INTERNATIONAL

Brésil: Rousseff rattrapée par la justice avant sa probable destitution

Brasilia (AFP) – La trêve olympique aura été courte pour la présidente brésilienne suspendue Dilma Rousseff, contre qui le Tribunal suprême fédéral (STF) a autorisé mardi une enquête pour entrave à la justice, à quelques jours de sa très probable destitution par le Sénat.

Cette décision est intervenue quelques heures après une intervention solennelle de Dilma Rousseff clamant son innocence dans le cadre de la procédure de destitution la visant pour de présumés maquillages de comptes publics.

La plus haute juridiction du Brésil a autorisé le parquet à enquêter pour déterminer si Mme Rousseff a tenté de faire obstacle aux investigations contre son mentor et prédécesseur, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, dans le cadre du scandale de corruption Petrobras, en le nommant ministre dans son gouvernement en mars dernier.

L’ouverture de ce front judiciaire plombe un peu plus l’horizon déjà très sombre de Mme Rousseff, 68 ans, dont le procès en destitution s’ouvrira au Sénat le 25 août, quatre jours après la clôture des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, avec une décision finale attendue environ cinq jours plus tard.

Cette décision, annoncée dans la soirée par les quatre principaux journaux du pays, a été confirmée à l’AFP par une source du STF.

« L’ouverture d’une enquête est importante pour élucider les faits et montrer qu’il n’y a pas eu, à un seul moment, obstruction à la justice », a déclaré à l’AFP un porte-parole de Mme Rousseff.

Selon les quotidiens O Globo, Folha de Sao Paolo, O Estado de Sao Paulo et Valor, outre Mme Rousseff, l’enquête pour obstruction de la justice visera aussi l’ex-président Lula (2003-2010) et plusieurs anciens ministres de Mme Rousseff.

Le 16 mars dernier, Mme Rousseff avait nommé Lula chef de cabinet (quasi Premier ministre), alors que celui-ci risquait une mise en examen et un éventuel placement en détention par le juge Sergio Moro, chargé de l’enquête sur le scandale Petrobras.

Nommé ministre, Lula gagnait une sorte d’immunité et ne pouvait plus répondre pénalement de ses actes que devant le Tribunal suprême, échappant ainsi au redouté juge Moro. 

Le soir même de la nomination de Lula, par la suite paralysée par la justice, le juge Moro avait divulgué l’enregistrement d’une conversation téléphonique renforçant les soupçons d’une manoeuvre pour protéger Lula. 

La présidente y disait à Lula qu’elle lui faisait parvenir immédiatement son décret de nomination pour qu’il s’en serve « en cas de nécessité ».

– ‘Je suis innocente’ –

La fuite de la décision du STF a pollué la communication de la présidente, qui avait lu plus tôt une lettre solennelle au peuple brésilien et aux sénateurs, dans laquelle elle clamait son innocence, demandait à d’être réintégrée dans ses fonctions et proposait des élections anticipées pour régler la grave crise politique brésilienne.

« Le Sénat doit mettre fin à la procédure de destitution, en reconnaissant, face aux preuves irréfutables (…) que je suis innocente », a déclaré Mme Rousseff dans ce message filmé et posté sur les réseaux sociaux.

« Si l’impeachment passe (…) nous serons face à un Coup d’État », ajoute-t-elle, se disant convaincue de la « nécessité de convoquer un référendum pour consulter le peuple sur la possibilité d’élections anticipées ».

La Constitution brésilienne ne prévoit pas la possibilité d’élections anticipées en cours de mandat. Il faudrait donc pour les rendre possibles qu’un amendement à la Constitution soit adopté par les deux tiers du Parlement.

– Improbable ‘miracle’ –

La présidente est accusée d’avoir maquillé les comptes publics et d’avoir signé des décrets engageant des dépenses non prévues au budget sans avoir demandé au préalable l’accord du Parlement, une pratique à laquelle ses prédécesseurs avaient largement eu recours.

Elle dénonce un coup d’État institutionnel ourdi par son vice-président Michel Temer, ancien allié devenu rival, qui assume ses fonctions depuis qu’elle a été suspendue le 12 par les Sénateurs.

Seul un « miracle » pourrait la sauver de la destitution, estiment nombre d’analystes de toutes tendances.

La majorité parlementaire a tellement basculé à droite qui' »il est pratiquement impossible qu’elle revienne au pouvoir et je crois qu’elle même le sait », a affirmé récemment Sergio Praça, analyste de la Fondation Getulio Vargas.

Michel Temer, 75 ans, lui-même très impopulaire, la remplacera alors jusqu’à la fin de son mandat, fin 2018.

Depuis sa difficile réélection en 2014, elle a été confrontée à l’hostilité d’un Parlement très conservateur, à la pire récession économique depuis des décennies et au méga-scandale de corruption autour du géant public pétrolier Petrobras, qui ébranle rudement son parti ainsi que la quasi-totalité de l’élite politique. 

La présidente brésilienne Dilma Rousseff, actuellement suspendue, au Palais de l'Alvorada à Brasilia, le 16 août 2016. © AFP

© AFP ANDRESSA ANHOLETE
La présidente brésilienne Dilma Rousseff, actuellement suspendue, au Palais de l’Alvorada à Brasilia, le 16 août 2016

Article précedent

Incendie en Californie: plus de 80.000 personnes évacuées

Article suivant

Les 1 950 passagers du Sea Princess à Papeete mercredi

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Brésil: Rousseff rattrapée par la justice avant sa probable destitution