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Bras de fer juridique sur les « congés forcés » entre les syndicats et le gouvernement

Le fronton du Conseil d’état, lus haute juridiction administrative française. © Reuters

Cinq syndicats, CSTP-FO, la CSIP, Otahi, O oe to oe rima et le SFP, ont formé un recours contre la loi du Pays du 27 mars instaurant le revenu de solidarité exceptionnel. « Incompréhensible » pour la ministre du travail Nicole Bouteau, qui explique que cette procédure pourrait obliger les bénéficiaires de ces 100 000 francs par mois, alloués en cas de perte d’activité liée à la crise, à les rembourser d’ici quelques mois. Les syndicats assurent, eux, que leur action est ciblée contre l’obligation de poser l’ensemble de ses congés payés et pas contre l’aide du Pays elle-même. Ils dénoncent le manque de concertation du gouvernement.

Nicole Bouteau a adressé le sujet avant même que les syndicats communiquent sur leur initiative, cet après-midi. Depuis le PC Éco, la ministre du Travail a estimé que le recours déposé devant le Conseil d’État par un collectif syndical était en « totale contradiction » avec les demandes effectuées par les partenaires sociaux à la mi-mars. Une « union sacrée » des chefs d’entreprises et salariés demandait alors au gouvernement des actions immédiates de lutte contre l’épidémie – dont le confinement de la population, qui n’était alors pas encore acté – et de prévention de la « catastrophe sociale et économique ». « Le gouvernement ne comprendrait pas, alors que ces demandes ont été faites par les partenaires sociaux, que certains d’entre eux puissent déposer un recours contre l’ensemble de ce dispositif », a expliqué la ministre.

Nicole Bouteau qualifie même cette procédure de « criminelle » : si elle aboutissait, elle obligerait d’après elle les quelque 10 000 travailleurs ayant commencé à percevoir un revenu de solidarité à le « rembourser » dans les mois à venir.

Mais le recours en annulation a bien été déposé devant le Conseil d’État, mardi 21 avril, comme le confirment plusieurs organisations. Tous les syndicats représentatifs du secteur privé à l’exception de A Tia i Mua, et auxquels s’ajoute le syndicat de la fonction publique (SFP), qui représente en l’occurrence les 900 Anfa salariés des collectivités, ont pris part à la procédure.

Manque de concertation

Cette dernière vise bienla  loi de Pays n°2020-9 du 27 mars mars 2020 portant création des dispositifs de soutien à l’emploi, mais comme le pointe  Vadim Toumaniantz, secrétaire général du SFP, le recours ne demande l’annulation que de l’article 6 du texte. Les propos de Nicole Bouteau seraient donc « infondés », insiste le syndicaliste : « Nous ne sommes pas opposé au système d’indemnisation, bien au contraire ».

L’article 6 précise comment les employeurs doivent dresser une liste des salariés qui poursuivront l’activité en temps de confinement. Ceux qui ne sont pas sur cette liste, sont « tenus de prendre les congés payés acquis, dans le but d’éviter une suspension de son contrat de travail, sous réserve de la capacité financière de l’entreprise à absorber cette charge », précise l’article. Ce n’est qu’au terme des congés payés, lors de la suspension du contrat, que le revenu de solidarité exceptionnel de solidarité de 100 000 francs par mois est enclenché, pour le temps du confinement.

Un dispositif plus favorable en métropole

Et c’est bien ce mécanisme qui agace les représentants des salariés. « Le principe, c’est qu’on prend d’abord au travailleur, après à l’entreprise » explique Cyril le Gayic de la CSIP. Il explique en outre que « beaucoup d’entreprises abusent du dispositif », en « mettant en congé des gens qui pourraient travailler » ou en « faisant travailler des patentés ou des CDD pendant que les autres doivent utiliser leurs congés ». Le recours dénonce le principe même de congé forcé et argumente que la période de confinement ne peut être légalement considérée comme un réel congé.

À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles, avait prévenu le gouvernement. « On aurait pu arriver à s’entendre s’il y avait eu des discussions », répondent les syndicats. « Il y a eu une seule réunion, qui consistait à présenter une mesure déjà actée », assure Vadim Toumaniantz. À l’entendre, une « réelle concertation » aurait permis de se rapprocher du dispositif mis en place en métropole « qui prévoit l’usage au maximum de 6 jours de congés payés sous réserve d’un accord de branche ».

