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Assises : le père incestueux condamné à 12 ans de prison

Ce mercredi aux assises se tenait le deuxième et dernier jour du procès du père incestueux. Il a été condamné à 12 ans de prison, comme l’avait requis l’avocate générale.

Si la première journée s’est achevée sur le constat du psychologue qui a eu la charge de brosser le portrait de l’accusé, « un psychopathe intolérant à la frustration », cette deuxième journée a démarré par les portraits psychologiques de ses deux victimes, ses filles, et les conséquences des actes de leur père.

Concernant la plus jeune, 7 ans, la psychologue note que, « c’est une petite fille dégourdie, intelligente, mais qui a eu une vie cataclysmique. » Une vie émaillée de violences conjugales entre ses parents, et aussi de violences sexuelles. Bref, un début de vie placé sous le règne de la peur. « J’ai peur de mon papa, mais aujourd’hui je n’ai plus peur puisqu’il est en prison », confiera-t-elle à la psy. Celle-ci expliquera dans son rapport : « elle n’a vécu que dans un climat traumatique, elle fait des cauchemars, un clown qui lui tape sur la tête, et elle est tout le temps vigilante, sur la défensive. » Pour la psychologue, « une prise en charge psychologique est nécessaire. »

Concernant la plus grande, 10 ans, elle observe que « son vécu renvoie à un isolement total face à l’emprise de son père. Elle est placée dans une soumission absolue, car sinon la violence se déchaîne et elle a développé un mécanisme de survie. » Notant que « ces violences s’apparentent à un asservissement mental et sexuel de l’enfant », elle explique que « l’inceste paternel est un traumatisme profond pour l’enfant. La peur, la colère, la mauvaise estime de soi et sa pseudo-maturité, sont les conséquences de ces actes. » Comme pour sa petite sœur, la psy préconise une prise en charge psychologique.

À la fin de la lecture du rapport, la partie civile en charge des intérêts des enfants interroge l’accusé. « Cela vous inspire quoi d’entendre ce qu’a dit la psychologue sur vos filles, et ce qu’elles ont dit aux gendarmes ? » « J’ai mal au cœur de penser à ce que j’ai fait », bafouille l’homme.

« Mais d’après vous, elles vivent comment aujourd’hui ? » « Je l’ignore » « Vous pensez à quoi en prison ? » « Je pense à mes filles, j’ai passé la frontière et ça fait mal », confie-t-il la main sur le cœur.

L’avocate de l’accusé entre dans la partie : « Est-ce que tu arrives à imaginer ce que tes filles pensent de toi ? » « Oui, ce n’est pas facile pour elles. Tous les jours je me dis que ce que j’ai fait ce n’est pas bien. Je demande de l’aide au Seigneur pour que je change. Je ne veux plus vivre la même chose et je veux plus vivre avec elles, ce sera ma punition. »

En prison, il envoie une vidéo de lui à sa femme et ses enfants

On apprendra qu’alors le père était en prison, la mère se rendait avec ses filles pour lui faire des dédicaces à Radio Tefana et elle disait en parlant de ses filles, « elles t’aiment, tu leur manques. » Et alors qu’il était en cellule, il a pu utiliser un téléphone, se filmer et envoyer la vidéo à sa femme qui l’a montrée aux fillettes. Ce qui lui était interdit. La femme est alors appelée à la barre pour qu’elle s’explique. « J’ai reçu le message, il montrait sa cellule et il disait qu’il méritait d’être là. Les petites ont vu la vidéo et ont été soulagées de voir qu’il était en vie. »

Courroux de la présidente de la cour d’assises, « vous pensez qu’en prison on laisse mourir les gens ? » « Non, mais il y en a se laissent aller psychologiquement. » « Vous saviez pourtant que la psychologue a dit qu’il ne fallait pas qu’elles voient leur père, que cela pouvait les traumatiser ! »

Petit moment de flottement, et la mère reparle du Seigneur « Je me suis tournée vers lui pour qu’il me donne la foi et que je puisse la partager avec mon mari. J’ai fait la paix avec le Seigneur, c’est pour cela que je faisais des dédicaces à Radio Tefana. » Sur le visage de la présidente, l’exaspération se mêle à la colère. « Que vous fassiez la paix avec le Seigneur, c’est votre choix d’adulte, mais les filles ne devaient ni entendre ni voir leur père. »

La mère semble perdue dans sa bulle céleste et imperméable à ce qu’il se passe dans le royaume terrestre. « J’ai dit à mes enfants qu’il ne fallait pas qu’elles regardent, mais elles ont insisté pour le voir » explique-t-elle, visiblement peu convaincue par ses propres propos. « Tout cela peut s’apparenter à des pressions sur les victimes ! » assure la présidente qui clôt la discussion.

« Elles ont été victimes de celui qui devait les protéger, s’occuper d’elles »

C’est le moment pour la partie civile d’entamer sa plaidoirie. Une partie civile qui représente les enfants car le juge d’instruction a estimé que la mère n’était pas à même de les représenter, confiant cette tâche à l’Association polyvalente d’actions judiciaires (APAJ).

L’avocate articule sa plaidoirie sur trois points essentiels à ses yeux. La personnalité de l’agresseur, le comportement ambivalent de la mère, et les fillettes. Et sa plaidoirie n’a épargné ni le père incestueux, ni sa femme.

