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Cuba: le père de la révolution Fidel Castro est mort, une page d'Histoire se tourne

La Havane (AFP) – Tristesse à Cuba, liesse à Miami: le père de la Révolution cubaine Fidel Castro, qui a écrit d’une main de fer une longue page de l’histoire du XXe siècle et défié onze présidents américains, est mort à 90 ans.

Réagissant à la nouvelle, le président élu des Etats-Unis Donald Trump a dénoncé un « dictateur brutal qui a opprimé son propre peuple », promettant de « tout » faire pour contribuer à la liberté du peuple cubain.

Le magnat de l’immobilier avait affiché des réserves sur le rapprochement en cours entre les Etats-Unis et Cuba, affirmant qu’il ferait « tout pour obtenir un accord solide » avec La Havane après sa prise de fonctions le 20 janvier prochain.

Raul Castro, auquel son frère Fidel a laissé les commandes en 2006 après 47 ans de pouvoir, se retrouve à 85 ans pour la première fois seul au pouvoir, engagé dans un processus d’ouverture économique et un spectaculaire dégel depuis fin 2014 avec les États-Unis.

« L’Histoire jugera l’impact énorme » de Fidel Castro, avait auparavant salué le président américain Barack Obama, ajoutant: « Nous avons travaillé dur » pour tourner la page de la « discorde ». 

« Le commandant en chef de la Révolution cubaine est décédé à 22h29 ce soir (vendredi) » (03h29 GMT samedi), a déclaré vers minuit le président Raul Castro d’un ton solennel, en lisant une déclaration sur l’antenne de la télévision nationale qui a brusquement interrompu ses programmes pour cette annonce historique.

Raul Castro n’a pas révélé les causes du décès, mais a précisé que Fidel Castro serait incinéré « dans les premières heures » de la journée de samedi, écartant de fait toute exposition du corps du « Lider Maximo » au public.

Les autorités ont décrété neuf jours de deuil national tandis que l’onde de choc de l’annonce tombée dans la nuit s’est rapidement répandue dans les rues clairsemées de La Havane, la plupart des habitants se disant mortifiés et stupéfaits de voir disparaître l’ex-président cubain, qui récemment n’avait pas véritablement affiché de signes d’affaiblissement.

« Ca nous a tous pris par surprise, on espérait vraiment qu’il vive un peu plus longtemps. Il avait l’air en forme lors de ses dernières apparitions », a réagi Michel Gonzalez, un vendeur de cigares de 30 ans.

« Comme des milliers de Cubains je suis contrit, triste, c’est tellement soudain ! », abondait, interdit, le barman Miguel Gonzalez, 24 ans, rencontré dans le Vedado, un quartier proche du centre.

« Perdre Fidel c’est comme perdre un père, un guide, le phare de cette Révolution », a déclaré Michel Rodriguez, un boulanger de 42 ans qui a appris l’information à la radio.

En revanche, à Miami, bastion de l’anti-castrisme dans le sud des Etats-Unis, ce sont des scènes de liesse qui ont accueilli l’annonce.

« C’était un criminel, un assassin et un homme misérable », vitupérait Hugo Ribas, 78 ans, au milieu d’un millier de personnes rassemblées dans le quartier de la Petite Havane (« Little Havana »).

En Espagne, dont Cuba fut une ancienne colonie, une petite dizaine de manifestants criait « le tyran est mort » quand une centaine clamait « vive la révolution ». 

  – Funérailles le 4 décembre –

Le premier hommage au Comandante a été programmé lundi matin, les Cubains ayant été conviés à converger vers la place de la Révolution de La Havane, habituel théâtre des grand-messes castristes.

Les funérailles se tiendront à Santiago de Cuba (est), deuxième ville du pays, le 4 décembre. 

Cette cérémonie, qui devrait attirer une foule de dignitaires étrangers, sera précédée de neuf jours de deuil national jalonnés d’hommages « de masse » à La Havane et Santiago. 

