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Après les scandales, opération « transparence » de l'Eglise sur la pédophilie

Paris (AFP) – Nouveau guide antipédophilie, publication de chiffres – en stagnation voire repli – sur les prêtres impliqués: l’Église catholique en France a une nouvelle fois affiché lundi une volonté de « transparence » sur les abus sexuels, après les mois de scandales qui l’ont secouée.

Selon une enquête quantitative publiée par la Conférence des évêques de France (CEF), neuf clercs (prêtres ou diacres), sur environ 15.000, sont actuellement « emprisonnés en France pour des faits de violences sexuelles commises sur des mineurs ».

Trente-sept autres « ont exécuté leur peine et sont sortis de prison », et « 26 clercs font l’objet d’une mise en examen, soit moitié moins qu’en 2010 ».

Ces clercs sont dans leur immense majorité des prêtres, auxquels s’ajoutent quelques diacres. Certains des mis en examen sont en détention provisoire.

En 2010, la CEF avait fait état de près de 100 prêtres (sur environ 18.000) mis en examen (51) ou déjà condamnés (45), neuf étant incarcérés. En 2003, le bilan se ventilait en 18 mis en examen, 30 condamnés (dont onze en prison) et 21 ayant accompli leur peine soit, comme en 2017, près de 70 prêtres concernés (sur 25.000 à l’époque).

Ces chiffres dessinent une réalité qui « n’est pas massive, même si elle reste préoccupante », a commenté auprès de l’AFP le porte-parole adjoint de la CEF Vincent Neymon.

2016 a été marquée par des révélations médiatiques en cascade concernant des suspicions d’abus sexuels. L’affaire la plus retentissante, celle du père Bernard Preynat, soupçonné d’avoir abusé de quelque 70 jeunes scouts lyonnais, a écorné l’image du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, visé par des plaintes pour non-dénonciation classées sans suite l’été dernier.

Entre 2010 et 2016, l’Église de France a procédé à « 137 signalements de faits pédocriminels » auprès des parquets, selon l’enquête. Sur cette période, « 222 victimes se sont manifestées » auprès des diocèses, souvent pour des cas anciens: plus de 60% des témoignages concernent des faits survenus avant 1970, 35% des actes commis entre 1970 et 2000, 4% des agressions perpétrées depuis.

– « Déterminés » contre « ce mal » –

« Sur cette question il faut qu’on soit parfaitement transparent, il n’y a aucune question d’image, ce que vivent les victimes est beaucoup trop grave », fait-on valoir à la CEF.

Pour l’association de victimes du père Preynat La Parole libérée, la démarche épiscopale « a plutôt l’apparence d’une opération de communication » qui ne « règle pas les problèmes de fond ».

« Il faut un dialogue sur cette omerta, ce vœu d’obéissance, cette chasteté, ce tabou de la sexualité dans l’Église: il y a là un terreau qui va attirer des gens qui sont en difficulté », confie à l’AFP son président, François Devaux.

La Parole libérée a mis en place ses propres outils de recension des témoignages, en soulignant qu’ils ne sont que « la face émergée de l’iceberg ». Sur sa plateforme « Match », destinée à mettre en relation des victimes d’une même personne, « 367 formulaires » ont été ouverts, dont 34% correspondent à des « agresseurs religieux ».

En novembre, à Lourdes, les évêques de France avaient fait acte de repentance en reconnaissant avoir gardé un « trop long silence coupable » et avoir « manqué de courage pour prendre les mesures qui s’imposaient ».

La CEF a attendu avril 2016 pour généraliser les dispositifs d’accueil et d’écoute des victimes et mettre sur pied une « commission nationale d’expertise indépendante » chargée de conseiller les évêques sur l’affectation de prêtres mis en cause. Cette instance a traité ces derniers mois « une dizaine de dossiers », selon la CEF.

La conférence épiscopale a aussi transformé son équipe de veille en « cellule permanente de lutte contre la pédophilie » et délégué une personne à plein temps sur ce dossier. C’est cette cellule qui a préparé la troisième édition – après celles de 2003 et 2010 – du guide « Lutter contre la pédophilie », outil de formation pour « faire de l’Église un lieu sûr pour les enfants et les jeunes ».

« Nous sommes déterminés à lutter contre ce mal », écrit en préface le président de la CEF, Mgr Georges Pontier, « pour le bien de tous et parce que notre foi nous y engage ».

Le père Eric de Nattes lors d'une messe à l'église Saint-Luc de Sainte-Foy-lès-Lyon pour rendre hommage aux victimes d'abus sexuels, le 7 novembre 2016. © AFP

© AFP JEFF PACHOUD
Le père Eric de Nattes lors d’une messe à l’église Saint-Luc de Sainte-Foy-lès-Lyon pour rendre hommage aux victimes d’abus sexuels, le 7 novembre 2016

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