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Aulnay-sous-Bois: Théo témoigne sur son interpellation, des habitants réclament « justice »

Aulnay-sous-Bois (AFP) – Une matraque « enfoncée volontairement », des crachats et des insultes: Théo, jeune homme blessé par la police, a livré le récit de son interpellation à Aulnay-sous-Bois, où de nouveaux incidents ont eu lieu lundi soir, quelques heures après une marche d’habitants réclamant « justice ».

Au lendemain de la mise en examen d’un policier pour viol et de trois de ses collègues pour violences volontaires en réunion, le jeune homme de 22 ans a raconté dans un enregistrement audio enregistré par son avocat et diffusé par BFMTV sa version de cette interpellation, filmée par la vidéosurveillance de la police municipale et des témoins.

La victime, toujours hospitalisée en raison de graves blessures au niveau de la zone rectale, s’est vu prescrire 60 jours d’incapacité totale de travail (ITT). Il dit s’être retrouvé par hasard au milieu d’un contrôle d’identité.

« Je me mets contre le mur, tranquillement, et là un des policiers vient et m’assène un coup », a relaté le jeune homme. « Je l’ai vu avec sa matraque: il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force ».

Il évoque ensuite les « coups », les parties intimes « matraquées », les crachats et les insultes (« négro », « bamboula », « salope »). Jusqu’à son arrivée dans les locaux de la police où un fonctionnaire aurait lancé: « Je pense qu’il faut l’amener se faire opérer, c’est grave ».

Depuis l’interpellation du jeudi 2 février, la tension est forte dans cette cité de Seine-Saint-Denis. Pour le troisième soir consécutif, des incidents ont eu lieu lundi soir. Trois véhicules ont été incendiés aux alentours de 22H00 et « plusieurs » interpellations ont eu lieu, selon une source policière.

La veille, cinq jeunes ont été placés en garde à vue après des tirs de mortier artisanal, soupçonnés de violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique et outrages.

– ‘Marre des cow-boys’ –

« Traumatisés » par l’interpellation de Théo, plusieurs centaines d’habitants se sont réunis dans le calme lundi en début d’après-midi, en bas de l’immeuble de six étages où vit le jeune homme.

De là, mères de famille en première ligne, le cortège a défilé à travers la cité, au chant de la Marseillaise et au cri « Justice pour Théo ». Jusqu’à l’antenne de quartier du commissariat, près duquel un tag « policiers violeurs ! Baise les keufs » a été inscrit ce week-end. 

« Y en a marre des cow-boys dans les quartiers », a déclaré à l’AFP Houria, 44 ans. « Mon fils a 15 ans, ce sera lui qui demain se fera baisser le pantalon et violer +sans faire exprès+? ».

Interrogée par BFMTV, Aurélie, la sœur aînée de Théo, a lancé « un appel au calme ». 

Le Défenseur des droits, saisi par l’avocat du jeune homme, a annoncé qu’il lancerait des « investigations » sur cette « dramatique affaire qui illustre les conflits qui naissent parfois des contrôles d’identité ».

En déplacement à Arcueil (Val-de-Marne), le candidat PS à la présidentielle Benoît Hamon a demandé à l’Etat d’être « implacable » vis-à-vis des policiers impliqués. Il a appelé à « ne pas confondre le geste de quelques-uns avec le travail quotidien de milliers de policiers sur le terrain ».

« L’exemplarité, le respect de l’Etat de droit et de la dignité des personnes sont le premier devoir » des forces de l’ordre, a jugé le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone. 

Le syndicat de policiers Alliance a de son côté dénoncé « l’empressement +médiatique+ qui consiste à juger des policiers avant que l’enquête n’ait débuté ». Et « rappelé les conditions extrêmement difficiles » de leur travail.

Si les faits sont avérés, ils « pourraient être qualifiés de torture », a cependant estimé l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), s’appuyant sur une jurisprudence établie en 1999 par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Elle avait condamné la France « pour actes de torture » sur une personne en garde à vue victime « de nombreuses violences, dont des sévices sexuels au moyen d’une matraque ».

Plusieurs centaines de personnes participaient lundi 6 février 2017 à une marche à Aulnay-sous-Bois, pour réclamer "Justice pour Théo". © AFP

© AFP FRANCOIS GUILLOT
Plusieurs centaines de personnes participaient lundi 6 février 2017 à une marche à Aulnay-sous-Bois, pour réclamer « Justice pour Théo »

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