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« Délit de solidarité » aux migrants: les bénévoles se mobilisent

Paris (AFP) – « Une tentative d’effroi »: à l’approche du jugement de Cédric Herrou, associations et bénévoles se mobilisent contre le « délit de solidarité » et plus largement la suspicion jetée selon eux sur le soutien aux migrants.

Cédric Herrou, agriculteur de 37 ans, a été jugé le 4 janvier à Nice pour avoir aidé des migrants près de la frontière franco-italienne. Le procureur a requis huit mois de prison avec sursis, et le verdict est attendu vendredi.

En amont, un collectif de 350 organisations associatives et syndicales compte multiplier les actions la semaine prochaine, avec des rassemblements annoncés à Lille mercredi, place de la République à Paris jeudi, à Nice vendredi…

« On assiste depuis plusieurs mois à la recrudescence de cas où la solidarité est considérée comme un délit », déplorent ces associations (dont le Secours catholique, la Ligue des droits de l’Homme et la Fondation Abbé Pierre), dans une pétition « délinquants solidaires » lancée mi-janvier.

Au coeur de leurs inquiétudes, le « délit de solidarité », en référence aux poursuites engagées sur la base du texte punissant « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ».

– ‘Personnes vulnérables’ – 

Le syndicat de la magistrature s’est récemment alarmé de cette situation. L’autorité judiciaire « protège les personnes vulnérables » et « ne peut, sans nuire à sa mission, pourchasser celles et ceux qui, sensibles à la détresse d’autrui, leur apportent leur aide », a estimé sa présidente Clarisse Taron dans une lettre au procureur de Nice.

Sur le sujet, le ministre de l’Intérieur Bruno le Roux assurait début janvier que « quand il n’y pas de contrepartie, quand on ne fait pas ça pour la recherche d’un bénéfice, alors il n’y a pas de délit de solidarité ». Tous les cas portés en justice « sont ceux pour lesquels nous pensons que la loi n’est pas respectée et que cela a favorisé l’accès à des réseaux de passeurs ».

Mais depuis quelque temps « des poursuites ont commencé d’être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration » assure Claudia Charles du Gisti, qui cite la réglementation en matière d’urbanisme, le délit « d’entrave à la circulation d’un aéronef »…

Au total, « plus de 25 personnes sont aujourd’hui poursuivies pour leur solidarité avec les migrant.es », affirme le collectif parisien de soutien aux exilé-e-s (CPSE).

A la frontière franco-italienne « l’objectif de dissuader prime sur toute considération », affirme Jean-François Dubost d’Amnesty International France, qui a dépêché une mission d’observation dans la vallée de la Roya et publiera mercredi des conclusions qui s’annoncent très critiques sur le respect des droits.

– ‘Rendre invisibles’ –

« La police aux frontières fait son travail de contrôle », dit-on à l’Intérieur, en assurant que « la politique de surveillance du domaine public ne vise pas les migrants en tant que tels ».

A Paris, ce sont les confiscations de couvertures qui ont suscité l’émotion, en pleine vague de froid. Bruno Le Roux a défendu le travail de « mise à l’abri des policiers ». Mais « on a constaté une hausse des violences policières depuis fin décembre », estime Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde, pour qui « il ne faut pas que la violence devienne la norme ».

Procès et violences policières « sont les deux facettes d’une même histoire », estime pour sa part Gwen Mallauran, jugée jeudi pour « outrage » au préfet de région lors d’une évacuation de campement parisien: « on essaie de rendre les gens invisibles ».

Autre bénévole poursuivi pour « rébellion et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » après avoir été relaxé de l’accusation d' »organisation de manifestation illicite », Houssam El-Assimi en est convaincu: « on est dans une tentative d’effroi ».

Dans des termes entiers, il dénonce « une politique raciste visant les migrants », et en veut pour preuve les interventions policières qui « ont trois buts: entraver les démarches, dégoûter les gens de demander l’asile et constituer les migrants en population dangereuse ».

L'agriculteur Cédric Herrou devant le palais de justice de Nice, le 4 janvier 2017. © AFP

© AFP Yann COATSALIOU
L’agriculteur Cédric Herrou devant le palais de justice de Nice, le 4 janvier 2017

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