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Colombie: le gouvernement et les Farc décidés à sauver la paix

Bogota (AFP) – Le gouvernement de Colombie et la guérilla des Farc restaient déterminés lundi à mettre fin au conflit armé déchirant ce pays depuis un demi-siècle, malgré le rejet inattendu, la veille par référendum, de l’accord de paix qu’ils ont signé.

« Cela ne signifie pas que la bataille pour la paix a été perdue », a affirmé Timoleon Jiménez, leader de la rébellion marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), depuis La Havane, où se sont tenus les pourparlers de paix pendant près de quatre ans et où il était « en train d’analyser les résultats, dans le calme, afin de continuer ».

De son côté, le président Juan Manuel Santos a convoqué tous les partis politiques au palais Casa de Nariño « pour les écouter, ouvrir des espaces de dialogue et décider du chemin à suivre ».

« Je ne me rendrai pas et continuerai à rechercher la paix jusqu’au dernier jour de mon mandat car c’est le chemin pour laisser un pays meilleur à nos enfants », avait-il sobrement déclaré dimanche, dès l’annonce des résultats montrant un échec cuisant pour ce dirigeant dont la paix est le fer de lance depuis son arrivée au pouvoir en 2010.

M. Santos et Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre de Timoleon Jiménez ou Timochenko, ont signé le 26 septembre un accord de paix inédit, qui prévoit notamment la démobilisation des 5.765 combattants des Farc et la conversion de la guérilla en mouvement politique légal.

– « La paix n’a pas été vaincue » –

Mais pour entrer en vigueur, ce texte de 297 pages devait être approuvé par les électeurs, une consultation non obligatoire, mais voulue par le président pour donner une « plus large légitimité » à la paix.

Tout en affirmant que « la paix n’a pas été vaincue », le chef des négociations avec les Farc, Humberto de La Calle, a proposé lundi sa démission. « Les erreurs que nous avons pu commettre sont de ma responsabilité exclusive », a-t-il déclaré, en exprimant son « soutien total » à M. Santos qui a été « courageux car il a préféré la paix à l’inertie de la guerre ».

Alors que la plupart des sondages prédisaient une large victoire du « Oui », c’est le « Non » qui l’a emporté avec 50,21% des voix contre 49,78%, lors d’un scrutin marqué toutefois par une forte abstention de 62%.

Le résultat met en évidence une Colombie divisée quant à la façon de clore la plus ancienne confrontation armée de l’hémisphère nord.

Au fil des décennies, ce conflit complexe a impliqué les Farc, principale guérilla du pays issue en 1964 d’une insurrection paysanne, mais aussi d’autres rébellions d’extrême gauche, des milices paramilitaires d’extrême droite et les forces armées. Cette guerre fratricide, dont les régions isolées et pauvres portent encore les stigmates, a fait plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés par la violence.

« Le monde rural, qui vit le conflit armé, a parié sur la paix. Le monde urbain a dit que non, n’a pas été solidaire. Parce qu’il n’a pas vécu le conflit, n’a pas vu de combats, de bombardements (…) et ne voit donc pas la nécessité » de l’accord, a déclaré à l’AFP Ariel Avila, analyste de la fondation Paix et Réconciliation.

– « Un triomphe » de l’opposition –

Le camp du « Non » était mené par l’ex-président et actuel sénateur de droite Alvaro Uribe, avec comme principaux arguments que les guérilleros démobilisés ne devraient pas participer à la vie politique, mais tous aller en prison au lieu de bénéficier de peines alternatives comme le prévoyait l’accord pour ceux qui avoueraient leurs crimes.

Le résultat « peut être vu comme un triomphe d’Uribe », a déclaré à l’AFP la politologue Arlene Tickner de l’Université du Rosario, à propos de l’ex-chef de l’Etat (2002-2010), dont M. Santos, qu’il qualifie maintenant de « traitre », a été ministre de la Défense au moment d’une lutte tous azimuts contre les Farc.

Le patron du Centre démocratique a proposé « un grand pacte national ». « Il nous semble fondamental qu’au nom de la paix, ne soient pas mises en danger les valeurs qui la rendent possible », a déclaré M. Uribe.

De son côté, la seconde guérilla encore active, l’Armée de libération nationale (ELN, guévariste), avec laquelle le gouvernement a convenu en mars d’ouvrir des pourparlers qui n’ont cependant pas débuté, a appelé à chercher une « issue négociée » au conflit armé.

L’accord avec les Farc bénéficiait du soutien de la communauté internationale. Une délégation du Parlement européen, venue à Bogota pour le référendum, l’a encore souligné lundi. Dans un communiqué, elle a appelé « le gouvernement, les différentes forces politiques, ainsi que les Farc et l’ELN, à poursuivre les négociations de manière constructive et de s’abstenir de tout recours à la violence ». 

Le chef suprême de la guérilla colombienne des Farc, Timoleon Jiménez, le 26 septembre 2016 à Carthagène en Colombie. © AFP

© AFP/Archives Luis ACOSTA
Le chef suprême de la guérilla colombienne des Farc, Timoleon Jiménez, le 26 septembre 2016 à Carthagène en Colombie

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