Toute la loi pourrait être ébranlée

Les syndicats soulèvent, dans leur procédure, plusieurs arguments de légalité, mais mettent surtout en avant des vices de forme (défaut de consultation du Cesec, notamment) et de procédure (défaut de publication avant promulgation). Aussi les craintes du gouvernement sur les conséquence d’une annulation par le Conseil d’État ne sont pas infondées. L’annulation de l’article 6 de la loi de Pays ébranlerait l’ensemble de la mesure de revenu exceptionnel de solidarité. Et si la juridiction administrative suprême annulait tout le texte, ce seraient aussi les dispositifs de sauvegarde de l’emploi (Diese et Deseti), ou la Convention d’aide exceptionnelle de solidarité (CAES) qui seraient en danger. Le Conseil d’État a 3 mois pour s’exprimer sur la question. Côté syndicat comme côté Pays, on espère que la décision sera plus rapide.

Même bataille dans le secteur public ?

Si la bataille juridique ne porte aujourd’hui que sur la loi applicable au secteur privé, elle pourrait rapidement s’étendre au public. Un projet de loi du Pays étudié ce mercredi prévoit ainsi que « l’ensemble des agents qui n’exercent pas leurs fonctions pendant la période de confinement se verront dans l’obligation d’épuiser les droits à congés qu’ils ont acquis du 1er janvier 2020 jusqu’à la date de fin du confinement ». Au-delà de la période, « les agents sont placés en autorisation exceptionnelle d’absence ». Une absence qui sera rémunérée, mais dont chaque heure sera rattrapée, à partir de la date de fin du confinement. Des mesures qui « revêtent un caractère exceptionnel et dérogatoire » et qui « se justifient par l’existence de circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire induite par le virus covid-19 », insiste le gouvernement. Reste que, si cette loi était votée, elle pourrait faire l’objet d’un autre recours administratif. C’est en tout cas le message adressé par le Syndicat de la fonction publique qui se dit confiant dans le soutien d’autres centrales.
 

 

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4 Commentaires

  1. Gaston
    23 avril 2020 à 6h57 — Répondre

    Une honte ses syndicalistes .ils sont payé grassement pour foutre la merde .Les gens qui votent pour ses gens savent t’ils combien ils gagnent .Le pauvre con qui fait la gréve ,et qui n’est pas payé .Eux ils ont un salaire entre 300 000 F et 800 000 F, qu’ils pleuvent ou qu’il vente.Aucune solidarité.Il faudrait revoir ce système qui n’est plus d’actualité et repenser la choses .Je ne vois pas pourquoi ils auraient des subventions de l’état .alors que des gens crève la dalle .

  2. Microstring
    23 avril 2020 à 14h30 — Répondre

    il ne reste plus qu’à licencier…

  3. lesagetahiti
    23 avril 2020 à 16h16 — Répondre

    le Conseil d’Etat ne statuera que sur la disposition attaquée ( l’article 6 bien contestable); même si les moyens avancés sur la procédure pourraient entacher la légalité de l’arrêté, celui-ci n’est pas concerné dans son ensemble;
    c’est la notion de disposition détachable qui sera respectée;

    il est vrai que le gouvernement se croit toujours attaqué in personam

  4. lesagetahiti
    24 avril 2020 à 20h50 — Répondre

    il faut préciser que la publication de la loi de pays est une obligation, à titre d’information et pour ouvrir le délai de recours éventuel au Conseil d’Etat;
    donc les juristes du gouvernement se trompent, quand ils disent que la loi est exécutoire; de fait, le recours au Conseil d’Etat annoncé mais non encore enregistré par Paris, apparemment, suspend l’exécution;

    il est vrai que puisque seul l’article 6 de la loi est contesté, l’ensemble du dispositif de solidarité n’est pas menacé

    alors ce n’est pas la peine d’accuser les responsables syndicaux d’être des mauvais citoyens;
    dans une société démocratique, on a besoin d’organismes de concertation et de proposition, qui représentent aussi un contre-pouvoir

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