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Aulnay-sous-Bois: Théo livre le récit de son interpellation

Aulnay-sous-Bois (AFP) – Une matraque « enfoncée volontairement », des crachats et des insultes: Théo, le jeune homme blessé par la police la semaine dernière, a livré lundi le récit de son interpellation à Aulnay-sous-Bois, où plusieurs centaines d’habitants « traumatisés » ont marché pour réclamer « justice ». 

Jeudi, vers 17H00, Théo traverse « la place du Cap », au cœur de la cité des 3.000, de cette commune de Seine-Saint-Denis, quand il « croise des jeunes du quartier ». « Les policiers arrivent à ma hauteur et disent +tous contre le mur+ », explique le jeune homme de 22 ans dans un enregistrement audio enregistré par son avocat et diffusé par BFMTV. Théo est toujours hospitalisé en raison de graves blessures au niveau de la zone rectale.

Au lendemain de la mise en examen d’un policier pour viol et de trois de ses collègues pour violences volontaires en réunion, la victime, qui s’est vu prescrire 60 jours d’incapacité totale de travail (ITT), livre sa version, détaillée, de cette interpellation filmée par la vidéosurveillance de la police municipale et des témoins.

« Je me mets contre le mur, tranquillement, et là un des policiers vient et m’assène un coup ». « J’étais de trois-quarts, je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Je l’ai vu avec sa matraque: il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force, on dirait que mon corps m’avait laissé », décrit-il.

Il évoque ensuite, racontant le trajet dans la voiture qui le mène au commissariat, les « coups », les parties intimes « matraquées », les crachats et les insultes (« négro », « bamboula », « salope »). Jusqu’à son arrivée dans les locaux de la police où un fonctionnaire aurait lancé: « Je pense qu’il faut l’amener se faire opérer, c’est grave ».

Depuis, la tension est forte sur place. Pour la deuxième nuit consécutive, des incidents ont éclaté dans le quartier, où cinq jeunes ont été placés en garde à vue dans la nuit de dimanche à lundi après des tirs de mortier artisanal. Plusieurs voitures ont été incendiées et de nombreux feux de poubelles recensés.

– « Marre des cow-boys » –

« Traumatisés » par l’interpellation de Théo, plusieurs centaines d’habitants se sont réunis lundi en début d’après-midi en bas de l’immeuble de six étages où vit le jeune homme.

De là, mères de famille en première ligne, le cortège a défilé à travers la cité, au chant de la Marseillaise et au cri « Justice pour Théo ». Jusqu’à l’antenne de quartier du commissariat, près duquel un tag « policiers violeurs, baise les keufs » a été inscrit ce week-end. 

Sur leur chemin, les manifestants ont traversé « la place du Cap » : « on voulait montrer (le lieu) où on massacre nos enfants », a lancé à l’AFP Samira, 43 ans, « voisine » de la famille du jeune homme.

« Y en a marre des cow-boys dans les quartiers », a ajouté Houria, 44 ans. « Mon fils a 15 ans, ce sera lui qui demain se fera baisser le pantalon et violer +sans faire exprès+? », s’est-elle interrogée.

« Ici, c’était une des pires cités il y a 20 ans », a expliqué Redouane, directeur d’un centre social de la ville. « Depuis des années on essaie d’améliorer ça, d’enseigner le respect des institutions à nos jeunes. Qu’est-ce qu’on va leur dire après ça? Quand on voit que c’est la police qui se comporte mal, ça anéantit tout notre travail ».

Interrogée sur BFMTV, Aurélie, la sœur aînée de Théo, a lancé « un appel au calme » et dit faire « confiance à la justice ». 

En déplacement à Arcueil (Val-de-Marne), le candidat PS à la présidentielle Benoît Hamon a dénoncé des « actes inadmissibles », demandant à l’État d’être « implacable » vis-à-vis des policiers impliqués. Il a appelé à « ne pas confondre le geste de quelques-uns avec le travail quotidien de milliers de policiers sur le terrain ».

Dans un communiqué, le syndicat de policiers Alliance a de son côté dénoncé « l’empressement +médiatique+ qui consiste à juger des policiers avant que l’enquête n’ait débuté ». Et « rappelé les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles les policiers exercent leur métier dans ces quartiers ».

Plusieurs centaines de personnes participaient lundi 6 février 2017 à une marche à Aulnay-sous-Bois, pour réclamer "Justice pour Théo". © AFP

© AFP FRANCOIS GUILLOT
Plusieurs centaines de personnes participaient lundi 6 février 2017 à une marche à Aulnay-sous-Bois, pour réclamer « Justice pour Théo »

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