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De la cité Thorez à l'Everest, « L'Ascension » de Nadir Dendoune au cinéma

L’Île-Saint-Denis (France) (AFP) – Quand Nadir Dendoune a conquis l’Everest en 2008, sans avoir jamais gravi autre chose que l’escalier de son HLM, ce n’était pas pour les beaux yeux d’une fille, comme le raconte le film « L’Ascension » qui sort mercredi.

Ce fils d’immigrés du « 9-3 » voulait adresser « un message politique à la France ». 

« La haute montagne, c’est un sport de blanc, de bourgeois. Je voulais aller là où on ne m’attend pas », explique à l’AFP ce journaliste indépendant de 44 ans, assis dans le salon de sa « daronne » Messaouda, à l’Ile-Saint-Denis. 

« Sans faire pleurer dans les chaumières, nous, les Arabes, on nous voit au mieux comme des footballeurs ou des rappeurs, au pire comme des dealers. Jamais en chef d’orchestre ou danseur étoile, par exemple », poursuit celui qui est devenu le 25 mai 2008 le premier Franco-Algérien à atteindre le toit du monde.

A 8.848 mètres, ce fils d’ouvrier algérien qui a grandi à la cité Maurice-Thorez, entouré de l’amour de ses sept frangines, avait brandi un carton en forme de coeur, portant l’inscription: « 93 ». 

Tout un symbole, même si l’intéressé refuse d’en être un. « Je ne suis pas un exemple, mais une exception. Je ne veux pas qu’on se serve de mon parcours pour faire croire qu’il suffit de vouloir pour y arriver. C’est toujours plus facile pour un bourgeois de Neuilly-sur-Seine », martèle ce rédacteur au Courrier de l’Atlas, passé par le Centre de formation des journalistes (CFJ). 

A l’attention des « journaleux » qui voudraient le réduire à cet exploit, il ajoute: « Avant l’Everest, j’ai fait le tour du monde à vélo, j’ai vécu huit ans en Australie ». Amateur de boxe, c’est aussi un ardent défenseur de la cause palestinienne. 

En sélection officielle au festival du film de comédie de L’Alpe d’Huez, qui s’est ouvert mardi, « L’Ascension » raconte comment Sami (Ahmed Sylla), pour faire la conquête de Nadia (Alice Belaïdi), entreprend celle de l’Everest. Un défi qui suscite aussi bien la perplexité des teneurs de murs de la cité des 4000, à « 35 mètres d’altitude », que l’hilarité des banquiers qu’il démarche en quête de sponsors. 

– ‘Rendre fier le 93’ –

Comme dans la vraie histoire, Sami rédige un faux CV d’alpiniste en potassant des livres à la bibliothèque. La rencontre improbable entre ce jeune Noir de La Courneuve et ses compagnons blancs de cordée donne lieu à des scènes savoureuses.

« De la part des alpinistes, j’ai ressenti un vrai mépris de classe. Et tout ce mépris que je subissais en France m’est revenu à la gueule. C’est la rage qui m’a fait atteindre le sommet », a témoigné Nadir Dendoune lundi lors d’une avant-première à Stains (Seine-Saint-Denis).

Quand le héros de « L’Ascension », enfin hissé au sommet, a exhibé la fameuse pancarte, les spectateurs – dont Messaouda Dendoune – ont laissé éclater leur joie. Après la projection, un jeune a remercié l’équipe d’avoir, « pour une fois, montré le 93 positivement ».

« Rendre fier le 93 », c’était le voeu de Nadir Dendoune, qui a écrit le scénario avec Olivier Ducray. Mais le film n’aurait pas vu le jour sans la productrice Laurence Lascary, qui a eu l’idée en 2010 d’adapter son livre, « Un tocard sur le toit du monde ». 

Pour son premier long métrage, la société de production De l’Autre côté du Périph’, dont les bureaux sont à la Cité du cinéma, a fait appel au réalisateur Ludovic Bernard, qui fut notamment l’assistant de Luc Besson sur « Lucy ». 

Son prochain défi? « C’est bien une question de journaliste », raille Nadir. « Nos rêves de pauvres », recueil de chroniques âpres sur la vie quotidienne d’un Arabe de cité, sortira en mars chez Lattès.

Au panthéon de cet enfant d’illettrés figure en bonne place Romain Gary, à côté d’Albert Cohen, Gustave Flaubert ou Virginie Despentes.

Sans oublier Annie Ernaux. « Elle a dit qu’elle écrivait pour venger sa race. Moi non plus, je ne serai jamais traître à mon quartier ».

Nadir Dendoune avec sa mère Messaouda à L'Île-Saint-Denis, au nord de Paris, le 11 janvier 2017, tenant le carton qu'il a porté au sommet de l'Everest. © AFP

© AFP PATRICK KOVARIK
Nadir Dendoune avec sa mère Messaouda à L’Île-Saint-Denis, au nord de Paris, le 11 janvier 2017, tenant le carton qu’il a porté au sommet de l’Everest

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