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Alcootest à l’hôpital : la proposition qui fait bondir les médecins

© BORIS HORVAT / AFP

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SOCIÉTÉ – Un député UMP veut avec cette mesure réduire les accidents dus à l’état d’ébriété des personnels médicaux.

Le drame d’Orthez a marqué les esprits et amène certains à faire des propositions extrêmes. Alors qu’en octobre 2014, l’anesthésiste-réanimateur à l’origine de la mort d’une patiente a reconnu un problème d’alcool, Lucien Degauchy, député UMP de l’Oise, a déposé récemment une proposition de loi qui rendrait obligatoire l’alcootest à l’entrée des blocs opératoires. Une mesure qui fait bondir les médecins.

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« Vérifier en amont qu’il n’y a pas de danger ». « Les chirurgiens, anesthésistes et infirmiers ont l’obligation de se soumettre à un test d’alcoolémie avant toute intervention chirurgicale », voilà ce que souhaite Lucien Degauchy dans sa proposition de loi déposée le 21 janvier dernier. En cas de résultat positif, il serait « interdit » au médecin ou à l’infirmier fautif « de participer à une intervention chirurgicale ».

Ce qui motive le député ? Le drame de la maternité d’Orthez et « d’autres cas d’erreurs médicales liées à l’abus d’alcool révélés ces dernières années » qui montrent « les limites de notre arsenal juridique ».

Ce que dit la loi. Le Code de santé publique autorise à suspendre l’exercice d’un médecin s’il expose ses patients « à un danger grave » mais seul un représentant de l’Etat peut le faire, « trop tard le plus souvent », estime le député. Il faut donc, selon lui, « vérifier en amont qu’il n’y a pas de danger ».

Un alcootest à l’entrée de l’Assemblée ? Si la proposition de loi doit passer par la Commission des affaires sociales avant d’être débattue à l’Assemblée nationale, le syndicat des chirurgiens Le Bloc a déjà réagit sur le mode humoristique. Il propose dans un communiqué que « les parlementaires » aient « l’obligation de se soumettre à un test d’alcoolémie avant tout débat » et qu’ils aient « l’interdiction d’introduire de l’alcool sous quelque forme que ce soit à l’intérieur de l’hémicycle ». Et pourquoi pas bientôt des « dépistages de stupéfiants » poursuit Philippe Cuq, président de l‘Union des chirurgiens de France, contacté par Europe 1.

Un salarié sur trois est confronté au burn-out

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Des professionnels de santé « stigmatisés ». Plus sérieusement, Philippe Cuq déplore la proposition de Lucien Degauchy qu’il juge « complètement démagogique et irresponsable », d’autant plus qu’elle « stigmatise les professions de santé qui sont aux chevets de leurs patients sans compter leurs heures ». Il reconnaît non sans mal que pourtant, le corps médical va mal : « on y compte trois fois plus de suicides que dans les autres professions ».

En cause selon lui ? « La pénurie du personnel, les jeunes qui fuient ces professions… résultat, les burn-out sont fréquents ». Selon une étude publiée en 2012, un tiers des chirurgiens se disaient proches du syndrome d’épuisement professionnel.

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L’alcoolisme ? Un « faux-problème ». Yves Rebufat, président du syndicat national des anesthésistes-réanimateurs, qui juge la proposition du député comme une « vaste blague », voit dans l’alcoolisme supposé de certains médecins un « faux-problème ». Ce qu’appuie des études menées par le Smart (santé du médecin anesthésiste-réanimateur au travail) qui démontre que ces professionnels de santé ne souffrent pas plus qu’ailleurs d’addictions.

« Ce qui est grave, c’est le maintien forcé de petites structures comme la maternité d’Orthez où il n’y a pas assez de moyens et où on recrute parfois n’importe qui », explique-t-il à Europe 1. « Des gens de l’est, de Belgique » sur lesquels « on ne sait rien et qu’on embauche parce qu’il y a un manque de personnels », rapporte-t-il. Les chiffres révèlent en effet la pénurie qui frappe les anesthésistes-réanimateurs. « Chez eux, 25% des postes ne sont pas pourvus et les semaines de 60 heures sont la norme », expliquait le Dr Max-André Doppia, interrogé par Europe 1 suite au drame d’Orthez.

Résultat, même si ces alcootests sont installés, « on aura beau interdire les personnels testés positifs, personne ne sera là pour les remplacer », prédit Yves Rebufat. « Qu’est-ce qu’on fera alors ? On laissera les patients mourir, faute de médecins pour encadrer l’opération ? ».

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Source : Europe1

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