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Barroso chez Goldman Sachs: Juncker demande des "clarifications"

Bruxelles (AFP) – Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a demandé à José Manuel Barroso, son prédécesseur, des « clarifications » sur son embauche en juillet par la banque américaine Goldman Sachs, vivement critiquée au nom de l’éthique.

Dans un courrier rendu public lundi par la médiatrice de l’Union européenne, Emily O’Reilly, M. Juncker, longtemps sur la réserve dans ce dossier, explique que la Commission a demandé à M. Barroso de « fournir des clarifications sur ses nouvelles responsabilités et les termes de son contrat de travail ».

La réponse, poursuit M. Juncker, sera soumise à l’avis, non contraignant, du comité d’éthique ad hoc, chargé d’éclairer la Commission sur les projets de reconversion professionnelle des anciens commissaires européens et leur conformité ou non aux règles internes de bonne conduite.

L’ancien Premier ministre conservateur portugais José Manuel Barroso, qui a présidé la Commission de 2004 à 2014, a été chargé au début de l’été par la banque Goldman Sachs de la conseiller sur les questions liées au Brexit.

Cette nomination avait été accueillie par de vives protestations, notamment au Portugal et en France, où le président François Hollande l’a qualifiée de « moralement inacceptable », accusant la banque d’affaires américaine d’avoir contribué au trucage des comptes publics de la Grèce.

Une pétition de citoyens affichant plus de 60.000 signatures fustige aussi « le rôle central de Goldman Sachs dans le déclenchement de la crise économique de 2008 », s’inquiétant que M. Barroso mette au profit de ce groupe privé la notoriété gagnée dans ses anciennes fonctions publiques.

Mais la Commission n’y voyait pas malice ces deux derniers mois, se retranchant derrière le code de bonne conduite signé par les commissaires. Celui-ci prévoit  à l’issue de leur mandat une période de « refroidissement » de 18 mois pendant laquelle ils doivent demander une autorisation à leur ancien employeur pour rejoindre un groupe privé. 

Plus d’un an et demi s’étant écoulé depuis le départ de Bruxelles de M. Barroso, en novembre 2014, il n’était donc pas concerné.

C’était sans compter l’intervention de Mme O’Reilly, chargée d’étudier les plaintes à l’encontre des institutions de l’UE. Elle a écrit la semaine dernière à M. Juncker pour lui faire part de ses « préoccupations » sur ce sujet susceptible de creuser encore davantage le fossé entre les politiques et leurs opinions publiques.

– ‘Un test’ pour les instances européennes –  

Dans ce courrier, elle suggérait notamment à l’exécutif européen une approche « au cas par cas », en fonction de l’importance de la personnalité concernée, dans son application de l’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union (TFEU).

Celui-ci stipule que les membres de la Commission, après cessation de leurs fonctions, doivent respecter « les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation de certaines fonctions ou de certains avantages ».

« Il n’est pas suffisant de dire qu’aucune règle n’a été enfreinte, il faut considérer l’esprit et l’intention que sous-entend l’article en question du traité et modifier le code pour refléter cela précisément », avertissait Mme O’Reilly.

Dans sa réponse, M. Juncker a tenu à préciser qu’en cas de visite à la Commission, son prédécesseur serait désormais reçu « non pas en tant qu’ancien président, mais que représentant d’intérêts (privés) et sera soumis aux mêmes règles s’appliquant à tous ceux-ci conformément au Registre de transparence », où les lobbyistes actifs à Bruxelles sont référencés.

Interrogé lundi en conférence de presse, un porte-parole de la Commission, Alexander Winterstein, a démenti tout « changement de ton » à l’égard de M. Barroso. Il a souligné que M. Juncker avait eu besoin de « réfléchir un certain temps » avant de lui demander « plus d’informations ».

« La Commission européenne est une Commission politique : nous écoutons les préoccupations des citoyens et nous en tenons en compte », a tweeté une autre porte-parole, Mina Andreeva, faisait allusion au cas Barroso.

Dans une interview publiée lundi soir sur le site internet de l’hebdomadaire portugais Expresso, la médiatrice de l’UE s’est dite « satisfaite » de la décision de la Commission, estimant que cette affaire est un « test » pour les institutions européennes. Et Mme O’Reilly de promettre que « la pression et la surveillance vont continuer » sur José Manuel Barroso.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et son prédécesseur Jose Manuel Barroso à Madrid le 21 octobre 2015. © AFP

© AFP/Archives GERARD JULIEN
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et son prédécesseur Jose Manuel Barroso à Madrid le 21 octobre 2015

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