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Des chiens renifleurs « made in fenua » pour lutter contre l’ice ou le cancer du sein

Pypaz, femelle d’un an, est dressée pour la détection du cancer du sein.

La société « K9 Pacifique » a commencé depuis peu l’entraînement de chiens renifleurs, jusque-là dressés à l’étranger. Elle espère travailler avec les douanes, les services environnementaux, mais aussi dans le secteur de la santé : plusieurs études sont très encourageantes sur la capacité des chiens à repérer une tumeur à un stade précoce. Elles restent toutefois à être validées.

« K9 » – à prononcer « kay – nine » – c’est le l’abréviation anglophone du « canin » français et le terme qui désigne fréquemment les chiens policiers. Des animaux très utiles, pour repérer l’odeur de stupéfiants, dans des bagages ou lors de fouilles, mais que la police ou les douanes de Polynésie jusque-là acquérir en métropole ou en Nouvelle-Zélande. L’idée d’offrir des chiens de travail « mieux adaptés au climat », « moins chers » et « suivis localement », trottait depuis un moment dans la tête d’Éric Chatelain, déjà entrepreneur dans la sécurité, et désormais gérant de la toute jeune société K9 Pacifique. Fondée avec un expert en dressage qui a longtemps œuvré dans l’armée et un éleveur canin tahitien, l’entreprise a pris ses quartiers à quelques pas de la base navale de Papeete. Dans ces locaux un peu datés, mais mis à disposition gracieusement par les propriétaires, intéressés par le projet, l’équipe a commencé le dressage de deux chiens, Pypaz et Rio, et développe son protocole « d’odorologie ». La technique consiste à piéger des odeurs dans des filtres et de les disposer, au milieu de leurres, derrière des « cônes d’olfaction » de le long d’un mur. Le chien, dressé pour distinguer une substance spécifique, devra de son plein gré, et sans pouvoir voir ni toucher le prélèvement, signaler une odeur suspecte.

La société ne dispose bien sûr pas d’ice pour dresser ses chiens, mais les douanes lui fournissent des prélèvements olfactifs. ©GouvPF

La technique est déjà utilisée dans la détection d’explosif et de différents types de stupéfiants. En Polynésie, c’est bien sûr dans la lutte contre le trafic d’ice qu’elle pourrait être utile. « Un bagage dans un aéroport, on peut emmener le chien et le faire sentir, mais pour un conteneur qui arrive à Motu Uta, c’est plus compliqué parce qu’il faut que la biosécurité passe avant et elle va tout fumiger, explique Éric Châtelain. La solution, c’est de venir aspirer l’intérieur du conteneur, de déposer les odeurs sur un filtre et de l’amener sur le mur d’odorologie ». En amenant l’odeur au chien plutôt que l’inverse, l’entrepreneur, qui recevait une délégation du Pays et des douanes ce lundi après-midi, assure pouvoir faire gagner du temps et de l’efficacité aux autorités.

Sans contact avec les patientes

Si le directeur de la CPS Jérôme Fabre s’était lui aussi mêlé à la visite, c’est que la start-up entend aussi agir dans le milieu de la santé. Car beaucoup d’équipes scientifiques, dans le monde, s’intéressent aux capacités olfactives des chiens pour repérer certains maladies. En France, l’institut Curie mène ainsi depuis plusieurs années un programme sur le dépistage du cancer du sein par odorologie. Les résultats des phases préliminaires sont très encourageants, et une validation scientifique définitive est attendue pour 2022. « K9 pacifique » entend mener ses propres recherches localement, en reprenant un protocole similaire. Des compresses que les femmes placent la nuit contre leur sein seraient ensuite acheminées, anonymement et via les services de santé, vers le centre canin. Sur place, le chien, qui n’a donc a aucun moment contact avec la patiente, « est capable de reconnaître l’odeur des composés organiques volatils émis par les tumeurs ». Et signale donc, là encore, les cônes en métal suspects.

La technique représente un espoir particulier au fenua, explique Éric Chatelain. Car le dépistage du cancer du sein, premier cancer chez la femme en Polynésie avec environ 135 cas par an, est rendu difficile par la géographie du pays. La détection canine permettrait une détection à distance et précoce de la maladie – « plusieurs mois avant le réel développement de la tumeur », assure l’entrepreneur – et un « taux de réussite du dépistage de 88% avec un chien, et de 92% avec deux ». « On espère même aller au-delà », reprend le gérant, à la recherche de partenaires médicaux et qui envisage le recrutement d’un thésard pour avancer sur le projet. En attendant que ce protocole soit, ou non, validé par les autorités, les mammographies, gratuites et recommandé à partir de 50 ans restent le meilleur moyen de prévenir le cancer du sein.

Bergers allemands, malinois ou Jack Russel

K9 Pacifique a commencé le dressage de deux chiens : Pypaz, une femme berger allemand d’un an formé sur le dépistage du cancer, et Rio, jeune malinois qui sera spécialisé sur les « stups ». Deux autres chiens devraient arriver au centre dans les prochains mois, là encore des bergers allemands. « C’est un chien qui apprend un peu moins vite que le malinois, mais qui est très sociable et très intelligent », reprend Éric Châtelain. D’autres races de chiens pourraient à l’avenir être utilisés : des labradors, ou des jack russell, qui pourraient être formés à la détection des rats pour la protection environnementale. L’essentiel est de s’appuyer sur des lignées polynésiennes : « on veut faire du made in fenua, de bout en bout ».

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