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Canada: le cinéma, outil d'émancipation de la jeunesse autochtone

Montréal (AFP) – Ils sont jeunes et cinéastes, Algonquins, Kunas ou Micmacs. Ces Amérindiens attirent les projecteurs sur leurs peuples souvent qualifiés d’invisibles grâce à la création artistique, et le cinéma est pour eux un outil d’émancipation.

« Sans remonter au temps du noir et blanc, le cinéma nous représentait il n’y a encore pas si longtemps par le cliché de +l’indien sauvage+, une image créée de toutes pièces par les blancs », note Emilio Wawatie.

Pour battre en brèche cette image, il s’est lancé à 18 ans dans le cinéma, il y a sept ans.

Le jeune Anishnabe de la communauté de Kitigan Zibi (330 km au nord de Montréal) se rappelle d’un temps pas si lointain où il craignait d’être rejeté par sa communauté parce qu’il avait osé réaliser un film sur les divisions de son peuple.

Le contraire s’est produit et avec le 7e art, il a gagné le respect des siens.

La nouvelle génération de cinéastes amérindiens aborde dans ses films la détresse sociale -trop souvent tue au Canada- des Autochtones et plus particulièrement chez les jeunes.

« Les taux de suicide sont de cinq à sept fois plus élevés chez les jeunes des Premières Nations » que la moyenne des jeunes Canadiens, selon une récente étude de Statistique Canada.

Les Autochtones ne représentent que 4,3% de la population canadienne, soit 1,4 million de personnes, mais sont en proportion plus nombreux à être victimes d’homicides ou agressions.

Début août, le gouvernement canadien a lancé une enquête sur les 1.200 meurtres ou disparitions de femmes autochtones non élucidés depuis 30 ans.

C’est sur ce terreau et pour pallier la sous-représentation de ces populations dans les médias et au cinéma, qu’a été créée la société de production vidéo Wapikoni.

« Lors de mon premier film avec Wapikoni en 2006, j’ai dévoilé les problèmes de ma nation et j’ai eu beaucoup d’appuis des gens qui m’entourent. C’est là que j’ai pris confiance en mes moyens », explique fièrement Emilio Wawatie à l’AFP.

-« Wapikoni mobile »-

Depuis douze ans maintenant, l’organisme Wapikoni garde la même démarche: une équipe s’installe avec un studio mobile pendant cinq semaines dans une communauté autochtone pour réaliser un film.

Cet organisme sans but lucratif recense maintenant 900 films et a glané 120 prix internationaux.

« C’est toute une génération qui prend la parole au nom de sa culture et qui la fait rayonner par la création audiovisuelle », souligne la fondatrice Manon Barbeau.

Les thèmes des films sont variés, alternant les sujets difficiles comme la discrimination ou les violences aux femmes autochtones, mais aussi plus légers (humour, musique…).

« L’audiovisuel est un moyen efficace de transmettre et de faire circuler des idées. Il donne aux jeunes l’opportunité de créer des courts métrages », explique Mélanie Lumsden, cinéaste née d’un père belge et d’une mère inuite.

Grâce à son Réseau international de création audiovisuelle autochtone (RICAA), créé en 2014, Wapikoni permet à de jeunes autochtones à l’étranger de s’exprimer par l’image. 

« Par la vidéo, le message exprimé est transmis à la planète entière », poursuit Mélanie Lumsden.

C’est le cas de la réalisatrice Analicia Lopez Matos de la nation Kuna au Panama, une amoureuse des traditions et de la musique de son peuple.

« J’invite les jeunes à faire des films, je veux leur montrer qu’il y a une voie de sortie, que la drogue et la violence ne sont pas la solution », explique la jeune femme de 22 ans, venue à Montréal pour le festival Présence autochtone.

Quand en 2013, Emilio Wawatie est allé à la rencontre des Samis dans la petite ville d’Inari, dans le nord de la Finlande, il a découvert une même réalité.

« On ne parle pas la même langue, nous n’avons pas la même couleur de peau, mais les concepts sont les mêmes entre nos peuples: la connexion de l’esprit à la terre, à la nature et à tout ce qui nous entoure », dit-il.

La fondatrice de Wapikoni, Manon Barbeau, dans son bureau de Montréal, le 18 août 2016 . © AFP

© -/AFP CLÉMENT SABOURIN
La fondatrice de Wapikoni, Manon Barbeau, dans son bureau de Montréal, le 18 août 2016

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