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Assises : 20 ans de prison pour avoir étranglé sa compagne

Au bout de deux journées d’audience, Jean-Claude a été reconnu coupable d’homicide volontaire sur sa compagne Sophie. Il a été condamné à 20 ans de réclusion.

Cette deuxième et dernière journée d’audience a apporté un éclairage nouveau et nettement plus nuancé sur Sophie, la victime. Cela en partie grâce à ses enfants qui sont venus évoquer le souvenir de leur mère à la barre. Tous déclarent que c’était une mère aimante, « même quand elle avait bu » et si parfois elle pouvait se montrer injurieuse, c’était à de rares occasions.« Elle s’est toujours débrouillé pour nous. C’était une mère exemplaire et je suis fier de ce que l’on est devenu, mais je suis triste aujourd’hui qu’elle ne voie pas ce que sont devenus ses petits-enfants », assure l’un de ses fils.

Elle aussi, à l’instar de Jean-Claude, a connu des moments difficiles. Tant dans son enfance que dans sa vie de femme. Alors qu’elle a dix ans, elle subi la perte de ses parents. A 18 ans, elle quitte son île natale, Raiatea, pour Tahiti où elle fait la rencontre de celui qui deviendra son premier mari. Là aussi, coup dur, elle perd son premier enfant, alors qu’il était encore bébé. En 2001 le couple se sépare et elle fait la connaissance d’un autre homme. À croire que le destin s’acharne sur elle, son nouveau compagnon est atteint d’un cancer. Evasané en métropole, il y décédera. Durant tout ce temps, elle ne ménage pas sa peine, travaillant au noir comme femme de ménage, puis ce sont de longues et dures journées dans les fa’a’apu. Elle se met ensuite en ménage avec un homme et là, la spirale de l’alcool et des violences conjugales l’emporte. La suite n’est qu’une succession de rencontres et de coups, jusqu’à ce qu’elle fasse la connaissance de Jean-Claude avec qui tout semble aller pour le mieux. « Elle était joyeuse, souriante. »

Sa femme hante ses pensées 

Là aussi, un obstacle de taille se dresse entre elle et son aspiration à enfin connaître le bonheur, en la personne de l’épouse décédée de Jean-Claude. Celui-ci a du mal à faire son deuil, il l’a « sanctifie », le fait de l’enterrer dans le jardin, si proche de sa maison, l’empêche inconsciemment de prendre un nouveau départ. Il parle souvent d’elle – « je l’aimerais toujours » – et va jusqu’à demander à Sophie de porter ses vêtements qu’il a conservés, ce qu’elle refusera. A la lumière de ces faits, on comprend mieux sa réaction, son « pétage de plombs » quand Sophie le soir du drame lui assène, « T’as qu’à la déterrer et prendre ta douche avec. » Pour lui c’est la phrase de trop. Comme si elle profanait la mémoire de sa femme.

« Ils s’aimaient, mais c’est l’alcool qui a tué ce couple »

« Apparemment, les Polynésiens s’expriment avec leur corps. Le premier féminicide de l’année a été le fait d’un Tahitien en métropole », lâche, désabusée, l’avocate des parties civiles. « Sophie a toute sa vie recherché la sécurité sans jamais la trouver. » Elle rappelle ses déboires conjugaux. « Elle n’a rencontré que des compagnons qui la battaient, et à force, elle était blasée de la gent masculine. Voila pourquoi quand elle avait bu, elle était sarcastique et lâchait des paroles malheureuses. (…) voilà pourquoi elle pu dire des mots qui ont blessé Jean-Claude. » Elle poursuit, « Ce couple aurait pu très bien fonctionner, ils s’aimaient, mais c’est l’alcool qui a tué ce couple. »

Sur les faits, « nous avons que la version de l’accusé, mais tous les éléments montrent une action volontaire de sa part. Sa réaction a été disproportionnée par rapport aux mots de Sophie. Cela sans doute parce que le corps de son épouse repose dans le jardin. Impossible d’aller de l’avant, de l’oublier. » Elle se tourne vers le banc des parties civiles, montre les enfants de Sophie qui depuis le début du procès sont là, stoïques avec parfois des larmes qui s ‘échappent de leurs yeux où l’on ne lit aucune animosité envers l’accusé, mais juste de l’incompréhension. « Cette famille a confiance en la justice, et ils attendent votre décision. »

« Il était déterminé dans sa démarche mortifère »

Sa décision, l’avocat général l’a déjà prise, mais avant de l’asséner, il la justifie. « L’intention de tuer est prouvée. Si il avait voulu la faire taire, il pouvait la bâillonner avec ses mains. Là il l’a immobilisé de tout son poids pour qu’elle ne puisse pas se défendre. Il était déterminé dans sa démarche mortifère ! Il n’a rien tenté pour la réanimer, il n’a pas cherché d’échappatoire, il aurait pu sortir, la laisser seule mais il a choisi la confrontation et la violence physique et cela, les yeux dans les yeux. » Il réclame une peine de 20 ans assortie d’une période de sûreté de 14 ans.

« Vous pouvez l’exclure définitivement de la société, mais moi je pense qu’il peut retrouver une place parmi nous »

La défense prend la parole et visiblement elle ne s’attendait pas à un tel réquisitoire. Un lien s’est créé entre l’avocat et l’accusé. Cela fait trois années qu’il va à Nuutania visiter son client pour préparer sa défense et ce n’est pas sans conséquence. D’autant que l’accusé n’a rien d’un monstre, juste un homme qui à un moment de sa vie a commis l’irréparable alors que rien ne le prédisposait à cela. Il se lève et s’adresse aux jurés « Pour bien juger, il faut bien comprendre. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi dans une vie linéaire il se passe un événement que personne ne comprend. L’accusé n’a connu qu’une femme dans sa vie et elle disparaît brutalement. Elle représentait tout pour lui. Il l’enterre dans son jardin. Peut-être que si elle n’était pas enterrée là, il n’y aurait pas eu ce drame. »

Pour lui, l’élément déclencheur a été cette phrase « Tu n’as qu’à la déterrer et te doucher avec. » « Il a explosé, mais il n’avait pas l’intention de la tuer, juste la faire taire. Ce n’est que lorsque son fils est arrivé qu’il a retrouvé ses esprits. Chaque jour, il s’en veut. » Il marque un temps, parcourt le jury du regard et poursuit, « vous allez le condamner et il acceptera le verdict. Vous pouvez l’exclure définitivement de la société, mais moi je pense qu’il peut retrouver une place parmi nous. Il a le droit de revoir le soleil, sa maison et ses enfants. Vingt ans, c’est beaucoup. C’est un dossier qui nécessite de l’humanité. »

En fin d’après midi le verdict est tombé. Jean-Claude a été condamné à 20 ans de réclusion, mais sans la peine de sûreté que réclamait le ministère public.

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