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Après la « vague bleue », le Tavini appelle l’État et le Pays a « entendre le message du peuple Maohi »

En faisant élire ses trois candidats aux législatives, dont le plus jeune député de la République, le Tavini réussit son pari. Pour le trio bleu ciel, il s’agit bien sûr de faire avancer ses dossiers à Paris – dont l’évolution institutionnelle – dans la minorité Nupes. Mais pour Oscar Temaru, les résultats de ce scrutin doivent résonner aussi bien à Paris qu’à Papeete : « Si j’étais président du gouvernement je démissionnerais » lance le chef de file indépendantiste.

Lire aussi : Au Tapura, entre « défaite prévisible » et « catastrophe pour le Pays »

« On veut dire à tous les Polynésiens qu’on sera digne de leur confiance ». À son arrivée au siège du Tavini, où l’attendaient, samedi soir, une petite foule de militants, Oscar Temaru ne cache ni son émotion ni son ambition pour les prochains mois. L’élection des trois candidats bleu ciel, c’est un pari réussi pour le parti indépendantiste, qui se replace au centre de la vie politique polynésienne. Mais c’est aussi, pour Oscar Temaru, « un moment historique pour notre pays » : « c’est un message du peuple maohi qui est envoyé à tout le monde, et il faut l’entendre », insiste le maire de Faa’a. Un message qui porte bien entendu sur l’autodétermination de la Polynésie et sur la « lutte pour la souveraineté », dont ce scrutin législatif est pour le Tavini, « une bataille très importante ». une bataille à laquelle l’ancien président du Pays compte bien donner une résonnance bien au delà de la Polynésie : « On demande à être reconnu pour ce que nous sommes, c’est tout ».

56 ans d’écart mais un discours tout aussi déterminé du côté de Tematai Le Gayic, élu à 21 ans plus jeune député de la Ve République, et qui recevait déjà hier soir des félicitations de personnalités politiques métropolitaines. L’étudiant en sciences sociales et politiques ne s’embarrasse pas beaucoup de son « record » d’âge – « l’important ce sont les dossiers » dit-il –  mais se félicite qu’il puisse pousser davantage de jeunes à s’engager en politique, « quel que soit le parti ». « Longtemps j’ai cru que ça n’allait être qu’un discours, mais j’ai vu la jeunesse se déplacer pour ce vote, et beaucoup m’ont dit : fais gaffe parce que tu ne seras pas le seul demain à être en politique, raconte-t-il. Je leur ai dit : chiche ! ».

Un partenariat « d’égal à égal » avec la France

Le jeune député le sait : il sera vraisemblablement plus sollicité que les autres, du fait de son âge, sur la scène médiatique nationale. Le discours qu’il y tiendra, portera sur l’urgence climatique, l’urgence sociale, et, là aussi, sur la nécessité d’un partenariat « d’égal à égal, sans subordination » entre la Polynésie et la France. « Si le gouvernement de la Polynésie, comme l’État français acceptent les résultats d’aujourd’hui et acceptent que le peuple maohi a décidé d’aller sur ce chemin là, tout va aller bien, explique-t-il. Mais s’il commence à y avoir des contestations, c’est là où il va y avoir des débordements. Alors j’appelle à la responsabilité de tous à accepter le choix des urnes pour dire que les Polynésiens veulent rentrer sur ce chemin ».

Moetai Brotherson, longtemps parmi la « jeune garde » des bleu ciel, se retrouve à 52 ans, en position de vieux sage dans ce trio. « Ca me fout un coup de vieux, mais j’aime bien », sourit-il, assurant qu’il sera « toujours présent » pour guider ses deux jeunes camarades, leur éviter certains écueils de la vie parlementaire. Voire, « leur tirer les oreilles et les ramener sur terre s’ils commencent à déconner ». Car « un immense espoir et né et il ne faut pas le décevoir ». « Je n’ai aucune inquiétude là dessus, je les connais, ce sont des garçons humbles, travailleurs et qui ont soif d’apprendre », précise le député de la troisième circonscription, qui réalise, avec près de 22 000 voix et 61,3% des suffrages exprimés, le meilleur score de ce deuxième tour.

Fenêtre de révision constitutionnelle

Parmi les dossiers prioritaires, faire avancer les textes déjà déposés lors de la dernière mandature (cannabis, réparation des essais, probité des élus), mais surtout profiter de la « fenêtre de révision constitutionnelle » pour parler du statut de la Polynésie. « Ces révisions arrivent en général en début de mandat, donc on aura cette priorité-là de travail sur la citoyenneté Maohi, qui est un dossier qui chapeaute la protection de l’emploi local, du foncier, la promotion de nos langues… liste Moetai Brotherson. Ca va se jouer dès le début du mandat ».

Pas si facile, puisque les trois députés siègeront dans la Nupes dont les scores ont été en dessous des attentes à gauche.

Vers une alliance d’opposition aux territoriales ?

Mais le travail a commencé. Ce dimanche, les trois députés étaient invités par le Haut-commissaire Dominique Sorain à une session d’échange. Pas de rencontre prévue, en revanche avec le président du Pays. « J’ai écouté son intervention à la télé et il a dit qu’il ne pourra pas travailler avec nous, regrette Steve Chailloux. Ce qui est dommage parce que nous sommes prêt à travailler avec eux : il ne s’agit pas d’une question d’indépendance et d’autonomie mais de travailler pour notre pays et notre peuple ».

« Notre porte est ouverte et on attend son coup de fil » confirme Moetai Brotherson. Et d’autres coups de fil pourraient suivre. Car si les élus Tavini se défendent d’avoir mis en avant les thèmes territoriaux dans cette campagne législatives – ce que leur reproche les ex-candidats Tapura – les résultats ont tout de même des implications fortes pour 2023. Le député de la troisième circonscription, seul représentant élu à Tarahoi du trio, évoque la « possibilité d’une union de toutes les forces de bonne volonté. « Des forces qui ont concouru à notre victoire, ça ne sert à rien de le cacher », précise-t-il. Des discussions pourraient avoir lieu avec d’autres mouvements d’opposition dans les prochaines semaines, « mais pas des discussions de marchand de tapis » prévient Moetai Brotherson : « on parle de projet et de programme ».

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1 Commentaire

  1. 20 juin 2022 à 6h27 — Répondre

    «  La claque ! » Voilà ce qui arrive quand on ne respecte pas le franchissement de la « ligne rouge » imposée au peuple. Le Tapura, son président et son gouvernement au complet récoltent le prix de la légèreté de certains élus qui ont fauté persuadés que leurs positions au sein de la majorité allaient leur permettre d’agir à leur guise et impunément.
    Trois représentants Tavini, Messieurs Brotherson, Le Gayic et Chailloux on remporté ces élections législatives, la punition est tombée implacable, un pied de nez qui doit réjouir n’en doutons pas M Oscar Temaru qui voit poindre à l’horizon son rêve d’indépendance. Le peuple Polynésien a ouvert les yeux sur les erreurs de gouvernance des élus. A l’instar de la « Macronie » en métropole, la majorité se fissure.
    La couleur du pays vire au « bleu »

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