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Brésil: ultimes débats avant une probable destitution de Rousseff

Brasilia (AFP) – Le procès en destitution de la présidente du Brésil Dilma Rousseff était mardi dans sa dernière ligne droite au Sénat avant un vote historique mercredi qui, sauf immense surprise, éjectera du pouvoir la gauche dans le plus grand pays d’Amérique latine.

Au cinquième jour de ce procès, la séance a commencé avec les plaidoiries parfois théâtrales des avocats de l’accusation et de la défense.

L’avocat de la défense et ancien ministre de la Justice José Eduardo Cardozo a affirmé que Dilma Rousseff, première femme élue à la tête du Brésil en 2010, était menacée de destitution « pour avoir remporté une élection qui contrariait des intérêts et parce qu’elle n’a pas tenté d’empêcher les enquêtes sur la corruption ».

L’opposition « a utilisé des prétextes » pour lancer cette procédure, a-t-il assuré.

Avant lui, l’avocate de l’accusation Janaina Paschoal avait tenté de prouver que Mme Rousseff avait commis des « crimes de responsabilité » en maquillant les comptes publics, et démonter la thèse du « coup d’Etat » institutionnel avancée par l’ancienne guérillera de 68 ans.

« La destitution est un remède constitutionnel auquel nous devons recourir quand la situation devient particulièrement grave et c’est ce qui s’est passé », avait lancé d’emblée l’avocate avant d’invoquer Dieu pour dire que cette procédure « est née de la rue ».

« C’est Dieu qui a fait en sorte que plusieurs personnes en même temps se soient aperçu de ce qui se passait dans le pays » a-t-elle estimé.

– ‘Pardon pour la souffrance’ –

Dans un style théâtral, elle avait conclu en larmes sa plaidoirie devant les 81 sénateurs en demandant pardon pour « la souffrance » qu’elle a causée à Mme Rousseff.

Après une pause déjeuner, les sénateurs chargés d’instruire ce procès, sous la direction du président du Tribunal suprême fédéral (STF) Ricardo Lewandowski, ont commencé à prendre la parole pour s’exprimer avant le vote final mercredi. Ils disposent de dix minutes chacun et 66 d’entre eux se sont inscrits.

Pour la défense de Mme Rousseff, tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces manœuvres fiscales et il s’agit donc d’un complot orchestré par l’opposition de droite, sous la baguette de son ancien vice-président devenu rival, Michel Temer (PMDB, centre droit), 75 ans.

Si elle est destituée, ce dernier la remplacera jusqu’aux prochaines élections présidentielle et législatives fin 2018, malgré son casier – une condamnation pour dons excessifs à des campagnes électorales – qui l’a rendu inéligible pour huit ans.

Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer, qui s’est déclaré lundi « absolument serein », attend sa destitution pour s’envoler mardi ou mercredi en Chine pour un sommet du G20.

Lundi, Dilma Rousseff était venue assurer en personne sa défense dans un plaidoyer de la dernière chance : « Nous sommes à un pas d’une grave rupture institutionnelle, de la concrétisation d’un authentique coup d’Etat ».

Elle avait rappelé avec émotion les dures heures de la dictature militaire (1964-1985), quand elle avait « peur de la mort, des séquelles de la torture dans (son) corps et (son) âme ».

« Mais je n’ai pas cédé. J’ai résisté. Aujourd’hui, je ne crains que la mort de la démocratie », avait-elle dit, concluant sur cet appel : « Votez contre l’impeachment, votez pour la démocratie ».

– Deux tiers des sénateurs requis – 

Pendant une douzaine d’heures, Dilma Rousseff avait ensuite été mitraillée de questions par les sénateurs.

Ses adversaires du centre-droit et conservateurs l’ont accusée d’avoir menti en dissimulant l’ampleur de la crise économique, due notamment à la chute des cours des matières premières.

Patiemment et calmement, la dirigeante a répondu à chacun d’eux, choisissant de faire face alors qu’en 1992, l’ex-président Fernando Collor avait démissionné la veille du vote au Sénat devant le destituer.

Selon le quotidien Folha de Sao Paulo mardi, 52 sénateurs ont annoncé voter pour l’impeachment, 18 contre, 3 sont indécis et 8 ne révèlent pas leur intention. Un « oui » des deux tiers des sénateurs (54) est requis pour prononcer la destitution. 

La probable éviction de Dilma Rousseff lui interdirait d’exercer toute fonction publique pendant huit ans et mettrait fin à quatre gouvernements consécutifs du Parti des travailleurs (PT) au Brésil, depuis 2003.

Mardi matin, à 1.000 km de Brasilia, des mouvements sociaux ont bloqué des avenues à Sao Paulo en mettant le feu à des pneus aux cris de « Dehors (Michel) Temer! », reflétant l’inquiétude d’une partie des Brésiliens face à ce virage à droite.

Dilma Rousseff, le 29 août 2016 à Brasilia. © AFP

© AFP EVARISTO SA
Dilma Rousseff, le 29 août 2016 à Brasilia

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