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Beaubourg: le jour où Brassaï fit entrer le graffiti au musée

Paris (AFP) – De la grotte de Lascaux aux façades des villes, l’homme a toujours peint sur les murs. Le Centre Pompidou plonge dans la préhistoire du graffiti sous l’objectif de Brassaï, photographe qui en 1956 organisa à New York la toute première exposition sur ce qui deviendra le street art.

Des têtes de morts, des monstres, des sexes masculins transformés en visages, des seins: « le graffiti est lié à la culture populaire, à la culture vulgaire, c’est le côté refoulé » des hommes, prévient d’emblée la commissaire de l’exposition Brassaï-Graffiti, Karolina Ziebinska-Lewandowska.

Dès 1933, le Hongrois Gyula Halász, alias « Brassaï » (1899-1984), publie les photos de ses neufs premiers graffitis dans la revue surréaliste « le Minotaure », que pourront découvrir les visiteurs du 9 novembre au 30 janvier 2017.

Creuser, tailler c’est « un vandalisme de la force primaire » qui intéresse Brassaï et qu’il a retrouvé dans la grotte de Lascaux vieille de 17 à 18.OOO ans, raconte Mme Ziebinska-Lewandowska.

« Le geste primaire, le geste de l’homme des cavernes est un geste de vandalisme », insiste-t-elle encore, ajoutant: « le mur appelle l’homme à acter ».

Après une rencontre avec Salvador Dali au début des années 50, Brassaï, déjà connu pour ses vues de Paris, photographie à la demande du peintre des fragments de monuments parisiens.

« Il fragmente, découpe » et opère un « véritable dépaysement » de la ville, fait remarquer la commissaire. Les 160 graffitis ne sont pas photographiés dans leur contexte, mais pour leurs qualités propres.

Parmi eux, trois collages réalisés par le poète Jacques Prévert, malade et forcé au repos après la Deuxième Guerre mondiale, associent des photos de graffitis de Brassaï à celles d’autres artistes. 

– « Le mur devient signe politique » –

Ces photos de 1933, tirées sur papier, seront envoyées à New York pour y être exposées au MoMa en 1956 avec celles réalisées en collaboration avec Dali et, pour la première fois, des images de graffitis politiques s’y ajoutent: la guerre d’Algérie (1954-1962) a entre-temps commencé. 

« La série de graffitis devient œuvre et pour la première fois entre dans un musée », explique Mme Ziebinska-Lewandowska.

Ce premier accrochage historique, dans le pays qui deviendra dans les années 80 le royaume du street art, sera exposé en France en 1961 à la galerie Daniel Cordier.

En 1958, Brassaï explique: « Avec le langage du mur nous avons affaire non seulement à un important fait social, jamais encore étudié, mais aussi à une des plus fortes et plus authentiques expressions de l’art ».

L’homme devenant toujours plus urbain, les façades remplacent la nature, elles sont l’entourage de tous les jours et engagent au dialogue entre citadins, fait valoir l’experte.

Lorsqu’éclate la guerre d’Algérie une bataille parallèle s’engage sur les murs. Au slogans peints en lettres capitales contre la guerre répondent les symboles fascistes. La croix de Lorraine refait sont apparition appelant De Gaulle à intervenir. « Le mur devient signe politique », analyse la commissaire. 

« On vandalise mais on créé » conclut Mme Ziebinska-Lewandowska, dont l’exposition est gratuite.

Un journaliste à l'exposition Brassaï au centre Georges-Pompidou à Paris le 7 novemvre 2016. © AFP

© AFP MIGUEL MEDINA
Un journaliste à l’exposition Brassaï au centre Georges-Pompidou à Paris le 7 novemvre 2016

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