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Brésil/Destitution de Dilma Rousseff: dernier acte

Brasilia (AFP) – Finie la trêve olympique, le Brésil renoue avec ses divisions pour vivre le dernier acte de la procédure de destitution controversée de la présidente de gauche Dilma Rousseff par un Sénat empêtré dans le scandale de corruption Petrobras.

Jeudi, le Sénat, transformé en un tribunal présidé pour l’occasion par le président du Tribunal suprême fédéral (STF), donnera le coup d’envoi jeudi 25 août à 09H00 locales (12H00 GMT) d’un procès dont le verdict devrait tomber autour du 31 août.

Cette séance de plusieurs jours scellera le sort de la dirigeante de gauche, suspendue de ses fonctions depuis le 12 mai dernier, par un premier vote historique des sénateurs. 

Si Dilma Rousseff, première femme à présider le Brésil, est reconnue coupable de maquillage des comptes publics et d’avoir signé des décrets engageant des dépenses imprévues sans l’accord du Parlement, elle perdra immédiatement son mandat.

Cette décision mettrait fin à 13 ans de gouvernements du Parti des Travailleurs (PT) à la tête de la première économie d’Amérique latine, marquées par le formidable boom socio-économique sous la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010). 

Dans le cas où elle serait déclarée innocente, Mme Rousseff, 68 ans, réintègrerait immédiatement ses fonctions jusqu’à la fin de son second et dernier mandat, fin 2018.

Mais ce scénario paraît hautement improbable. Selon les comptages effectués par les journaux brésiliens, 58 à 61 sénateurs seraient favorables à la destitution de la présidente, soit sensiblement plus que les deux tiers des votes requis (54).

Lundi prochain, Mme Rousseff ira elle-même assurer sa défense durant 30 minutes face à un hémicycle hostile.

« J’attends du Sénat de la justice. Au Sénat, je vais argumenter, non seulement en faveur de la démocratie, du respect du vote direct du peuple brésilien, mais aussi en faveur de la justice »,  a-t-elle souligné récemment lors d’une rencontre avec des correspondants étrangers.

– Face-à-face –

Ancienne guérilléra marxiste torturée sous la dictature, Mme Rousseff plaide son « innocence ».

Elle martèle avec force depuis des mois qu’elle est victime d’un « coup d’État » parlementaire ourdi par son ex vice-président de centre-droit devenu rival, le président en exercice Michel Temer, 75 ans, tout aussi impopulaire qu’elle.

« Ce sera sa dernière chance pour se défendre. Nous serons respectueux mais cela dépendra aussi de son attitude; si elle est agressive et provocatrice, il y aura des réactions », a prévenu le sénateur du parti social-démocrate (PSDB) Cassio Cunha Lima, principal parti d’opposition au PT, dans des déclarations à l’AFP.

« Dans deux semaines nous aurons un nouveau président du Brésil », a-t-il assuré.

D’un point de vue strictement juridique, l’accusation paraît bien fragile pour justifier la destitution d’un chef d’Etat élu dans un système présidentiel.

D’autant qu’un procureur de Brasilia a estimé en mai que les tours de passe-passe budgétaires reprochés à Mme Rousseff ne constituaient pas un délit, « même s’il est indéniable qu’ils ont miné la crédibilité des statistiques brésiliennes et contribué à l’abaissement de sa note souveraine par les agences de notation internationales ».

– Procès politique –

Mais comme l’a rappelé récemment M. Temer, le verdict final dépendra dans aussi largement de « l’évaluation politique » des sénateurs.

Depuis sa difficile réélection en 2014, Dilma Rousseff a été confrontée à l’hostilité d’un Parlement très conservateur, à la pire récession économique depuis des décennies et au méga-scandale de corruption Petrobras, le géant public pétrolier, qui ébranle la quasi-totalité de l’élite politique du pays.

Son mentor Lula a été rattrapé par la justice. Il est accusé d’entrave à l’enquête sur Petrobras dont l’argent détourné servait en partie à financer les campagnes électorales du PT et des partis de son ancienne coalition, dont le PMDB de M. Temer.

S’il était conforté à la tête du Brésil, Michel Temer serait confronté aux mêmes problèmes que Mme Rousseff: un forte impopularité, un parti accusé de corruption et l’obligation de prendre des mesures impopulaires pour sortir de la récession.

Il peut néanmoins compter, pour le moment, sur une assez large majorité parlementaire.

A l’inverse, abandonnée par ses anciens alliés, Mme Rousseff a perdu toute capacité de gouverner. Elle a d’ailleurs promis, en cas de vote favorable des sénateurs, de consulter par référendum les Brésiliens sur l’opportunité de convoquer des élections anticipées, ce qui obligerait à amender au préalable la Constitution.

Dilma Rousseff vit depuis trois mois à moitié recluse à sa résidence officielle de Brasilia. En façade au moins, elle refuse de s’avouer vaincue: « Si on est convaincu de quelque chose, on doit se battre jusqu’au bout ».

La présidente brésilienne suspendue de ses fonctions Dilma Rousseff, lors d'une rencontre avec des journalistes étrangers, au palais présidentiel Alvorada, à Brasilia, le  18 août 2016. © AFP

© AFP ANDRESSA ANHOLETE
La présidente brésilienne suspendue de ses fonctions Dilma Rousseff, lors d’une rencontre avec des journalistes étrangers, au palais présidentiel Alvorada, à Brasilia, le 18 août 2016

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