Ainsi, elle estime que « le comportement de son mari aurait dû alerter sa femme. Elle a déposé deux mains courantes contre son mari pour des violences et elle était au courant pour la relation qu’il a eu avec sa sœur alors âgée de 12 ans, de plus elle a vu, en 2017, la vidéo de sa fille lui prodiguant une fellation et elle n’a pas signalé ce fait. » Pour elle, « avec tous ces éléments, on ne devrait pas être là aujourd’hui ! Si en 2017 la justice avait été saisie on n’en serait pas là ! » Elle poursuit, « la plus grande des filles a été victime de violences, puis de viols et cela jusqu’en 2018. C’est seulement là que la mère a prévenu les gendarmes. »

Concernant les victimes, « elles ne vivaient pas la vie de deux fillettes de leur âge. La mère travaillait et le père passait son temps avec ses collègues à boire. Il n’était pas à la maison. Et quand il rentrait, il leur imposait des fellations ! » Ses yeux lancent des éclairs de colère où se mélangent quelques larmes et sa voix se fait incisive, redoutable. « C’est avec cette souffrance-là qu’elles vivent, et cette souffrance n’est pas finie, elle perdurera ! » Elle enjoint la cour de dire « haut et fort qu’elles ont été victimes de celui qui devait les protéger, s’occuper d’elles (…). Il faut qu’elles comprennent qu’il est juste que leur père soit en prison et qu’elles doivent évoluer comme des jeunes filles. »

« L’inceste est un traumatisme profond et durable »

L’avocate générale prend alors le relais et s’adresse aux jurés. « Vous avez entendu la représentante des victimes, le témoignage des enfants, hier, et leurs souffrances. L’inceste est un traumatisme profond et durable et elles ne seront plus jamais les mêmes enfants. » Elle marque une pause, histoire que sa dernière phrase pénètre bien dans les esprits des jurés puis poursuit : « Vous êtes plongés dans la violence judiciaire, l’inceste, le tabu de l’inceste, un monde étranger pour vous, mais on va faire appel à votre bon sens, à vos valeurs humaines. »

Sa voix prend de l’ampleur, « le bon sens c’est de se dire que lorsqu’on rentre par effraction dans le corps d’un enfant, on commet un viol, un crime. Pas une bêtise. Et la loi a prévu une échelle des choses interdites, et là, nous sommes sur la plus haute marche ! Et la peine qu’encourt l’accusé est de 20 ans » Le ton se fait plus mesuré, plus doux : « Pourtant, je ne vais pas requérir cette peine. La société a intérêt à ce que l’on trouve la juste peine, celle qui doit lui rappeler que ce qu’il a fait n’est pas une bêtise, l’empêcher qu’il recommence. » Plus dure, elle reprend : « l’inceste, c’est le vol de la confiance en l’adulte et cela a un impact psychologique profond ! La peine que vous allez prononcer doit rétablir cette confiance. » Elle marque un temps puis assène « je réclame 12 ans de réclusion criminelle. C’est brutal à entendre mais c’est la juste peine. » Elle s’explique, « c’est le temps nécessaire pour sanctionner un fait grave et le temps nécessaire pour qu’il puisse changer, revenir parmi nous différemment. » Regardant l’accusé qui, lui, regarde le sol, « vous y avez droit monsieur. » Elle se rassoit et laisse la parole à l’avocate de la défense.

« La défense, c’est un rôle particulier, pas facile dans ce cas-là »

Celle-ci se lève comme pour aller à l’échafaud, presque à reculons, mais elle se doit de défendre l’indéfendable. Et c’est d’ailleurs ce qu’elle essaie de faire comprendre à mi-mots aux jurés. « La défense, c’est un rôle particulier, pas facile dans ce cas-là. Mais c’est nécessaire, indispensable. (…) On ne naît ni méchant, ni violeur, on le devient. Et pour mon client, c’est son parcours de vie qui l’a mené là. » Et de mettre en avant une enfance jalonnée de violences, « qu’il a gardées en lui ».

Sur les faits qu’on lui reproche et qu’il reconnait, elle estime qu’il « n’a pas les outils pour pouvoir se changer alors qu’il sait qu’il a un problème. Il savait qu’il perdait le sens des réalités, mais il ne savait pas comment faire. C’est son vœu de changer, il en a la volonté. »

Évoquant sa femme, elle dit lui en vouloir : « Elle avait la capacité de l’arrêter, mais elle ne l’a pas fait, et quand on n’arrête pas quelqu’un, quelque part on est responsable. J’en veux à sa femme, je suis croyante moi aussi mais on ne peut pas se cacher derrière la religion. Elle l’a laissé faire. »

Elle désigne l’accusé : « Vous croyez qu’il est fier de lui, depuis deux jours il garde la tête baissée, il dit qu’il mérite ce qu’il lui arrive. Cela veut dire qu’il se sent responsable et coupable et cela, c’est plus qu’un premier pas vers la réhabilitation. » Elle conclut, « je vous laisse apprécier le quantum de la peine pour ce qu’il a fait. »

La présidente de la cour d’assise avant la délibération donne la parole à l’accusé. Il se lève péniblement, marque un temps avant de s’exprimer d’une voix peu audible. « J’ai de la peine pour mes filles, j’ai le cœur brisé, je reconnais les faits et je suis prêt à réparer. Demander la peine que vous voulez, j’ai besoin d’être soigné. C’est tout ce que j’ai à dire. »

Il a été condamné à 12 ans de prison, avec injonction de soins, 5 ans de suivi socio-judiciaire, et interdiction de rentrer en contact avec des mineurs.

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1 Commentaire

  1. simone grand
    3 septembre 2020 à 9h30 — Répondre

    Ni la mère ni les hommes d’Eglise à qui elle s’est confiée n’ont porté assistance à ces petites filles maltraitées. La mère a attendu trop longtemps. Elle et ces hommes d’Eglise doivent être poursuivis pour non assistance à enfants en danger.
    Il est tout de même étrange d’entendre tant de Polynésiens invoquer le Seigneur aussi bien pour ce qu’ils font de beau que pour ce qu’ils font d’horrible. Il y a là une perversion culturelle majeure évidente.

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