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Au procès Cahuzac, "Birdie", le "risque" et la "vérité"

Paris (AFP) – Aller au plus près de la « vérité » au procès du ministre menteur, et pour cela, suivre l’argent: au deuxième jour de son procès pour fraude fiscale, Jérôme Cahuzac a commencé à s’expliquer sur les tribulations de son argent caché à l’étranger.

Ce mercredi, il est question de « Birdie », nom de code du compte suisse, du cheminement toujours plus discret des avoirs, pour « comprendre » ce qui pousse un homme public à s’enfoncer dans l’opacité.

Le premier jour, Jérôme Cahuzac, 64 ans, a fixé sa ligne de défense: il a ouvert un premier compte à l’UBS de Genève en 1992 par l’intermédiaire d’un ami pour « financer les activités politiques » de feu Michel Rocard.

Même si cette piste n’avait pas été retenue par les juges d’instruction, ses affirmations ont leur importance: pour Cahuzac, cela explique l’ouverture d’un compte en Suisse. Et le processus qui en découle.

L’ancien ministre, qui a nié avoir eu un compte caché jusqu’à sa chute en mars 2013, assure qu’il dit cette fois la « vérité ». « Je ne me suis jamais servi de cet argent. Je le répète, c’est très important pour moi », insiste l’ex-chirurgien esthétique. 

« Les choses, vous ne les avez reconnues que quand on vous a présenté les éléments, relève le président Peimane Ghaleh-Marzban. Quand vous invoquez la vérité, le tribunal entend ce que vous dites, mais on doit la tester, on travaille sur pièces ».

Jérôme Cahuzac raconte qu’il se rend en Suisse, pour ouvrir un compte personnel à l’UBS en juin 1993. Les avoirs accumulés sur le premier compte – 3 millions de francs, ce qui équivaudrait aujourd’hui à quelque 600.000 euros – sont transférés.

« On me demande de prendre un nom de code, je choisis +Birdie+. Ce n’est pas seulement un coup au golf, c’est aussi un jazzman… mais tout cela est ridicule. »

Pas pour le président, qui demande: « Dans l’acte qui vous mène à la transgression, est-ce qu’il n’y a pas un frein? Dans une banque française, on ne vous demande pas de prendre un nom de code… »

Mais M. Cahuzac est déjà pris dans un engrenage « mécanique »: « le nom de code est le corollaire de la clandestinité que ce compte impose ».

Vient le tour de la banque Reyl, poursuivie comme personne morale. Son représentant, Thomas Fontaine, veut chasser l’image du « diable suisse ». « La fraude fiscale n’était pas un crime en Suisse », et pourquoi douter d’un client « qui avait déjà un compte dans une banque suisse? »

– « Conduite à risque » –

Le compte « Birdie », ouvert chez UBS, est géré dès juillet 1993 par Projet Finances, l’ancêtre de Reyl. Il est définitivement transféré chez Reyl en 1998. A partir de 2009, l’argent va prendre le chemin de sociétés offshore pour gagner Singapour.

Pourquoi rassembler tous les comptes chez Reyl? « En 1997, je viens d’être élu député, j’ai peur », répond Jérôme Cahuzac.

L’ancien élu affirme qu’il a alors cessé d’alimenter le compte, « à l’exception de deux versements en 2000 et 2001 », des paiements pour des actes de chirurgie esthétique pratiqués « quelque part au Moyen-Orient ».

« Je me retrouve avec un sac de billets, je ne peux pas rentrer avec ça, alors j’appelle Reyl », explique le paria de la République. Et quelqu’un vient récupérer les espèces pour Birdie.

Au président qui veut des détails, Jérôme Cahuzac plaide la dignité: « Je reconnais ce que j’ai fait, souhaitez-vous que je m’accable un peu plus? »

« L’objet de ces questions est de nous aider à trancher, répond le président. Est-ce que M. Cahuzac est un homme cynique, duplice, d’une froideur incroyable… ou un homme qui a d’autres complexités? »

Le procureur s’interroge, lui, sur deux points épineux: pourquoi, si l’argent n’est pas à lui, le mettre sur un compte qui génère des intérêts? « Pour compenser l’inflation », tente le prévenu. Mais pourquoi donner procuration à son épouse?

– « J’ai des comportements à risque, répond d’un air grave le boxeur occasionnel. Je fais de la plongée en bouteille, je vais toujours plus loin, j’aime ça. S’il m’arrivait quelque chose… »

– « Si ce n’est pas votre argent, si vous mourrez, pourquoi mettre votre épouse dans une situation difficile? »

Jérome Cahuzac élude. Au fil des ans, il a lui-même constitué un pactole, à côté de la « caisse noire » des rocardiens. Cet argent a servi à acheter un appartement à Paris en 2003, des tableaux. 

Avec son ex-épouse, également jugée pour fraude fiscale et blanchiment, il encourt jusqu’à sept ans de prison et un million d’euros d’amende.

L’examen des comptes se poursuivra jeudi.

Jérôme Cahuzac à son arrivée au palais de justice pour l'ouverture de son procès le 5 septembre 2016 à Paris. © AFP

© AFP PHILIPPE LOPEZ
Jérôme Cahuzac à son arrivée au palais de justice pour l’ouverture de son procès le 5 septembre 2016 à Paris

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