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Bataclan: les rescapés reviennent sur les lieux de la tuerie

Paris (AFP) – Il y a celui qui s’est figé, celle qui a pleuré, ceux qui ont refait le chemin emprunté pour s’échapper ce soir-là. Des rescapés de la tuerie du Bataclan ont pu retourner dans la salle de concert parisienne, des mois après le 13 novembre.

« J’avais quitté un Bataclan monstre sanguinaire avec des dents qui essayaient de me bouffer », se souvient Caroline Langlade, vice-présidente de l’association de victimes Life for Paris. « Et c’était juste une salle avec des murs où il s’est passé quelques chose de tragique. C’est pas le bâtiment qui est tragique », poursuit, stoïque, celle dont l’association a organisé ces « moments de recueillement, confidentiels et intimes », avec l’autre organisation de victimes, « 13 novembre: fraternité et vérité ».

Les escaliers qu’elle avait montés pour se réfugier dans les loges étaient dans ses souvenirs en colimaçon et en bois. Sur place, elle s’aperçoit qu’ils sont « comme ils ont toujours été: droits et en béton ».

« La salle n’était plus comme je l’avais laissée, il me fallait reprendre des dimensions et des espaces. L’issue de secours était à sept mètres, mais dans mes souvenirs ça me paraissait une distance infinie », raconte aussi Maureen, 28 ans, qui avait besoin de « remettre les murs à leur place » et « reprendre possession des lieux »: « j’y retourne, ça ne m’est pas imposé, c’est une forme de victoire sur ce qu’on a vécu ce jour-là ».

Selon une organisatrice, « certains ont été jusqu’à s’allonger dans la fosse, à ramper pour refaire le chemin, se placer là où ils s’étaient cachés ».

Cette réappropriation de l’espace a un « effet apaisant », constate Florence Deloche-Gaudez de la cellule d’urgence médico-psychologique, présente à chaque visite. Cela « a pu leur faire revivre l’événement, leur faire ressentir les sensations: les bruits, les odeurs, les images, la peur… Certains se sont figés, d’autres allaient et venaient, refaisaient le chemin parcouru ». 

Mais, explique-t-elle, « cette fois, le lieu était sûr », les rescapés « ont pu s’y préparer » et étaient accompagnés par des psychologues. Ils « pouvaient aussi échanger avec d’autres victimes présentes », souvent « des agents de la sécurité du Bataclan qui répondaient à leurs questions », rapporte Florence Deloche-Gaudez.

Elle juge que « pour eux qui ont vécu une expérience réelle de la mort, cela aide à sortir de l’impuissance, à atténuer le traumatisme ». Certaines « personnes endeuillées voulaient se placer à l’endroit même où leur proche est décédé ».

– Une heure à l’intérieur –

Dès janvier, certaines victimes avaient exprimé le souhait de revenir là où 90 personnes avaient été tuées par trois jihadistes en plein concert rock des Eagles of Death Metal, pendant que deux autres commandos semaient la mort ailleurs dans Paris et aux abords du Stade de France. Une demande à laquelle ont répondu les associations de victimes, en toute discrétion.

Début mars, près de 130 personnes avaient participé à la première session, une seconde en a rassemblé 260 début octobre. Certains des 1.500 spectateurs du concert du 13 novembre sont venus de loin: Etats-Unis, Pays-Bas, Ecosse, Espagne…

Par groupes de cinq ou six, les victimes ou proches de personnes tuées ont pu pénétrer dans la salle encore en travaux. Sur place, une dizaine de psychologues, des pompiers, un quartier bouclé. Et des victimes qui « restaient parfois jusqu’à une heure », explique-t-on à Life for Paris.

Quelques bougies, mots ou fleurs sont déposés. Le Bataclan, qui rouvrira en novembre, explique avoir « essayé de respecter les différentes demandes des victimes, d’y répondre quand c’était possible ».

Certains doutaient de l’effet d’un tel retour. « Quand on fait une démarche comme ça, on ne sait pas du tout ce que ça va nous apporter. En sortant, je me suis sentie plus sereine… Ça peut paraître morbide, mais ça participe de la reconstruction », reconnaît Maureen.

Florence Deloche-Gaudez évoque aussi « tous ceux qui ne pouvaient pas, ne voulaient pas venir », « ceux qui disent +je ne mettrai plus les pieds au Bataclan, pour moi c’est un cimetière, c’est une fosse+ ».

Et ceux qui préfèrent d’autres circonstances, comme Anthony, 37 ans: « le Bataclan, je veux y retourner pour des concerts, et surtout pas entouré de victimes. Chacun vit son truc ».

La salle de concerts du Bataclan, cible d'un attentat le 13 novembre 2015, à Paris le 7 octobre 2016. © AFP

© AFP/Archives JOEL SAGET
La salle de concerts du Bataclan, cible d’un attentat le 13 novembre 2015, à Paris le 7 octobre 2016

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