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Aux assises, le procès d’un père incestueux

Ce mardi a débuté la deuxième session des assises de l’année 2020. Un homme y est jugé, deux jours durant, pour viols incestueux sur mineurs et agression sexuelle sur mineurs par ascendant. Ce sont ses deux  filles, âgées de 7 et 10 ans, qui ont subi ses actes que leur mère a mis du temps à dénoncer. Il risque 20 ans de réclusion criminelle.

Dans le box l’homme, 36 ans, est assis tête baissée, masque au visage, seuls ses yeux sont visibles et ils sont d’un noir profond où rien ne transparaît. Aucune émotion, ni réaction. Il est accusé de viols incestueux sur mineures. Ses deux filles âgées de 7 et 10 ans. Il devra s’expliquer devant un parterre de jurés majoritairement féminin. Seuls deux hommes en font partie.

C’est son épouse qui a signalé les faits à la gendarmerie. En 2017, alors qu’elle était rentrée tard du travail, aux environs de minuit, elle jette un œil au téléphone de son mari et elle tombe sur une vidéo. Sur celle-ci elle voit un homme nu en train de se faire pratiquer une fellation. Elle lui semble reconnaître son mari et sa petite fille âgée de 10 ans. Elle interroge alors l’enfant qui lui dit que « papa m’a dit de manger son zizi. » Elle questionne son mari qui lui explique qu’alors, il était ivre. Elle lui pardonne. Toutefois elle prévient ses filles de lui dire s’il recommençait.

« Papa m’a mangé la pépète »

Ce qu’il fit, car en 2018, la plus jeune des filles, 7 ans, dit à sa mère « papa m’a mangé la pépète. » Elle confie aussi qu’elle a « mangé son zizi », et quand elle ne voulait pas, il la frappait. Parfois il lui arrivait, avant de passer à l’acte, de visionner des vidéos pornos en compagnie de ses filles pour leur montrer ce qu’il attendait d’elles. « Il faut manger mon zizi jusqu’à ce qu’un liquide coule. » Si elles s’y refusaient, il leur faisait du chantage disant qu’il allait envoyer la vidéo à ses copains. Cette fois sa femme le dénonce à la gendarmerie. Il faut savoir que l’homme n’en était pas à ses premiers abus sexuels. Il avait, en 2009, couché avec la sœur de sa femme qui n’avait que 12 ans et lui, 26. Et là aussi, sa femme l’avait pardonné.

Placées en foyer, les fillettes ont subi un examen gynécologique qui a révélé qu’aucune des deux n’avaient été pénétrée.

Interrogé par la juge qu’il lui demande s’il contestait les faits, il répond qu’il les reconnait et qu’il demande pardon. Placé en détention depuis mars 2018, il explique qu’il fait du sport et qu’il va au culte, « pour demander de l’aide au Seigneur, pour ma famille et pour moi-même. »

L’enquêteur qui a participé à l’instruction de l’affaire est interrogé par l’avocate de la défense sur les termes employés par les jeunes filles, « lécher » et « manger ». Un débat sémantique important dans le cadre de cette affaire, car s’il y eu pénétration buccale, c’est un viol, donc un crime passible des assises et de 20 ans de prison, et s’il n’y pas eu pénétration, c’est une atteinte sexuelle, un délit, passible de la correctionnelle, ce qui suppose une peine moins lourde.

Mais pour l’enquêteur, « de mon point de vue, il y a des charges suffisantes pour qu’il soit mis en examen pour viols. » Une réflexion renforcée par le témoignage de la mère qui affirme avoir vu sur la vidéo que la petite « suçait » son mari, confirmant avoir vu le sexe de son mari dans la bouche de l’enfant.

« Qu’avez-vous pris comme précaution ? » demande la juge à la mère des fillettes 

Une épouse qui, à la barre, n’a pas été ménagée par la juge, d’autant qu’elle n’a pas signalé les faits portés à sa connaissance la première fois. « À part dire à vos filles de vous prévenir s’il recommençait, qu’avez-vous pris comme précaution ? Les premiers faits datent de 2017 et votre plainte de 2018. Et vous lui laissiez les enfants quand vous alliez au travail ? »

« Je ne pouvais pas faire autrement, et dans notre église, on nous enseigne le libre arbitre, mais les conséquences on ne les choisit pas. » Faisant référence au fait que son mari avait couché avec sa sœur qui n’avait que 12 ans, la juge insiste : « votre mari à des antécédents et vous lui pardonnez. C’est votre religion qui explique cela ? » « J’étais perdue, je ne savais pas quoi faire. » Elle indique toutefois en avoir fait part aux autorités de son église « ils ne l’ont pas excommunié, ils lui ont interdit de prendre la parole pendant les réunions ou à la chapelle. »

Interrogée sur la fréquence de ses rapports sexuels avec son mari, « trois fois par semaine, j’avais peur qu’il aille sur mes enfants. On est humain.» « Vous entendez quoi par, on est humain ? » « On a nos qualités et nos défauts. »

Pendant tout le temps des échanges, l’homme est resté prostré la tête entre les mains.

