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Cannabis et vieilles dentelles

Évelyne D. a 67 ans et beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Peu de revenus, 80 000 Fcfp par mois, et pas mal de frais et de dettes à rembourser. Afin de mettre du beurre dans les épinards, elle s’est lancée dans la culture de cannabis. Fausse bonne idée qui lui a valu une peine de six mois ferme.

 Le 17 octobre 2019, alors que les hommes de la brigade motorisée de Faa’a opéraient un contrôle routier, ils aperçoivent une conductrice qui ne portait pas de ceinture de sécurité. Ils lui font signe de se ranger sur le bas-côté. Elle obéit à l’injonction, mais ce faisant, elle jette par la fenêtre un sachet de cannabis. Soumise à un test salivaire qui s’avérera négatif, elle indiquera que le sachet d’herbe était pour une amie.

S’ensuit une perquisition à son domicile de Mahina. Á peine prennent-il pied sur les lieux que les forces de l’ordre sont assaillis par une forte odeur. Rien de surprenant, 146 pieds de cannabis de 5 cm à 1,80 m, un sac poubelle rempli de têtes, une dizaine de sachets contenant de l’herbe et du matériel pour la culture indoor sont retrouvés à son domicile. « Une plantation bien entretenue et très propre », précise le juge Bonifassi.

80 000 Fcfp par mois et des dettes

À la barre, la sexagénaire expliquera que le cannabis lui appartient et que si elle s’adonne de temps à autre à la « fumette », les plants sont à « vocation commerciale, j’en cède une partie pour paiement en échange de travaux à mon domicile ou de jardinage. »

« Vous avez un certain professionnalisme en la matière » lui assure le juge faisant allusion à la bonne tenue des plants. Ce à quoi en toute modestie elle réplique, « Ce n’est pas plus difficile que de faire pousser des tomates ! ». « Le cannabis c’est purement commercial, c’est pour vous aider à gagner votre vie ? » « Oui », et d’expliquer qu’elle touche le minimum vieillesse, 80 000 Fcfp, qu’elle est sans emploi et a des dettes à rembourser à la suite de l’achat de parts dans un restaurant, fermé depuis. De plus elle a un loyer à payer pour le terrain qu’elle occupe.

Estimant que ses arguments devraient suffire à s’attirer l’indulgence du tribunal, elle semble ne pas trop s’en faire. Ce qui n’a pas échappé au juge qui met les pieds dans le plat en évoquant son casier judiciaire. « En 2015 vous avez écopé d’une amende et de la prison avec sursis pour stupéfiants, et en 2017 aussi. Vous risquez 10 ans de prison et comme vous êtes en état de récidive, c’est 20 ans que vous risquez. On a l’impression que vous prenez cela à la légère. » lui assène-t-il.

Profil bas, elle avoue, « Il va falloir que je rentre en France. J’ai beau travailler de temps à autres comme hôtesse sur un voilier et m’occuper d’une personne âgée, je ne m’en sors pas. » Quant à savoir combien lui rapporte son trafic, elle l’ignore.

« Après le Bitcoin, le Petcoin. »

« Avec son attitude très en retrait, on dirait une grand-mère bien sous tous rapports, alors que c’est une dealeuse », attaque la procureure de la République, Elise Torabi qui poursuit, « elle utilise le paka pour payer ses ouvriers. Après le Bitcoin, le Petcoin (…) Son activité dure depuis des années et c’est devenu une forme de revenus assurés. C’est une délinquante d’habitude et elle n’a rien fait pour se sortir de là.»  Trois ans de prison dont 18 mois avec sursis et 600 000 Fcfp d’amende sont requis contre Evelyne.

« On se dirige vers une légalisation dans 10 ans maximum. »

Un réquisitoire qui a fait bondir Me Dubois. « Á entendre la procureure, j’ai l’impression qu’on est dans une affaire d’ice.» S’adressant au juge et ses assesseurs, « Il y aura une évolution sur la législation du cannabis. Aux USA, ils l’autorisent, en France, on y arrive doucement. On le sait, vous comme moi, que l’on se dirige vers une légalisation dans10 ans maximum. » Évoquant le cas de sa cliente. « Elle gagne 80 000 Fcfp par mois, elle paye 25 000 de loyer pour le terrain, rajouter à cela l’eau, l’électricité, le téléphone, il ne vous reste rien à la fin du mois. Ma cliente a pris une mauvaise voie qui l’a menée devant vous. Je vous demanderais de baisser la peine requise et l’amende. »

Le tribunal a quelque peu été sensible à la plaidoirie de Me Dubois, baissant la peine de prison à 24 mois de prison dont 18 mois avec sursis avec mandat de dépôt, peine assortie d’une amende de 200 000 Fcfp et d’une mise à l’épreuve de deux ans.

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1 Commentaire

  1. MATA
    22 janvier 2020 à 15h06 — Répondre

    que penser du système judiciaire? une nouvelle condamnation pour trafic mais à quelle échelle? Et à côté de ça la justice laisse passer les détournements de fonds publics comme au comite des maison familial rural dirigé par un ancien ministre condamné pour malversations. Elle est pas belle la vie?

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