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Arrêté anti-burkini suspendu: la polémique reprend de plus belle

Paris (AFP) – Loin de calmer les esprits, la suspension d’un arrêté anti-burkini par le Conseil d’Etat a fait repartir vendredi le débat sur cette tenue de bain controversée et, au-delà, sur la place de l’islam dans l’espace public en France.

A huit mois de l’élection présidentielle, la décision de justice a conforté ceux qui, à droite, réclament un durcissement de la législation sur les signes religieux – et donc sur le voile – dans un pays meurtri par une série d’attentats jihadistes, et où vit la plus forte communauté musulmane d’Europe.

Mais Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite, s’est dit opposé à une loi « de circonstance » interdisant le burkini, tenue qui couvre le corps des femmes des cheveux aux chevilles.

Le gouvernement aussi s’y est refusé. Mais le Premier ministre Manuel Valls n’en a pas moins estimé que la décision du Conseil d’Etat « n’épuisait pas le débat ouvert dans notre société ». « Rester silencieux, comme par le passé, c’est un petit renoncement. Une démission de plus », a-t-il affirmé sur sa page Facebook. 

Sur la trentaine d’arrêtés anti-burkini pris en France cet été, seul celui de Villeneuve-Loubet (Côte d’Azur) était attaqué devant le Conseil d’Etat.

L’institution a sèchement suspendu ce texte vendredi mais aussi fixé un cadre rigoureux à ce genre d’interdictions.

Pour le Conseil d’Etat, une restriction de l’accès aux plages ne peut être justifiée qu’en cas de « risques avérés » pour l’ordre public, et non pas sur la base de « l’émotion ou (des) inquiétudes », même dans des communes proches de Nice, où un attentat a fait 86 morts le 14 juillet.

A défaut de ces « risques avérés », interdire ces tenues de bain porte « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales », a asséné la juridiction.

Me Patrice Spinosi, de la Ligue des droits de l’homme, qui avait saisi le Conseil d’Etat, a espéré que la décision fasse « jurisprudence », c’est-à-dire qu’elle soit répercutée par les juges locaux. Ou que les maires retirent eux-mêmes leurs arrêtés.

Pas question, a déjà répondu Ange-Pierre Vivoni, maire socialiste de Sisco (Haute-Corse), qui maintiendra un arrêté pris au lendemain d’une violente rixe dans sa commune à la mi-août. D’autres maires, comme celui de Fréjus David Rachline (FN), ont d’ores et déjà annoncé qu’ils n’entendaient pas plier non plus.

Pour Paul Cassia, professeur de droit public à l’université Paris I, ces arrêtés, s’ils sont contestés devant les tribunaux administratifs, « tomberont sauf si les maires avancent la preuve que dans leur commune il y a des éléments locaux, objectifs, circonstanciés de trouble à l’ordre public. »

-« Décision de bon sens »-

Parmi les représentants de la communauté musulmane, on voulait croire à une accalmie.

Le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, a salué une « décision de bon sens », une « victoire du droit, de la sagesse ». La grande mosquée de Lyon a appelé les musulmans à être « fiers de la France ».

« Il appartient désormais à chacun de rechercher dans la responsabilité l’apaisement, qui seul est de nature à éviter les troubles à l’ordre public et à conforter le vivre-ensemble », a affirmé, prudemment, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

Le sujet est sensible pour le gouvernement. La ministre de l’Eduction Najat Vallaud-Belkacem et celle de la Santé Marisol Touraine se sont inquiétées de la « dérive » des arrêtés municipaux, alors que M. Valls apportait son soutien aux maires.

« Aujourd’hui, dans l’état de tension et de souffrance dans lequel se trouve la société française, nous serions tous bien inspirés d’arrêter de jeter de l’huile sur le feu », a pour sa part jugé Alain Juppé, en rejetant toute nouvelle loi.

Le camp Sarkozy réclame, lui, une loi contre le burkini, par la voix par exemple du président par intérim du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez: « Ce n’est pas à la politique de s’adapter au droit, c’est au droit d’être adapté aux objectifs politiques majeurs tels que la lutte contre le communautarisme ».

La présidente du Front national, Marine Le Pen, a de son côté appelé le « législateur » à « prendre ses responsabilités ».  

Le FN veut interdire tous les signes religieux dans l’espace public, comme c’est déjà le cas pour le voile intégral. Le foulard islamique n’est, lui, interdit qu’à l’école.

Un arrêté municipal interdisant le port du burkini sur une plage de Nice, le 19 août 2016. © AFP

© AFP/Archives JEAN CHRISTOPHE MAGNENET
Un arrêté municipal interdisant le port du burkini sur une plage de Nice, le 19 août 2016

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1 Commentaire

  1. simone grand
    27 août 2016 à 9h28 — Répondre

    ça paraît complètement loufoque cette histoire de burkini mais c’est très sérieux et signifie que les Français de souche sont désemparés après les attentats et le flot des réfugiés.

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