« Il est addict au sexe »

En début d’après-midi, Stéphane Amadeo, psychiatre au CHPF qui a procédé à l’expertise psychiatrique de l’accusé, est appelé à la barre. Il explique n’avoir pas décelé chez l’accusé « des troubles psychiatriques évidents », toutefois, « il est addict au sexe » et de préciser que « l’addiction au sexe n’est pas une maladie reconnue, toutefois elle peut engendrer des actes impulsifs. » Il explique que l’accusé visionnait des pornos et qu’il se masturbait, « il m’a dit qu’il avait été pris d’une pulsion sexuelle et que la présence de ses filles a attisé ses pulsions. » Selon le psychiatre, « il est responsable de ses actes », précisant, « je n’ai pas trouvé chez lui de conduite pédophile, il est certes addict au sexe, mais pas centré sur les enfants. »

« Tous les addicts au sexe ne passent pas à l’acte, notamment sur leurs enfants », lui fait remarquer la procureure. « Chez certains il y a des freins, des barrières morales, et chez d’autres, aucune », lui explique le spécialiste.

Puis la juge fait visionner aux jurés les auditions à la gendarmerie des deux enfants. Cela commence par des questions anodines qui portent essentiellement sur ce qu’elles aiment, leurs amies, leurs loisirs, leurs chanteurs ou chanteuses préférées, tout cela afin d’établir un climat de confiance.

« Ben quand mon papa est taero, il me demande de manger son zizi »

Si jusqu’à présent le père regardait la vidéo, dès que l’on aborde le fond du sujet, il baisse la tête. « Il a fait quoi ton papa ? » « Ben quand mon papa est taero, il me demande de manger son zizi.» « C’est quoi le zizi ? » « Ben c’est le sexe » dit la petite en rigolant. Elle poursuit, « d’abord je dis non et il me moto dans le ventre. Il a fait ça plein de fois.» « Et tu as mangé son zizi ? » « Oui.» « Il y a quelque chose qui s’est passé après ? » « Y’a du liquide qui est sorti de son zizi. » « Tu en as avalé ? » La petite prend un air dégoûté, « non jamais. » « Et après, comment tu te sentais ? » « Malheureuse parce que c’est pas bien », dit-elle en essuyant des larmes.

La mère regarde la vidéo sans ciller, le regard vide. Dans les yeux de quelques jurés, la tristesse se mêle à la colère, certains lèvent les yeux au ciel, d’autres préfèrent ne pas regarder.

« Est-ce que ton papa a voulu faire autre chose avec ton corps ? » « Oui » « Ton derrière ? » « Non ma pépète. » « C’est où ta pépète ? » « Là. » « Et il a fait quoi ? » « Il l’a léchée plein de fois. »

« Il me disait de taper YouPorn sur l’ordinateur à maman.»

Puis la petite indique au gendarme que son papa lui a demandé s’il pouvait filmer. « Il t’a demandé ? Il était gentil alors ? » « Non, méchant. » « Il t’a montré des images ? » « Oui. » « C’était rigolo ? » « Non c’était dégueulasse, c’était YouPorn. » « Quoi ? » « YouPorn. » « Et tu voyais quoi ? » « Des messieurs et des dames qui font l’amour. » « C’est quoi faire l’amour ? » « Ben la dame toute nue vient sur le monsieur tout nu, c’est dégueulasse. » La juge stoppe la vidéo, puis passe à l’audition de la plus jeune qui tient les mêmes propos. « Il me disait de taper YouPorn sur l’ordinateur à maman et après il me demandait de manger son zizi, et après j’ai dis non, il m’a tapée et j’ai mangé son zizi et il y a un truc blanc qui est sorti. » « Ton papa t’as montré des films ? » « Oui. » « Et il y a quoi dans les films ? » « On voit des zizis et des pépètes et les zizis sont dedans les pépètes. »

« Accusé, levez-vous », ordonne la juge, « qu’est ce que vous avez à dire sur ce que vous venez d’entendre ? » L’accusé déglutit : « ça fait mal au cœur, elles disent la vérité. Je reconnais les faits, les fellations et les coups. » Il explique alors qu’il a demandé à la plus grande de l’aider à arrêter, « je voulais avoir son soutien pour arrêter de faire ça, pour ne plus qu’on recommence ». « Vous demandez cela à une gamine de 10 ans ! » s’exclame la juge, « Ce n’est pas grave, les enfants sont puissants aussi, je lui disais, s’il te plaît aide moi à m’arrêter, mais l’alcool me poussait à fond. »

Les débats se poursuivront demain avec les plaidoiries des avocats.

 

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1 Commentaire

  1. simone grand
    2 septembre 2020 à 7h36 — Répondre

    La mère et l’église ne devraient-elles pas être poursuivies pour non assistance à enfants en danger?

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