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"Chemise arrachée": prison avec sursis requise contre cinq salariés d'Air France

Bobigny (AFP) – « Voyous » ou « boucs émissaires »? Deux à quatre mois de prison avec sursis ont été requis mercredi contre cinq salariés d’Air France jugés à Bobigny pour leur implication dans l’épisode de la « chemise arrachée » du DRH.

« Ce n’était pas une opération syndicale, mais une opération de casseurs, puis de voyous », a déclaré le procureur Philippe Bourion, reprenant à son compte les termes employés par le Premier ministre Manuel Valls au lendemain de ces incidents.

Le parquet a aussi requis 1.000 euros d’amende contre les dix autres prévenus, poursuivis pour des « dégradations » lors de la manifestation du 5 octobre 2015 devant le siège d’Air France à Roissy. 

Les « quinze d’Air France », dont l’un a été licencié, seront fixés sur leur sort le 30 novembre.

Pris à partie lors de la manifestation du 5 octobre, Xavier Broseta, DRH d’Air France à l’époque, et Pierre Plissonnier, le responsable du long-courrier, avaient dû fuir sous les huées, torse nu pour le premier, la chemise en lambeaux pour le second.

Les images « humiliantes » des deux cadres dirigeants, escaladant un grillage pour échapper à leurs assaillants, avaient fait le tour du monde et terni un peu plus la réputation de la France en matière de dialogue social.

– « Dommages collatéraux » –

Appelés une dernière fois à la barre au terme de ce procès hors norme, qui s’est déroulé sur deux jours, certains prévenus ont formulé des regrets. 

« Je suis un dommage collatéral, nous sommes tous des dommages collatéraux », a déclaré pour sa part Cédric Errin. 

Parmi les prévenus, dont sept sont membres de la CGT, un sentiment d’injustice domine. Car, comme l’a reconnu lui-même le parquet, tous les auteurs des violences n’ont pu être identifiés sur les vidéos.

« Les gens qui ont arraché la chemise ne sont pas présents aujourd’hui. Effectivement, il y aurait dû y avoir les vrais coupables », a ainsi affirmé Vincent Martinez, le délégué du personnel qui a été licencié. 

« C’est un procès politique, le procureur a suivi les injonctions de M. Valls », a abondé Mehdi Kemoune, secrétaire général adjoint de la CGT Air France. 

Avocate de 12 prévenus, Me Lila Mhissen a dénoncé tout au long du procès « un dossier bâclé » où dominait la volonté de trouver des « boucs émissaires ».

Les prévenus « n’ont pas été pris au hasard », a réagi Me Frédérique Beaulieu, le conseil de Xavier Broseta. « Les infractions sont clairement imputables aux personnes poursuivies », a-t-elle dit à la presse.

Le procureur a assuré avoir tenu compte du « contexte » dans ses réquisitions. « Personne n’a à l’esprit que, lorsqu’on annonce 2.900 licenciements, il y aurait une obligation d’amener des fleurs », a-t-il dit.

Comme l’ont rappelé les responsables de la CGT Air France mardi à l’audience, c’est l’annonce d’un nouveau plan de restructuration menaçant 2.900 emplois, alors que 10.000 postes ont été supprimés entre 2005 et 2015, qui avait mis le feu aux poudres. 

Pour la première fois, les syndicats redoutaient des licenciements secs, en particulier au sein du personnel au sol, dont les prévenus sont issus. 

Mettant les violences sur le compte d’un « effet de meute », le procureur a ironisé sur les dénégations de ces « gros bras », qui ont cherché à minimiser leur rôle. 

« Tous vous font des descriptions d’eux-mêmes avec des délicatesses de libellules, des entrechats de danseuses. Je ne crois pas à cette réunion de colibris délicats », a dit M. Bourion.

Plus tôt dans la journée, les avocats des parties civiles avaient été unanimes pour dénoncer le procédé consistant à « ériger les victimes en coupables » et à « défendre l’indéfendable » : la violence physique. Une stratégie de défense « classique mais vulgaire », selon Me Fanny Colin.

Chemise arrachée, le directeur des ressources humaines d'Air France Xavier Broseta tente de fuir un mouvement de foule, le 5 octobre 2015 à Roissy-en-France. © AFP

© AFP/Archives KENZO TRIBOUILLARD
Chemise arrachée, le directeur des ressources humaines d’Air France Xavier Broseta tente de fuir un mouvement de foule, le 5 octobre 2015 à Roissy-en-France

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