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American sniper : le film de Clint Eastwood divise l’Amérique

© Capture d'écran Youtube

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Le film American sniper de Clint Eastwood remporte un grand succès aux Etats-Unis. Mais il suscite aussi les critiques de certains qui l’assimilent à une œuvre de propagande pour l’armée.

Succès économique et source de polémique. Pas besoin de faire l’unanimité pour amasser des millions de dollars au box-office. Pour American sniper, le nouveau film de Clint Eastwood, c’est même l’inverse. Son énorme succès en salles depuis sa sortie outre-Atlantique -105 millions de dollars soit 90 millions d’euros en un week-end, ce qui en fait l’œuvre la plus rentable du célèbre acteur-réalisateur- s’accompagne de débats houleux qui divisent l’Amérique.

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160 victimes au cours de sa carrière. La pomme de discorde ? Le traitement cinématographique privilégié par Clint Eastwood de l’histoire de Chris Kyle, tireur d’élite au sein des forces spéciales, les Navy Seals. Ce sniper, aujourd’hui décédé, est connu sous deux surnoms qui résument bien le personnage : Chris Kyle est « la légende » pour ses frères d’armes et « le diable » pour ses ennemis. Bien que ce titre soit difficilement vérifiable, ce soldat américain est en effet connu pour être le sniper le plus meurtrier de l’histoire militaire du pays. Le Pentagone lui « crédite » 160 morts, tandis que lui en revendique 255 dans son autobiographie dont le scénario s’inspire.

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Un « féroce soldat de Dieu ». Chris Kyle est incarné par Bradley Cooper dans American sniper. Au long du film, le spectateur est confronté à la violence des scènes de guerre, mais aussi au difficile retour à la vie civile et familiale de ces soldats, souvent sujets au stress post-traumatique. Héroïsé par certains, largement médiatisé, Chris Kyle s’est fait connaître par ses sorties violentes. Au Figaro, il expliquait en avril 2012 que les Irakiens étaient des « sauvages, qui n’hésitent pas à envoyer des femmes et des enfants faire le sale boulot ». Il se considérait également comme « un féroce soldat de Dieu », content de savoir que chaque personne qu’il tuait « ne risquait pas de planter une bombe artisanale sous une route au passage d’un convoi américain ».

Hollywood divisé. Ajoutez à ces déclarations fracassantes un tatouage en forme de croix de templier rouge vif et un accent texan prononcé. Il n’en faut pas plus pour diviser les Etats-Unis autour du film qui campe le personnage. D’un côté, de nombreux médias et personnalités ont critiqué une œuvre qui esthétise la mort et joue le rôle de propagande de l’armée américaine. Parmi eux, le réalisateur de Bowling for Columbine Michael Moore, grand opposant à la guerre en Irak et au libre port d’armes aux Etats-Unis. « Mon oncle a été tué par un sniper pendant la Seconde Guerre mondiale. On nous apprenait que les snipers étaient des lâches. Qu’ils vous tiraient dans le dos. Les snipers ne sont pas des héros. Et les envahisseurs sont pires », martèle-t-il.

Avant Michael Moore, Jane Fonda avait été la première personnalité du cinéma américain à réagir, positivement elle, au film. « Je viens de voir American sniper. C’est un film puissant, le pendant de Coming Home (film sur la vie d’un prisonnier politique chinois après sa libération, ndlr). Bradley Cooper est sensationnel. Bravo Clint Eastwood. »  

Campagne marketing ciblée. Comme le montre le Wall Street Journal (en anglais, édition abonnés), le film a été proportionnellement drainé moins de spectateurs dans les grandes aires urbaines des côtes est et ouest, majoritairement démocrates et libérales, comparé au franc succès qu’il a remporté dans le sud du pays et dans le Midwest, résolument républicains et conservateurs. Un phénomène logique, et même voulu par le studio de production, comme en atteste le témoignage d’un employé dans The Hollywood Reporter cité par le blog du Monde Bigbrowser : une campagne marketing, tournée vers un public conservateur via des publicités sur Fox News et dans des magazines militaires a permis de faire de ce succès un « phénomène culturel »

Un phénomène culturel, mais aussi politique, puisque l’ex-sénatrice de l’Alaska et figure de la droite radicale américaine Sarah Palin a elle aussi réagi contre les « gauchos d’Hollywood » qui « crachent sur les tombes des combattants de la liberté qui vous permettent de faire ce que vous faites ».

American sniper : le film de Clint Eastwood divise l'Amérique

© MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Clint Eastwood dépassé ? Pourtant, dans un débat lors d’une avant-première le 8 décembre dernier, Clint Eastwood affirmait ne pas vouloir faire l’allégorie de la guerre avec American Sniper, commel’explique Première. Il avait même réaffirmé son opposition à la guerre en Irak, en parlant de « l’arrogance de vouloir entrer en guerre sans même se poser la question de sa justification, ni des conséquences tragiques qu’elle aurait pour tant de monde ». Le ralisateur rappelait qu’il avait grandi pendant la Seconde Guerre Mondiale, dans l’espoir qu’elle « finirait toutes les guerres ». Bradley Cooper, l’acteur principal du film, a lui aussi affirmé qu' »American sniper n’était pas un film politique » dans le Guardian.

Une Amérique coupée en deux ? Médias et opinion publique voient en American Sniper la ligne de fracture entre une Amérique de l’intérieur, conservatrice et républicaine, et une Amérique des côtes, élitiste et démocrate. Une opposition manichéenne que refusent de légitimer de nombreux éditorialistes américains. « Une partie des spectateurs du film l’ont-ils regardé à travers un prisme xénophobe et belliqueux? Sûrement. Et ces gens sont haineux et simplets. Mais ceux qui font de ces gens une population cohérente et identifiée qu’ils regardent avec mépris sont tout aussi bêtes que ceux qu’ils critiquent », peut-on lire notamment sur Flavorwire.

American Sniper ne laisse décidément personne indifférent, puisque le cours de la justice lui-même pourrait être perturbé par la sortie de ce film. En effet, Chris Kyle avait été tué près de chez lui au Texas en février 2013, lors d’un gala en faveur des vétérans de l’armée touchés par le syndrome de stress post-traumatique (PTSD). L’accusé, lui-même victime de PTSD, doit être jugé le 11 février prochain dans un procès où il risque la peine de mort. Son avocat estime que le film pose problème puisqu’il « pourrait influencer le jury », explique BFMTV.

Source : Europe1

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