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Clément Hervieu-Léger, le jeune homme discret de la Comédie-Française

Paris (AFP) – S’il n’avait pas choisi le théâtre, Clément Hervieu-Léger aurait peut-être été danseur ou éleveur de chevaux. A 39 ans, le comédien aux allures d’adolescent cultive plusieurs passions sous des dehors discrets.

Le 3 décembre, il dirigera ses camarades sur la grande scène du Français dans une pièce oubliée de Marivaux, « Le Petit-Maître corrigé ». Depuis la rentrée, il incarne dans la même Salle Richelieu le délicat Günther, fils du SA Konstantin von Essenbeck dans « Les Damnés » d’après Visconti.

Et les soirs où il ne bascule pas dans la barbarie nazie, Clément Hervieu-Léger frôle la folie dans « Les Cahiers de Nijinski » (Théâtre National de Chaillot jusqu’au 24 novembre), un projet qui « lui trottait dans la tête » depuis longtemps.

« J’ai commencé par la danse quand j’étais enfant, et dans mon petit Panthéon il y avait Noureev, Barychnikov, Nijinski, Patrick Dupond …  » raconte-t-il.

Il est alors le seul garçon de son cours de danse classique avec Karl Paquette, devenu étoile de l’Opéra de Paris. S’il ne suit pas son ami à l’école de danse, c’est parce qu’il est « terrifié » à l’idée d’être pensionnaire à Nanterre, où l’école des petits rats vient de s’installer. 

« J’étais très heureux dans ma famille, avec des parents qui m’emmenaient au théâtre, au ballet et un père qui avait été pensionnaire et qui ne m’a pas du tout poussé à l’époque », convient-il.

« J’ai arrêté la danse à l’adolescence, mais Nijinski est resté dans un coin de ma tête », dit-il. De ses années de ballet, il a gardé la grâce fragile du danseur, qui fait de lui l’interprète idéal de ces « Cahiers » rageurs écrits par Nijinski à la veille de son internement pour trente ans. Dans un sobre décor tout blanc, il incarne à merveille la solitude du prodige de la danse au seuil de la folie.

« Il y a quelque chose de très similaire dans les parcours de Camille Claudel et de Nijinski: cette fulgurance des grands génies dont la carrière va être bien plus courte que le temps de silence », dit-il.

– De la Normandie à la pampa –

Clément Hervieu-Léger n’a « aucun regret » d’avoir « choisi (son) enfance, et aussi le théâtre ». Entré à 25 ans à la Comédie-Française par la petite porte comme artiste auxiliaire, il en devient pensionnaire en 2005. 

« J’ai grandi dans la troupe du Français », dit-il. Tout en gardant un pied dehors: « j’ai eu cette chance de grandir aussi aux côtés de Patrice Chéreau ce qui a été essentiel pour moi », rappelle-t-il. Avec Chéreau, il travaille sur deux opéras, « Cosi fan tutte » (2005) et « Tristan et Isolde » (2007).

Trois ans plus tard, il fonde avec Daniel San Pedro la Compagnie des Petits Champs dans le village normand de 700 habitants où il a ses racines familiales. « Les gens me disaient souvent +le théâtre c’est pas pour nous+ et ça me rendait très triste », dit-il.

La compagnie se produit dans des théâtres mais aussi dans des granges et des fermes. « Là, j’ai l’impression de faire mon métier, de même qu’à la Comédie-Française j’ai l’impression de mener une vraie mission de service public ».

Si la famille de sa mère lui a apporté le théâtre, avec une grand-mère professeur de Lettres et une mère étudiante à l’école du TNP en même temps qu’à Sciences-Po, du coté du père, c’est « une famille de laboureurs ». Et d’éleveurs de chevaux, sa deuxième passion avec le théâtre.

Clément Hervieu-Léger raconte dans une pièce qu’il a écrite, « Un voyage en Uruguay », la saga de ce grand-père qui vend trois taureaux et deux vaches à un éleveur uruguayen et charge un jeune cousin de convoyer le tout dans la pampa. La pièce a été jouée plus de 100 fois et va voyager en février en Uruguay.

« Si je n’avais pas fait du théâtre, peut-être que j’aurais pu faire ma vie autour des chevaux », dit-il en souriant.

Entré à 25 ans comme artiste auxiliaire à la Comédie-Française, où il est pris en photo ici le 21 novembre 2016, Clément Hervieu-Léger en devient pensionnaire en 2005 . © AFP

© AFP MARTIN BUREAU
Entré à 25 ans comme artiste auxiliaire à la Comédie-Française, où il est pris en photo ici le 21 novembre 2016, Clément Hervieu-Léger en devient pensionnaire en 2005

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