INTERNATIONAL

Assoiffés, les pistachiers iraniens se meurent

Sirjan (Iran) (AFP) – Dans un village fantôme du sud de l’Iran, des machines agricoles rouillées et des maisons en ruine côtoient des champs de pistachiers asséchés et blanchis par le soleil.

Logements et cultures ont été abandonnés il y a une dizaine d’années par les paysans, qui ont longtemps vécu de la culture de la pistache, deuxième produit d’exportation de l’Iran après le pétrole.

Mais cette richesse s’est en partie évaporée, au fur et à mesure que les réserves souterraines d’eau s’asséchaient dans la province de Kerman, capitale de la pistache. La faute à des années de sécheresse mais aussi d’agriculture intensive peu régulée.

« Les plantations sont en train de disparaître », se désole Hassan Ali Firouzabadi, qui habite dans la localité voisine d’Izadabad à quelques kilomètres. Et les habitants « sont partis en ville pour devenir ouvriers ou chauffeurs de taxi. Dans dix ans, il ne restera plus personne ».

Dans son verger, certains pistachiers datent du XVIIe siècle, mais leurs feuilles tournent au jaune à cause de l’eau salée utilisée pour leur irrigation.

« Lorsque j’étais enfant, les puits avaient une profondeur de six à dix mètres, mais aujourd’hui il faut aller chercher l’eau à 150 mètres sous terre, et elle souvent salée », témoigne le paysan.

L’épuisement des réserves souterraines s’explique en partie par le creusement de plus de 300.000 puits illégaux, sur les 750.000 que compte le pays.

Pour lutter contre cette surexploitation, le gouvernement a adopté un vaste programme d’interdiction de ces puits mais aussi de modernisation du système d’irrigation avec des aides directes aux paysans pouvant couvrir jusqu’à 80% de leurs coûts. Mais cet argent n’est pas disponible pour aider tous les agriculteurs en même temps.

L’ONU qualifie désormais l’Iran de pays en état de « pénurie d’eau ». Dans deux tiers des provinces, les réserves hydrauliques disponibles annuellement par personne ont chuté de 7.000 m3 il y a 60 ans à 1.000 m3 aujourd’hui.

Durant des siècles, l’Iran a exploité l’un des systèmes d’irrigation les plus sophistiqués au monde: un réseau de canaux souterrains appelés « qanats » qui transportaient l’eau des réserves souterraines jusqu’à la surface.

– ‘Une catastrophe’ –

Mais avec la réforme agraire menée il y a une cinquantaine d’années, les pompes électriques ont fait leur apparition sans qu’une politique d’irrigation globale ne soit mise en place. Puis, à la suite de la révolution islamique de 1979, peu d’attention a été accordée à la préservation de l’eau. 

« Nous perdons petit à petit l’illusion que le pays a des ressources hydrauliques illimitées », relève Mohsen Nasseri, du Bureau national du changement climatique à Téhéran.

Selon lui, le gouvernement a enfin pris conscience de la gravité de la situation et cherche à mettre en place une politique pour protéger les nappes souterraines.

« C’est tard, mais c’est enfin arrivé », dit-il, en référence aux aides accordées par le gouvernement pour moderniser le système d’irrigation traditionnel. 

Certains agriculteurs n’ont pas attendu l’intervention de l’Etat pour prendre les choses en main.

La plantation de Farhad Sharif ressemble ainsi à une oasis dans un environnement de plus en plus désertique.

Il y a huit ans, ce cultivateur s’est endetté pour mettre en place un système d’irrigation moderne de goutte-à-goutte pour économiser l’eau.

« Nos arbres sont en meilleure santé et notre production en hausse alors que nous utilisons 70% d’eau en moins », se félicite M. Sharif. 

Sa famille limite strictement la taille de la plantation pour protéger les nappes souterraines afin qu’elles puissent se reconstituer.

« Tout le monde devrait le faire », estime-t-il, conscient toutefois des difficultés financières que cela engendre. « La crise est plus grave que ne le réalisent les gens. Ce qui se passe ici est une catastrophe », alerte M. Sharif.

La province de Kerman perd tous les ans 20.000 hectares de ses plantations de pistaches, selon une étude menée par la Chambre de commerce iranienne.

Et, avec 250.000 tonnes par an, la République islamique a désormais abandonné sa place de premier producteur mondial au détriment des Etats-Unis, qui ont développé ces dernières années leurs plantations de pistachiers.

Des pistachiers asséchés près du village fantôme de Sirjan, dans le sud de l'Iran, le 14 août 2016. © AFP

© AFP/Archives ATTA KENARE
Des pistachiers asséchés près du village fantôme de Sirjan, dans le sud de l’Iran, le 14 août 2016

Article précedent

Lactarium d'Ile-de-France: une inspection aura lieu lundi

Article suivant

GP d'Italie: victoire de l'Allemand Nico Rosberg (Mercedes)

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Assoiffés, les pistachiers iraniens se meurent