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Assises : coups mortels à Huahine

Ce lundi aux assises se tenait la première journée d’un procès d’un homme accusé de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner. Une histoire à la fois banale et triste. Banale, car des coups de poings échangés après une soirée alcoolisée à Huahine sont monnaie courante, près de 60% des interventions de la gendarmerie ; triste car un homme a perdu la vie, ce 3 juin 2017.

Aux environs de 22 heures dans le district de Maeva, la soirée kikiriri bat son plein. Elle se tient dans un fare abandonné, un peu à l’écart de la route, où les joueurs sont agglutinés. Dehors, deux hommes discutent assis dans la benne d’un pick quand Hugues Mai, 43 ans au moment des faits, visiblement ivre, s’en prend à l’un d’eux. Il veut se battre et il est connu pour cela. Ivre, il cherche de l’action. D’ailleurs peu de temps avant il cherchait des noises aux clients d’un magasin situé juste en face du tripot clandestin. Malgré ses provocations, les deux hommes le rembarrent et il quitte les lieux. Peu de temps après il revient sur ses pas et retrouve Tuare Maui, 47 ans, cette fois, seul dans le pick-up. Il l’asticote et le provoque tellement que Tuare perd patience et lui dit « OK pour la bagarre ».

À peine termine-t-il sa phrase que Hugues Mai le frappe. Tuare saute de la benne, repousse son adversaire, lui assène un coup de poing et le combat se poursuit au sol. « Je l’ai frappé au menton et il est resté au sol KO durant environ 20 secondes. J’en ai profité pour m’asseoir et reprendre mon souffle. Il était assis et tentait de se relever mais il n’y arrivait pas. Je suis alors parti en scooter tandis qu’il continuait à m’insulter. »

Pas de témoin du drame

C’est la dernière fois qu’il le verra vivant. Personne n’a assisté à la scène. Ce n’est qu’aux environ de minuit, une heure du matin, que la soirée kikiriri se termine et que les joueurs sortent. Personne ne prête vraiment attention à Hugues Mai allongé par terre, puisqu’il est assez courant de le voir dans cet état. L’homme est réputé pour boire les week-ends et de cuver son vin, là où trop ivre pour continuer, il s’écroule. Un des joueurs se décide pourtant à appeler la compagne de Mai qui lui dit de le laisser cuver. Elle a l’habitude et ne s’inquiète pas plus que ça. Pourtant trente minutes s’écoulent et l’homme reste inconscient. Il respire, il ronfle mais ne se réveille pas. L’homme rappelle sa compagne qui cette fois lui dit de le ramener.

Ils le chargent à plusieurs, il est plutôt d’un beau gabarit – 1,83 pour 93 kilos – dans la benne d’une camionnette et le ramène à son domicile. C’est sa femme qui appellera les pompiers voyant son mari sans connaissance. Arrivés sur les lieux ceux-ci lui prodiguent un massage cardiaque, mais trop tard, l’homme est décédé. La victime ayant le visage tuméfié, ils contactent la gendarmerie. Une fois sur place, ils recueillent les premiers témoignages et se rendent au domicile de Tuare. Ils l’interpellent et le place en garde à vue où il reconnaît sans difficulté s’être battu avec la victime, mais quand il l’a quittée, elle vivait encore. Il sera placé sous contrôle judiciaire à la suite de la garde à vue.

Décès par asphyxie

L’autopsie démontrera que Hugues Mai est décédé d’une asphyxie par inhalation de reflux gastrique, mais que le traumatisme crânien, causé par les coups, est tout de même pour quelque chose dans le décès. Il aurait diminué les capacités respiratoires de la victime. On a relevé aussi un taux d’alcoolémie de 1.55 gr par litre de sang.

À la barre l’accusé, de taille moyenne mais aux avant-bras comme des cuisses et au cou de taureau enfoncé dans des épaules de déménageur, ne conteste pas les faits. « J’ai reçu des coups, je me suis protégé et je l’ai frappé. Lorsque je l’ai quitté il était encore vivant et il m’insultait. J’ai été étonné quand les gendarmes m’ont dit qu’il était mort ».

Si l’accusé est connu des forces de l’ordre pour diverses affaires de stupéfiants et une affaire de viol qui lui a valu 10 ans de prison en métropole, il n’est pas vraiment connu pour des faits de violence. Ses connaissances le décrivent comme quelqu’un de calme, pas bagarreur, et s’il lui arrive de boire, il est rarement soûl.

La victime par contre, est connue comme le loup blanc dans le district. S’il est reconnu comme un bon père de famille, quand il est ivre, et c’est quasiment toutes les fins de semaine, il cherche la bagarre jusqu’à ce qu’il la trouve. Parfois faute d’adversaire, il frappe sa femme. S’il n’est pas un adepte de force athlétique comme l’accusé, il est assez massif.

