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Comment les profs se débrouillent-ils avec l’enseignement moral et civique ?

CAS PRATIQUE – Grande nouveauté de la rentrée scolaire, l’enseignement moral et civique donne quelques maux de tête aux professeurs, qui n’ont pas été formés pour l’instant.

Juste après les attentats de Paris en janvier dernier, les enseignants ont dû répondre à de nombreuses questions sur la laïcité, le vivre-ensemble ou encore le communautarisme. Souvent désarmés face aux interrogations de leurs élèves, les profs auront désormais une heure tous les 15 jours pour aborder ces thèmes très délicats. Une heure d’EMC (éducation morale et civique) qui constitue l’une des grandes nouveautés de la rentrée. Si de nombreux profs louent l’initiative, ils restent dubitatifs sur sa mise en application dès cette année. Et pour cause, l’enseignement moral et civique devait d’abord commencer en 2016 avant d’être finalement lancé dès cette année, alors que les formations ne sont pas encore mises en place.

>> Comment les enseignants vont-ils dispenser ce nouveau cours ? Nous avons donné la parole à trois d’entre eux (un du primaire, un du collège et un du lycée).

  • Christelle Coninotto, directrice et institutrice à l’école élémentaire Jules Ferry des Echelles (73) : « Ces enseignements existaient déjà »

En tant que directrice de l’établissement scolaire où elle enseigne, Christelle Coninotto croule sous le travail en cette rentrée. Elle explique « ne pas avoir encore eu le temps de se plonger dans les programmes » en matière d’enseignement moral et civique. Mais au-delà des directions prédéfinies par le ministère, elle assure que « ces thèmes sont de toute façon abordés, et ce dès la petite section de maternelle ».

« C’est important de faire réfléchir les enfants sur le vivre-ensemble, ils sont parfaitement en âge pour comprendre les enjeux qu’impliquent la vie en collectivité » à l’école primaire. A une nuance près. Christine Coninotto ajoute qu’il est « possible d’aiguiller les enfants à partir d’événements qui se sont déroulés dans la cour de récréation ou en classe », mais plus compliqué d’aborder « des questions de politique ou de société » plus globales.

Difficile pour elle pour l’instant de juger l’apport de l’inclusion de l’EMC dans les programmes puisque les instituteurs « prodiguaient déjà ces enseignements sans qu’un nom officiel soit attribué à ces moments d’échanges ». « Il se peut que nous continuions comme nous le faisions avant », suppose-t-elle avant de conclure : « J’attends les formations maintenant, mais je trouve que c’est une bonne initiative ».

  • Franck Cocaign, directeur et professeur d’histoire au collège Saint-Joseph de Morlaix (29) :  » Les autres enseignants vont aussi jouer un rôle »

Franck Cocaign a également la double casquette de principal du collège Saint-Joseph et de professeur d’histoire-géographie. Dans ce collège privé sous contrat de l’Etat du Finistère, l’équipe pédagogique prend sa mission d’éducation civique et morale très à cœur. Franck Cocaign résume bien le fonctionnement et la nouveauté de l’EMC par rapport à l’éducation civique, pratiquée auparavant : « le changement principal c’est que, comme avant, une partie de ce cours sera dispensé par le professeur d’histoire, mais les autres enseignants vont aussi jouer un rôle. C’est pourquoi nous avons fait une demi-journée de réunion avec toute l’équipe pour voir comment chacun pourrait aborder des questions morales et civiques à travers sa matière. »

Spécificité de ce collège, les enseignants vont également organiser trois journées dédiées entièrement à ces enseignements. « Pour mieux marquer le coup », explique Franck Cocaign, qui poursuit : « car nous donnons déjà ce genre d’enseignement de façon informelle et quotidienne. Là, cela montrera aux élèves que ces notions font partie des valeurs qu’ils doivent intégrer. »  Par « valeurs », l’enseignant entend « le respect de l’autre, la solidarité, qui en France peut se traduire par la fraternité, des besoins essentiels des ados qui, malgré cette période d’individualisme, ont envie d’être en groupe. »

  • Elise Bardol, professeur au Lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-mer (62) : « On n’a même pas été formés »

Elise fait partie de ces professeurs qui se sont retrouvés bien embêtés après les attentats de Paris. « Avec plusieurs de mes collègues, on s’est rendu compte qu’on n’était pas compétents », se remémore-t-elle. « C’est donc une très bonne nouvelle cette matière mais… ». Elle bute un instant avant de dresser une liste de doléances. « Il faudrait beaucoup plus d’heures et puis on n’a même pas été formés… ».

Désireuse d’échanger avec ses élèves, cette jeune professeur d’histoire-géographie ne pourra pas le faire avec toutes ses classes. « Je l’assume parce que je n’ai pas le choix mais je ferai de l’EMC avec mes Seconde et mes Première mais pas avec mes Terminale ». Et de se justifier : « le programme est beaucoup trop dense en Terminale. Je n’aurai jamais le temps d’aborder ces thèmes ».

Source: Europe 1

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