ACTUS LOCALESJUSTICE

Air Moorea : « des procédures dégradées à tous les niveaux », dit la partie civile 

© Vaite Urarii Pambrun

Le deuxième jour du procès en appel du crash d’Air Moorea survenu le 9 août 2007 était consacré aux rôles et responsabilités de chacun des prévenus dans la maintenance et la sécurité. Face à ceux qui ne lisent pas les documents mais les signent quand même ou ceux qui déclarent qu’ « un avion au sol ce n’est pas rentable », l’avocat de la partie civile a affirmé : « c’est pitoyable ».

Bernard Marcou, qui était en fonction à la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) à Paris, aujourd’hui consultant, intervenait comme témoin de la défense. Il a assuré n’avoir aucun lien avec les prévenus « je n’ai jamais travaillé avec les personnes d’Air Moorea ». Il a rappelé qu’en aéronautique la France doit, comme les autres pays,  « satisfaire à des normes internationales (…) » d’où la mise en place d’une règlementation avec notamment le certificat de navigabilité, et que le système de surveillance a trois niveaux de contrôle : « il y a toujours des erreurs mais on peut toujours les corriger (…). Tout repose sur la confiance, et que tout le monde fasse bien son travail ».

Concernant les inspecteurs de maintenance, Bernard Marcou a rappelé que ces derniers sont définis non pas par les diplômes mais par l’expérience du métier. Il a précisé que le rôle d’un inspecteur de maintenance n’est pas de vérifier le programme d’entretien du constructeur, mais simplement de s’assurer que l’exploitant l’a en sa possession, « on ne lui demande pas de jouer au jeu des 7 erreurs ».

Le rapport est « approximatif (…), un rouleau compresseur » – l’avocate générale

L’avocate générale Brigitte Angibaud a qualifié le rapport d’une trentaine de pages remise par Bernard Marcou de « rouleau compresseur, et ce pendant une demie heure », tout en l’estimant « approximatif ». Elle a indiqué que de nombreuses pièces émanant du Groupement pour la sécurité de l’Aviation civile (GSAC), du service d’État de l’Aviation civile (SEAC) ou encore le guide des approbations de l’entretien ne figuraient pas dans ce rapport. Réponse de Bernard Marcou : « Ce que je vous présente, tout est vérifiable ».

Me Simon Foreman, avocat du directeur du service d’État de l’aviation civile (SEAC) Guy Yeung qui est à l’origine de la citation de Marcou comme témoin, affirme : « je suis désolé pour l’avocat de la partie civile ainsi que pour l’avocate générale s’ils ont eu du mal à comprendre ». Il estime en effet que plusieurs organismes interviennent en matière de sécurité et de maintenance  et que « tout le monde les a un petit peu mélangés ».

« Un avion au sol ce n’est pas rentable et c’est pareil pour toutes les compagnies »  – Didier Quemeneur

L’ancien contrôleur de production et contrôleur de qualité à Air Moorea, Didier Quemeneur, a ensuite été entendu. Il a admis qu’il n’avait pas les qualifications pour ce qui relève du contrôle de qualité. Interpellé sur son poste il affirme : « j’aurais aimé avoir des formations de contrôleur qualité et je n’ai eu que de la sensibilisation (…). Je ne sais pas trop c’est quoi un contrôleur de qualité puisque je n’ai jamais eu une fiche de poste (…) étant contrôleur de production j’ai été de facto contrôleur de qualité  (…) je suppose que je pouvais refuser ce poste mais je ne sais pas ce qui ce serait passé ».

Concernant la nature du câble, le prévenu a expliqué qu’il ignorait que ce dernier était en acier inoxydable : « Pour moi il était de la même nature que les autres. Je n’ai jamais eu cette info, elle aurait dû m’être donnée par ceux qui le savaient ». À la question « comment vous assurez-vous que la tension du câble a été faite? » Didier Quemeneur répond tout simplement que « la signature suffit (…) et donc pas besoin de passer derrière, il y a une relation de confiance ».

« L’exploitant a sa part de responsabilité » – Andriamanonjisoa Ratzymbasafy

Andriamanonjisoa Ratzymbasafy, inspecteur du Groupement pour la sécurité de l’aviation civile (GSAC) est chargé de l’étude et de l’approbation des manuels de navigabilité donc de la surveillance de cet organisme mais aussi de l’étude et de l’approbation des manuels d’entretien rattachés à l’atelier pour l’entretien des aéronefs. Il a surtout été question avec lui de l’audit fait auprès de la compagnie Air Moorea. Il a affirmé qu’il s’est assuré de « A à Z que les tâches incluses dans le manuel d’entretien du constructeur aient été mises en place et que l’exploitant a sa part de responsabilité ». Excédée, la présidente du tribunal lui demande  « Concrètement à quoi vous servez ? » « Je dois m’assurer que cet organisme répond toujours à son agrément » a-t-il simplement répondu.

« Pendant la garde à vue on est stressé » – Guy Yeung

Et enfin le dernier à avoir été entendu mercredi est le directeur du service d’État de l’Aviation civile (SEAC) Guy Yeung. Il a assuré devant la cour qu’il signait « sans vraiment lire (…) ou je parcourais ce document ( le programme d’entretien du constructeur, ndlr) que les ingénieurs préparaient et me proposaient et ce avec l’aval du GSAC ». La présidente du tribunal est alors revenue sur la déposition dans laquelle il avait déclaré que le GSAC était « responsable » et lui a demandé s’il maintenait ses propos. Il les a réfutés en affirmant « pendant la garde à vue on est stressé, ce n’est pas quelque chose de commun ».  La présidente de répondre « Vous existez uniquement parce que le GSAC n’a pas la signature, c’est la seule plus-value que vous avez ».  Et l’avocate générale de rajouter « Vous n’êtes pas un porte-plume?».

« Ce dossier c’est des procédures dégradées à tous les niveaux » – Me Rosenthal

À la fin de l’audience l’avocat de la partie civile Me Rosenthal est sorti de la salle dépité après avoir entendu les déclarations des prévenus « c’est pitoyable, ce sont des réponses pitoyables ».

Article précedent

Air Moorea : « Que ce genre d’avion qui était une épave (…) ne soit plus jamais autorisé à voler »

Article suivant

Biscuit amande chocolat

1 Commentaire

  1. MATA
    14 novembre 2019 à 10h59 — Répondre

    Des économies sur l’entretien de petits avions?…quel manque de professionnalisme. A ce moment, vu la perte de chiffre d’affaire d’ATN pour l’année passée et les pannes continues, les autorités de contrôles ne doivent-elles pas s’interroger sur l’entretien des gros porteurs avant une possible catastrophe qui ne mènera qu’à des procédures judiciaires ou les concernés se rejetteront la balle?

Répondre à MATA Annuler la réponse.

PARTAGER

Air Moorea : « des procédures dégradées à tous les niveaux », dit la partie civile