Fléché deux fois pour une histoire de maison familiale

Les connaissances de l’accusé se plaisent à le qualifier de quelqu’un « qui ne fait pas d’histoire, qui ne se bat pas », mais il n’en est pas de même pour l’une de ses sœurs qui le tient pour « un bon à rien, orgueilleux, impulsif et violent qui s’attaque à plus petit. » Il faut dire qu’un lourd contentieux oppose le frère et la sœur. Une histoire d’héritage. Le père avant de mourir aurait fait don de la maison familiale à l’accusé, mais tandis qu’il purgeait sa peine de prison en métropole sa sœur et son mari ont pris possession de la maison et à son retour n’ont pas voulu qu’il s’y installe. L’animosité était telle qu’en 2013 son beau-frère l’a fléché par deux fois avec un fusil harpon. Il a été condamné pour ces faits.

Quant à l’expert psychiatrique, il estime que l’accusé ne présente pas de trouble mental, qu’il exprime des regrets sincères mais que toutefois le risque de récidive n’est pas négligeable car il rend un culte à la force physique qu’il voit comme la panacée à tous les problèmes.

L’accusé avait déjà eu affaire à la victime

De retour à la barre, Tuare Maui relate les faits et révèle qu’il avait déjà eu une histoire par le passé avec Hugues Mai, « une histoire de place au tiurai où je travaillais comme vigile. On s’est un peu embrouillé mais on ne s’est pas battu. Il était soûl et en partant il m’a dit le prochain coup que je te vois on se bat.» C’était en 2013. Et visiblement, quatre ans après cette première rencontre, la victime gardait encore une dent contre Tuare, puisque ce soir du 3 juin, selon l’accusé, il l’a abordé en lui disant « tu te rappelles de moi ? » et de le provoquer en mimant une bagarre tout en lui disant « avec mes poings je vais te faire tomber, avec mes genoux je vais te faire tomber, et avec mes pieds aussi. »

L’accusé poursuit le récit de la soirée. « Il m’a donné un coup quand j’étais dans la benne et ça m’a fait mal. Je suis descendu et je lui ai demandé pourquoi il me tapait. Il m’a donné un coup de pied avec ses chaussures de sécurité et je l’ai frappé. On s’est empoigné et on est tombé au sol. On s’est donné des coups au sol. Il est resté KO au sol pendant 20 secondes, je me suis relevé et me suis assis sur une chaise. Il a essayé de relever mais il n’a pas pu. Je lui ai demandé, et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? Il me fait signe comme quoi c’est bon j’ai gagné et je suis parti en scooter. Mais je l’entendais m’insulter. »

Une absence de blessures qui pose question

Interrogé sur l’absence de blessures sur son corps mais la présence d’ecchymose sur ses mains, il explique qu’énervé, il a frappé le mur de sa maison. L’absence de blessures sur les photos de l’accusé prise le soir même des faits, perturbe la présidente. « Comment vous expliquez que la victime a des ecchymoses sur le visage et vous aucune ? Pourtant vous avez échangé des coups », « J’ai esquivé beaucoup de ses coups. »

L’un des assesseurs prend le relais. « Comment vous expliquez l’absence de blessures ? Ça veut dire qu’il ne tapait pas fort ? » « Ah si, il m’a fait mal », « Mais si vous aviez mal pourquoi, quand vous étiez en garde à vue, vous n’avez pas demandé à voir un médecin ?» L’accusé secoue la tête, ne sachant quoi répondre. L’assesseur poursuit : « pourquoi tu l’as mis ko ? » « Ben pour me défendre.» La présidente s’interroge de nouveau, « mais enfin dans votre situation, ça fait la deuxième fois que vous passez aux assises, pourquoi vous n’êtes pas parti en disant que vous ne vouliez pas vous battre ?» « Mais c’est ce que je lui ai dit, mais il a voulu se battre. » « Mais quand vous êtes parti, vous avez bien vu qu’il n’arrivait pas à se relever ? » « Ça c’était son problème. Moi j’ai tapé pour me défendre. »

Son tort, avoir accepté le combat alors qu’il pouvait partir. C’est du moins ce que lui reproche l’avocat général. « Pourquoi vous n’êtes pas parti, les autres ont bien évité la bagarre pourquoi pas vous ? Vous auriez pu partir avec votre scooter ? » « Il m’a cherché des noises, et je n’ai pas pensé que ça allait dégénérer. » Il s’interrompt, réfléchit puis reconnait, « c’est vrai j’aurais dû partir. »

Cette première journée d’audition s’est achevée sur l’audition de témoins, et mardi elle se poursuivra avec les plaidoiries des avocats et les réquisitions du procureur. Le verdict devrait tomber en fin de journée.

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