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Décès de l'Italien Dario Fo, homme de théâtre et Prix Nobel anticonformiste

Rome (AFP) – L’écrivain et acteur italien Dario Fo, décédé jeudi à l’âge de 90 ans, était l’un des auteurs italiens les plus novateurs et un homme de théâtre anticonformiste que l’obtention du Prix Nobel de littérature en 1997 n’avait pas assagi.

Auteur de « La mort accidentelle d’un anarchiste », « La marijuana de maman est la meilleure », « Couple libre » ou « Faut pas payer! », ce bateleur à la langue inventive appelait à la rébellion contre les puissants et les hypocrites.

Anticlérical, il est parti en guerre contre la morale imposée par le Vatican en Italie dans « Le pape et la sorcière ». En 2003, sa farce « L’Anormal bicéphale » contre Silvio Berlusconi, alors chef du gouvernement, s’est jouée à guichets fermés mais a été censurée à la télévision à la suite d’une plainte de l’entourage du leader politique.

Engagé politiquement à l’extrême-gauche, candidat à la mairie de Milan en 2001, Dario Fo a eu d’innombrables démêlés avec la justice de son pays et avec l’extrême-droite et a dû attendre 1977 pour que ses pièces passent à la télévision.

Mais il était l’auteur de théâtre italien le plus joué dans le monde après Goldoni.

Connu pour ses fous rires, son physique enveloppé, ses dents de lapin et son mode de vie simple, Dario Fo était devenu en 1997 le sixième Nobel de littérature italien, rejoignant un autre grand auteur de théâtre, Luigi Pirandello (1934).

Le jury de Stockholm l’avait distingué pour avoir « dans la tradition des bateleurs médiévaux, fustigé le pouvoir et restauré la dignité des humiliés ».

Ce choix hors des sentiers battus avait alors suscité une polémique mais pour l’écrivain italien Stefano Benni, il était « juste, parce que la littérature ce n’est pas seulement écrire des livres mais aussi communiquer par la parole ».

– Langage absurde –

Les pièces de Dario Fo se distinguent par un langage absurde où se mêlent dialectes locaux, expressions latines et citations littéraires, et marie allègrement le rire et la gravité.

Né le 24 mars 1926 en Lombardie (nord) dans un milieu ouvrier antifasciste, Dario Fo a grandi au contact du théâtre de rue et de la tradition orale, avant de se lancer dans le théâtre dès le début des années 1950 après des études d’architecture.

Il a d’abord écrit des monologues et des sketches empreints de critique sociale, puis des pièces laissant une large place à l’improvisation.

Inspirée par la tradition de la commedia dell’arte, mais aussi par les expériences plus récentes de Vladimir Maïakovski et Bertold Brecht, son oeuvre s’est attaquée à tous les sujets politiques et sociaux de l’époque: la guerre du Vietnam, l’assassinat du président américain John Kennedy, la question palestinienne, le sida, l’amour libre, l’avortement, la mafia, la corruption…

Il formait un couple mythique avec Franca Rame, enfant de la balle épousée en 1954 et décédée en 2013 à l’âge de 83 ans, qui fut de toutes ses aventures théâtrales prolongées aujourd’hui par leur fils, Jacopo Fo.

Avec elle, Dario Fo a lancé plusieurs compagnies dont le groupe la Commune dans les années 1970 qui a porté le théâtre dans les entreprises et les quartiers populaires.

Après « Le mystère Bouffe » (1969), pièce avec un seul personnage revisitant les textes anciens en « grammelot », langue dérivée de la commedia dell’arte, qui a connu un énorme succès, Dario Fo a été invité dans de nombreux pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique.

Il y a présenté ses spectacles et mis en scène pièces de théâtre et opéras: « Le Barbier de Séville » de Rossini (Amsterdam, 1986) « Le Médecin volant » et « Le Médecin malgré lui » de Molière à la Comédie Française (Paris, 1990)…

Dario Fo a inspiré le courant du « théâtre de narration » représenté en Italie par Ascanio Celestini (« Scemo di guerra ») ou Davide Enia (« Rembo »).

L'écrivain italien Dario Fo, prix Nobel de littérature en 1997, lors d'une conférence de presse, le 3 décembre 2015 à Rome. © AFP

© AFP/Archives Gabriel BOUYS
L’écrivain italien Dario Fo, prix Nobel de littérature en 1997, lors d’une conférence de presse, le 3 décembre 2015 à Rome

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