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Christine Lagarde: une carrière exemplaire et un faux pas

Paris (AFP) – La patronne du FMI, Christine Lagarde, jugée lundi coupable de « négligence » lorsqu’elle était ministre française de l’Economie, a brisé plusieurs plafonds de verre pour intégrer le club fermé des dirigeants du globe où elle a réussi à imposer son autorité.

Au terme d’une ascension météorique, cette femme posée et souriante de 60 ans a pris les commandes du Fonds monétaire international en 2011 après une longévité record à la tête du ministère de l’Economie française (2007-2011), deux prestigieuses fonctions jusque là invariablement occupées par des hommes.

Un CV exemplaire que vient ternir la décision de la justice française de la déclarer coupable d’une « négligence » très coûteuse pour les deniers publics quand elle était ministre. Par égard pour sa « réputation internationale », Christine Lagarde a toutefois été dispensée de peine.

Le parcours de cette fille d’enseignants a des airs de revanche. Jeune avocate, elle s’était vu refuser une embauche pour une simple raison: « ils m’ont dit +parce que vous êtes une femme+ », a-t-elle raconté.

Pas de quoi décourager cependant cette ancienne championne de natation synchronisée.

Fine tacticienne, toujours élégante avec ses courts cheveux argentés et ses vêtements haute-couture, Christine Lagarde a su se frayer une place parmi les grands de ce monde, fidèle à la devise du très chic lycée américain Holton Arms où elle fut scolarisée un an près de Washington: « Inveniam viam aut faciam » (« Je vais trouver une solution ou en créer une »).

Son apparition dans la vie publique ne remonte pourtant qu’à 2005. Présidente du cabinet d’avocats américain Baker & McKenzie, elle est alors débauchée par la droite française et entre au gouvernement, en charge du Commerce extérieur.

– Franc-parler –

Cette mère de deux fils, divorcée, prend rapidement du galon. Elle s’installe deux ans plus tard aux commandes du ministère de l’Economie, peu avant la crise financière de 2008 et la récession planétaire.

Sa carrière prend une nouvelle dimension quand elle est propulsée en juillet 2011 à la tête d’un FMI traumatisé par le scandale sexuel qui a emporté son chef, un autre Français, Dominique Strauss-Kahn.

Offrant le visage consensuel d’une femme végétarienne, sportive et non-fumeuse, Mme Lagarde a dû convaincre les sceptiques et redorer le blason de l’institution en plaidant, dans un anglais impeccable, pour l’orthodoxie financière aux quatre coins du globe, et spécialement en Grèce.

Sur le dossier grec qui continue de la hanter, elle n’hésitera pas à froisser ses anciens partenaires européens et à parfois rompre avec les usages diplomatiques.

Son franc-parler, qui lui avait déjà joué des tours en France, sera à l’origine d’un tollé quand elle appellera les Grecs, essorés par les plans d’austérité, à payer tous « leurs impôts » ou quand elle reprochera implicitement aux autorités de ne pas se comporter en « adultes ».

C’est d’ailleurs d’Athènes que viendront, quelques années plus tard, les plus virulentes attaques contre l’action du FMI, accusé d’avoir une « responsabilité criminelle » dans la situation du pays.

Face aux critiques, Mme Lagarde a récusé, sans grand succès, l’image d’une institution « intransigeante et inhumaine ». « Le FMI est un bouc émissaire bien pratique », disait-elle début juillet à l’AFP après avoir été reconduite, pour cinq ans et avec les honneurs, à la tête de l’institution. 

Au fil des années, elle a par ailleurs tenté d’ouvrir le Fonds à des questions qui lui sont peu familières comme le changement climatique ou les inégalités sociales, même si le fond de sa pensée économique reste difficile à cerner.

Face à la poussée de fièvre protectionniste aux Etats-Unis et en Europe, cette fervente partisane du libre-échange a toutefois jugé récemment que la croissance devait être « repensée » pour freiner la « montée des inégalités ».

Si elle bénéficie de sondages flatteurs en France, Christine Lagarde n’envisage pas de retour sur la scène politique. « Je pense que je suis mieux faite pour ce que je fais aujourd’hui que pour le monde politique ».

Christine Lagarde, le 14 juillet 2016, lors d'un discours au Center for Global Development, à Washington. © AFP

© AFP/Archives JIM WATSON
Christine Lagarde, le 14 juillet 2016, lors d’un discours au Center for Global Development, à Washington

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