédit Lyonnais, un revers pour l’homme d’affaires qui devrait être condamné définitivement à rembourser.

La haute juridiction a estimé, dans son arrêt rendu jeudi, que la cour d’appel de Paris avait eu raison d’annuler en février 2015 cette sentence arbitrale au vu du « concert frauduleux ayant existé entre l’un des arbitres, Pierre Estoup, et M. Tapie ». 

« La dissimulation » des relations entre M. Estoup et l’avocat de l’homme d’affaires, Maurice Lantourne, qui avaient déjà travaillé ensemble sur plusieurs dossiers, « participait à l’accomplissement du dessein ourdi par l’arbitre »: favoriser le clan Tapie, ajoute la cour.

Pour Benoît Soltner, avocat du consortium de réalisation (CDR) chargé de gérer l’héritage du Crédit Lyonnais, « une page est définitivement tournée. Les mots très forts et très durs démontrent parfaitement la gravité des faits ».

Le revers est de taille pour l’ex-ministre de François Mitterrand car la cour d’appel de Paris l’a également condamné, dans un autre arrêt, en décembre, à rembourser l’intégralité des sommes perçues à l’issue de l’arbitrage, soit 404 millions d’euros, dont 45 au titre du seul préjudice moral.

L’homme d’affaires n’a rien acquitté à ce jour et a mis son Groupe Bernard Tapie (GBT) en sauvegarde. Il a déposé un second pourvoi en cassation contre cette autre condamnation, qui sera examiné ultérieurement.

Mais, « il n’y a pas de raison pour que la Cour de cassation se déjuge: la fraude est définitivement établie et il serait très surprenant que la condamnation à rembourser ne soit pas confirmée », a estimé le professeur de droit Thomas Clay, spécialiste de l’arbitrage.

– ‘Le combat continue’ –

Pour l’avocat de Bernard Tapie, Frédéric Thiriez, « le combat continue ». « Nous allons nous battre et nous irons aussi devant la Cour européenne des droits de l’Homme », a-t-il indiqué.

Sollicité, l’ancien patron de l’Olympique de Marseille n’a pas souhaité faire de commentaires.

L’arbitrage de juillet 2008, qui devait mettre un terme au litige vieux de plus de 20 ans entre Bernard Tapie et la banque sur la revente d’Adidas en 1994, avait donné lieu à une vive polémique sur le montant des sommes allouées à l’homme d’affaires. Une autre question s’était posée: pourquoi avoir eu recours à un tribunal privé plutôt qu’à la justice ordinaire?

Le 17 février 2015, la cour d’appel avait annulé l’arbitrage, estimant qu’il était entaché de « fraude ». Le couple Tapie s’était pourvu en cassation, jugeant cette argumentation « tirée par les cheveux pour satisfaire à une volonté purement politique ».

La défense de Bernard Tapie estimait également que la cour d’appel était incompétente pour juger cette affaire, car l’arbitrage était « international », et réclamait la constitution d’un nouveau tribunal arbitral.

La Cour de cassation a au contraire confirmé la compétence de la cour d’appel car « les litiges dont les arbitres étaient saisis ne portaient que sur des opérations qui se dénouaient économiquement en France ».

Cet arbitrage est par ailleurs au coeur d’une enquête pénale pour escroquerie en bande organisée.

Hasard du calendrier, dans ce volet pénal, les juges d’instruction viennent de notifier, le 23 juin après près de quatre ans d’enquête, la fin de leurs investigations: six personnes sont mises en examen, dont Bernard Tapie, Maurice Lantourne, Pierre Estoup et Stéphane Richard, ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy et actuel patron d’Orange.

« La justice marche à l’envers, a estimé Me Thiriez, la Cour de cassation nous parle de +fraude+ alors que l’instruction est toujours en cours. Que se passerait-il si elle aboutissait à un non-lieu? »

Dans cette affaire politico-judiciaire, où le rôle qu’aurait pu jouer l’Elysée est en ligne de mire, Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), est renvoyée devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger des délits commis par des ministres dans l’exercice de leur fonction. Elle intente vendredi un recours devant la Cour de cassation pour tenter d’éviter son procès.

L'homme d'affaires Bernard Tapie, le 30 juin 2016. © AFP

© AFP/Archives BORIS HORVAT
L’homme d’affaires Bernard Tapie, le 30 juin 2016

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