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Calais: le retour précoce de migrants bravant le froid

Calais (AFP) – Des Erythréens encadrés par les gendarmes à la gare, des silhouettes encapuchonnées en procession aux abords de la rocade portuaire, des fourgons de CRS qui tournent pour les débusquer… A Calais, une soirée en maraude confirme de nouvelles arrivées de migrants, trois mois après le démantèlement de la « Jungle ».

« Ca va être une grosse nuit! », s’exclame Gaël Manzi avant de donner des sacs de couchage, du thé bien chaud et de la nourriture à un groupe de jeunes Erythréens abordés tout près de l’ancien bidonville où vivaient plusieurs milliers de migrants.

Cela fait trois semaines que le coordinateur de l’association Utopia 56 observe à nouveau les déambulations nocturnes de migrants espérant rallier la Grande-Bretagne.

Les Erythréens, totalement emmitouflés pour n’offrir aucune prise aux morsures d’un froid glacial, reçoivent bien volontiers l’aide de Gaël et ses comparses, qui effectuent désormais une maraude quotidienne.

Utopia 56 prend le signalement et le numéro de téléphone de chaque migrant rencontré. « Âge? – 15 ans », répond Yemani. L’adolescent dit venir, comme ses compagnons déjà repartis vers les fourrés, du Centre d’accueil et d’orientation dédié aux mineurs (CAOMI) du Havre.

« C’est la débandade aux CAOMI du Havre et de Marseille. On leur a promis qu’ils iraient en Angleterre et ça n’a pas été respecté, donc ils sont très remontés », croit savoir Gaël.

Non loin circulent des fourgons de CRS et une voiture de la brigade anti-criminalité. Quelques minutes plus tard, l’un d’eux s’arrêtera à hauteur des jeunes Erythréens pour les interpeller et probablement les envoyer à Saint-Omer (Pas-de-Calais) – si le centre n’affiche pas complet.

– ‘Je dors où je peux’ –

Rien de comparable encore avec le spectaculaire jeu du chat et de la souris de l’an dernier sur la rocade portuaire, lorsque des barrages étaient érigés pour stopper les semi-remorques. Mais le sentiment de déjà-vu est indéniable.

« On est revenus à la situation d’il y a quatre ans, quand il n’y avait ni camp ni accueil… sauf qu’il y a beaucoup plus de policiers! », observe François Guennoc, vice-président de l’Auberge des migrants, qui participe à la maraude.

En cette période de grand froid, l’associatif en veut plus que jamais au gouvernement de n’avoir pas respecté la promesse de créer « des dispositifs de prise en charge des migrants qui reviendraient à Calais », prononcée par Bernard Cazeneuve le 7 novembre.

A la gare du centre de Calais, les forces de l’ordre guettent les arrivées de migrants en provenance de Lille ou Paris. A 18H30, cinq Erythréens, les yeux hagards, sont appréhendés par des gendarmes mobiles. « C’est juste un contrôle », tempère l’un d’eux tandis que Gaël voudrait faire passer de la nourriture.

Un peu plus tard, selon les gendarmes, ils seront amenés à la Police aux frontières (PAF), avant un éventuel placement en centre de rétention administrative.

Deux jeunes migrants s’avancent sur le parking en direction de la voiture de maraude: « On peut avoir des sacs de couchage? » Gaël les reconnaît: « Vous n’en avez pas déjà eu la dernière fois? – Si, mais on les a donnés à des copains ». 

En sirotant son thé brûlant, Jonathan raconte: « Je viens d’Erythrée. J’ai traversé la Méditerranée. Etait-ce dangereux? Bien sûr, mais que veux-tu faire, c’est le seul moyen de traverser! Ensuite, on a été à Paris avec sept amis. Et là je suis à Calais depuis un mois. Je dors où je peux, je change souvent d’endroit pour me protéger de la pluie… et me cacher des policiers. »

Le jeune homme confie avoir déjà été placé une fois à Saint-Omer, avant de revenir à Calais. « Je veux aller en Angleterre, en plus j’ai entendu que 10 gars étaient passés la semaine dernière! »

Ce retour si précoce de migrants à Calais, malgré le froid, surprend les humanitaires. En cette nuit de janvier, la maraude d’Utopia 56 en aura rencontré 13 en moins de deux heures.

Un panneau

© AFP/Archives DENIS CHARLET
Un panneau « site interdit au public » à l’entrée de l’ancien camp de migrants de Calais, dit la « jungle », le 18 janvier 2017

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