Ses cendres vont être transportées de la Havane à Santiago, séparées de quelque 900 km, lors d’une procession qui devrait mobiliser des millions de personnes entre le 30 novembre et le 3 décembre.Les réactions affluaient du monde entier: Le président russe Vladimir Poutine a salué un « homme d’Etat émérite » et « un ami sincère et fiable de la Russie ». « Le président Castro s’est identifié à notre lutte contre l’apartheid », a souligné le président sud-africain Jacob Zuma. Le roi d’Espagne a salué une « figure d’une indiscutable importance historique ».

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a lui noté les « avancées dans les domaines de l’éducation, de l’alphabétisation et de la santé » sous Castro.

Plus réservé, le président français François Hollande a estimé que Fidel Castro avait « incarné la révolution cubaine », dans ses « espoirs » mais également ses « désillusions » lui ont rendu hommage.

Célèbre pour ses coups d’éclat et  ses discours interminables, mais aussi pour son uniforme vert olive, ses cigares et sa barbe légendaire, le « Lider Maximo » avait cédé le pouvoir à son frère Raul après une hémorragie intestinale. Il avait abandonné ses dernières responsabilités au Parti communiste de Cuba (PCC) en avril 2011.

L’ex-président avait totalement disparu des écrans cubains entre février 2014 et avril 2015, ce qui avait alimenté de nombreuses rumeurs sur son état de santé.

Mais depuis un an et demi, même si ses déplacement restaient limités, il avait recommencé à recevoir chez lui personnalités et dignitaires étrangers. 

– ‘Défidélisation’ du régime –

Son frère Raul a engagé depuis 10 ans un lent processus de « défidélisation » du régime, avec notamment en 2011 l’adoption lors d’un congrès historique du PCC de mesures économiques destinées à sauver Cuba de la faillite. 

Pour la dissidente modérée Miriam Leyva, ce décès pourrait permettre la mise à l’écart d’une partie de la vieille garde du régime réfractaire au changement. « Je crois qu’il y a là une opportunité d’ouvrir davantage cette société et avancer plus rapidement dans les réformes », a-t-elle expliqué à l’AFP.

Sous la surveillance de Fidel, Raul Castro a également orchestré dans l’ombre le spectaculaire dégel de fin 2014 avec les États-Unis, révélant un pragmatisme qui contrastait avec l’anti-américanisme viscéral de son aîné.

Grand détracteur de la superpuissance américaine, Fidel Castro était un symbole de la lutte contre l' »impérialisme » du voisin du nord, tout en affichant un piètre bilan en matière de droits civiques et de libertés.

Communiste converti, Fidel Castro, qui avait pris le pouvoir en 1959, a défié 11 présidents américains et survécu à maints complots pour l’assassiner (638 selon le Livre Guinness des records) ainsi qu’à une tentative ratée de débarquement d’exilés cubains soutenus par la CIA dans la baie des Cochons (sud de l’île) en avril 1961. 

John F. Kennedy devait décréter peu après un embargo commercial et financier. Toujours en vigueur, celui-ci pèse lourdement sur l’économie du pays malgré une série d’assouplissements consentis par l’administration de Barack Obama dans le cadre du dégel. 

En octobre 1962, c’est la crise des missiles, provoquée par l’installation de fusées nucléaires soviétiques à Cuba, qui engendre une surenchère et met la planète sous la menace atomique. Washington décide un blocus naval de l’île, et Moscou finit par retirer ses fusées contre la promesse américaine de ne pas envahir l’île. 

Compagnon d’armes du guérilléro argentin Ernesto « Che » Guevara, le leader cubain s’est voulu le champion de l’exportation de la révolution marxiste en Amérique latine, mais aussi en Afrique. 

La chute de l’URSS en 1991, principal bailleur de fonds de l’île, porte un coup terrible à l’économie cubaine, mais le « Lider Maximo » trouve une nouvelle manne avec le tourisme et surtout de nouveaux alliés avec la Chine et le Venezuela du président Hugo Chavez, présenté par Fidel Castro comme son « fils spirituel » avant qu’il ne décède d’un cancer en 2013. 

Fidel Castro à La Havane, le 26 juillet 2010. © AFP

© CUBADEBATE/AFP/Archives SILVIO RODRIGUEZ
Fidel Castro à La Havane, le 26 juillet 2010

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