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« Agir pour ne plus subir »: en banlieues, ils veulent changer la donne

Bobigny (AFP) – « Agir pour ne plus subir » les pannes d’ascenseur, la rénovation urbaine ou les cafés sans femmes. En banlieue, des collectifs essaiment au nom du « pouvoir d’agir », mais cette vitalité démocratique ne se traduira pas forcément dans les urnes au moment de la présidentielle.

Depuis des années, dans leur HLM de Noisy-le-Sec, les locataires frigorifiés empilaient chaque hiver bonnets, pulls ou peignoirs. « Pour la première fois, j’ai eu le courage de faire quelque chose. Avant, on subissait », témoigne l’une d’eux. Début janvier, cette femme de 55 ans a mis une pétition sur Facebook, aussitôt relayée par un collectif. Deux jours plus tard, la température était remontée à 21,5°C!

Un peu partout en Seine-Saint-Denis, des micromobilisations de ce genre ont eu raison de l’inaction de bailleurs ou d’institutions, sur des sujets aussi divers que les pannes d’ascenseur, les absences d’enseignants non remplacées ou la naturalisation des tirailleurs sénégalais. Des luttes nées dans un contexte de « grand désenchantement et de démobilisation par rapport à la politique électorale », constate la sociologue Marie-Hélène Bacqué.

Dans le département le plus pauvre de l’Hexagone, où François Hollande a recueilli plus de 65% des voix au second tour de la présidentielle de 2012, les « promesses non tenues » – récépissé lors des contrôles d’identité, droit de vote des étrangers – risquent de faire le lit de l’abstention, qui atteint déjà des records.

Pourtant, « les banlieues ne sont pas des déserts politiques », affirme Marie-Hélène Bacqué.

« On s’aperçoit que les gens, même fragilisés, sont solidaires et arrivent, ensemble, à déplacer des montagnes autour de causes qui leur permettent de retrouver une dignité », estime Fouad Ben Ahmed, militant socialiste et cofondateur du collectif « Plus sans ascenseur ».

Autre grand sujet de mobilisation: les programmes de rénovation urbaine. Dans le quartier du Pile, à Roubaix (Nord), un collectif d’habitants qui s’estimaient lésés par le projet a réussi à bloquer un chantier par une série d’actions symboliques.

« Je ne rêve pas du grand soir, je suis pour que les uns et les autres prennent leur place », explique Ali Rahni, l’un des initiateurs, qui a encouragé les habitants à improviser une « agora » en sortant des chaises de leurs appartements.

– « Yes we can » –

Pour promouvoir ces initiatives dispersées, des coordinations ont vu le jour, comme « Pas sans nous », qui regroupe 600 associations dans toute la France, « L’Alliance citoyenne », née à Grenoble et qui a récemment essaimé à Aubervilliers, ou encore la plateforme « Pouvoir d’agir ».

A travers ces actions, les habitants des quartiers « se politisent et revendiquent une expertise d’usage », explique Mohamed Mechmache, membre fondateur de « Pas sans nous ». Selon le porte-parole d’ACLeFeu, association née des révoltes urbaines de 2005, « il s’agit de sortir de l’assistanat et d’être dans une démarche d’émancipation, de dire: +ça ne se fera plus sans nous+ ».

C’est dans le sillage de ces émeutes que le concept d' »empowerment », né à Chicago et mis à l’honneur par Barack Obama avec son célèbre « Yes we can », tente une traversée de l’Atlantique. En 2013, le ministre de la Ville François Lamy charge Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué de formuler des propositions pour associer davantage les habitants des quartiers aux décisions.

Aujourd’hui, la seule avancée réelle réside dans l’instauration de « conseils citoyens » composés en partie d’habitants tirés au sort.

Mais cette « offre institutionnelle de participation suscite beaucoup de scepticisme, parce que les gens ont en marre d’être consultés sans être associés aux décisions », constate le sociologue Thomas Kirszbaum. Il relève une « allergie croissante à l’attitude paternaliste des pouvoirs locaux, qui ont tendance à infantiliser ces populations ».

Voire à fermer le robinet des subventions quand les associations « ont un discours qui ne plaît pas », abonde Marie-Hélène Bacqué. A ses yeux, il reste de toute manière « très difficile de construire un mouvement dans les quartiers populaires qui existe comme une force » reconnue dans le paysage politique français.

Ces nouveaux militants sont aussi « inaudibles » car « leur parole n’est pas relayée », relève la chercheuse Céline Charbonnier. Pour une raison simple: « il n’y a aujourd’hui plus d’élus porteurs d’une expérience de la pauvreté ».

Le collectif

© AFP/Archives Guillaume BONNET
Le collectif « Pas sans nous » tracte au pied de l’Office public de l’habitat de Bobigny, au nord-est de Paris, le 18 octobre 2016

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