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Attentats de Paris: un an après, une enquête hors norme et des zones d'ombre

Paris (AFP) – Un an après les attentats de Paris, les investigations dirigées par six juges d’instruction français permettent de reconstituer avec plus de précision la naissance d’un projet terroriste inédit. L’enquête, hors norme, progresse mais ne lève pas toutes les zones d’ombre.

– L’itinéraire flou de certains jihadistes – 

L’enquête entamée au soir du 13 novembre a rapidement révélé des failles dans la surveillance de certains protagonistes.

Comment Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attaques et chef de la cellule de Verviers en Belgique, a-t-il pu circuler librement en Europe alors qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt international?

Malgré une interdiction de sortie du territoire, Samy Amimour, l’un des assassins du Bataclan, a pu partir en Syrie en 2013 et revenir en Europe. Comment? Leur périple de retour des terres du jihad syrien n’a pu encore être reconstitué.

– D’autres attaques ? – 

Les attentats de Bruxelles du 22 mars (32 morts) ont marqué un tournant dans l’enquête du 13 novembre en mettant au jour le vaste organigramme d’une cellule aux multiples ramifications.

Dans la foulée du double attentat contre le métro et l’aéroport de la capitale belge, les enquêteurs ont découvert un ordinateur dans une poubelle près d’une planque des jihadistes, dans la commune bruxelloise de Schaerbeek. Dans ce portable, il y avait un fichier baptisé « 13 novembre » et des sous-dossiers, selon une source proche de l’enquête confirmant une information du Monde: « groupe Omar », « groupe Français », « groupe Irakiens », « groupe Schiphol » (le nom de l’aéroport d’Amsterdam) et « groupe métro ». 

Les trois premiers évoquent les cibles et les modes d’action de la soirée meurtrière: « Omar » comme le surnom d’Abaaoud, qui a participé au mitraillage des terrasses; « Français » comme les trois tueurs du Bataclan; « Irakiens » comme deux des trois kamikazes du Stade de France.

Les deux derniers groupes posent question. Celui du métro visait-il le réseau parisien ou un autre métro comme celui de Bruxelles? Et le groupe Schiphol devait-il frapper l’aéroport d’Amsterdam? « Rien ne permet à ce stade d’étayer l’hypothèse d’attaques coordonnées en Europe », relève une source proche de l’enquête.

Des investigations portent sur un voyage effectué par deux suspects, Osama Krayem et Sofien A.: ils avaient pris un aller Bruxelles-Amsterdam en car, le 13 novembre.

– Des rôles encore incertains –

Les attentats qui ont fait 130 morts sur des terrasses parisiennes, au Bataclan et au Stade de France, à Saint-Denis, ont été perpétrés par trois commandos de neuf hommes partis de Belgique, auxquels il faut ajouter Salah Abdeslam, dont le rôle au soir du 13 novembre reste énigmatique.

L’hypothèse d’autres protagonistes, voire d’un quatrième commando, a émergé depuis que deux hommes, l’Algérien Adel Haddadi et le Pakistanais Mohamad Usman, ont été arrêtés en décembre dans un centre de réfugiés en Autriche. Le premier a avoué qu’ils étaient missionnés pour commettre des attentats à Paris. Ils avaient débarqué le 3 octobre 2015 sur l’île grecque de Leros, au milieu des migrants, en même temps que deux des kamikazes du Stade de France. Ces derniers ont pu, eux, continuer leur route, mais pas l’Algérien et le Pakistanais, repérés à cause de leurs faux papiers et placés en rétention. Ce jour-là, d’autres jihadistes ont-ils pu se mêler aux migrants et s’évanouir dans la nature par la suite? Les enquêteurs n’excluent pas cette hypothèse. 

Les investigations récentes conduisent jusqu’en Hongrie, sur la route des Balkans empruntée par des jihadistes de retour de la zone irako-syrienne. La localisation de Salah Abdeslam, suspecté d’avoir acheminé des jihadistes en Europe, et des transferts d’argent font apparaître la Hongrie comme « un maillon important des rouages » de la cellule, selon une source proche de l’enquête.

– Quels commanditaires ? – 

Le nom du commanditaire, probablement en Syrie, reste l’une des grandes inconnues de la tuerie revendiquée par le groupe Etat islamique.

Des interrogations tournent autour du rôle d’un mystérieux personnage portant le nom de guerre d’Abou Ahmad. 

L’Algérien arrêté en Autriche avec le suspect pakistanais a indiqué aux enquêteurs qu’un certain Abou Ahmad avait organisé leur venue depuis la Syrie. C’est le même nom qui apparaît dans une conversation audio exhumée de l’ordinateur jeté à la poubelle: des membres de la cellule en Belgique semblent s’adresser à Abou Ahmad, évoquant leurs « testaments » et des modes opératoires tels qu’un « kidnapping », selon la source proche de l’enquête. 

L’enquête sera longue. Elle se poursuit en France et en Europe, mais sans l’aide de Salah Abdeslam: ce suspect-clé détenu en France garde jusqu’ici le silence face aux juges. 

Secours et forces de l'ordre rue Oberkampf, près du Bataclan, à Paris, après les attaques du 13 novembre 2015. © AFP

© AFP/Archives MIGUEL MEDINA
Secours et forces de l’ordre rue Oberkampf, près du Bataclan, à Paris, après les attaques du 13 novembre 2015

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