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Des milliers de Syriens évacués d'Alep

Alep (Syrie) (AFP) – Des milliers de Syriens traumatisés ont pu quitter lundi le secteur rebelle assiégé d’Alep, une évacuation qui a favorisé un rare vote unanime à l’ONU sur le déploiement d’observateurs pour superviser l’opération dans la deuxième ville de Syrie.

Soumis pendant plus de quatre mois à un siège asphyxiant et durant un mois à des bombardements incessants du régime, ils ont été évacuées de la ville dévastée que le pouvoir s’apprête à proclamer sienne, signant ainsi sa plus importante victoire en près de six ans de guerre.

Par un temps glacial, des familles entières ont dû attendre pendant des heures dans les ruines de bâtiments détruits par les bombes dans la cité septentrionale, avant d’entendre la bonne nouvelle sur la reprise des évacuations.

Voyageant à bord de 75 bus, quelque 7.000 personnes ont ainsi été transférées d’Alep vers la localité sous contrôle rebelle de Khan al-Assal, plus au nord, a dit Ingy Sedky, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

« Nous continuerons toute la journée, et aussi longtemps qu’il le faudra, à évacuer ces milliers (de personnes) qui attendent encore », a-t-elle dit à l’AFP.

Dès l’aube des familles emmitouflées dans plusieurs couches de manteaux sont descendues des bus et se sont rassemblées à même le sol sur un terrain sale, pendant que des humanitaires leur distribuaient des bouteilles d’eau, a indiqué Ahmad al-Dbis, chef d’une unité de médecins et de volontaires, présent à Khan al-Assal. 

Ces gens « avaient dû attendre plus de 16 heures » à un check-point du régime sans pouvoir sortir des véhicules, a-t-il ajouté. « Ils n’avaient pas mangé, n’avaient rien à boire, les enfants avaient pris froid et ils n’avaient pas même pu aller aux toilettes ».

« Les gens que nous accueillons ont vécu l’enfer, le niveau de traumatisme qu’ils ont subi est impossible à décrire ou à comprendre », a expliqué à l’AFP Casey Harrity de l’ONG internationale Mercy Corps.

– La petite Bana évacuée –

Près de 350 personnes avaient déjà été évacuées dimanche soir vers Khan al-Assal, d’après M. Dbis.

L’opération d’évacuation a débuté jeudi aux termes d’un accord entre la Russie et la Turquie, soutiens respectifs du régime et de l’opposition armée, mais elle a été suspendue pendant le week-end après des accusations de violation de cet accord par les rebelles et des incidents armés.

Au total, au moins 14.000 personnes, dont 4.000 insurgés, ont déjà quitté le réduit rebelle d’Alep en direction d’autres zones insurgés du Nord, d’après les estimations de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Il reste au moins 7.000 personnes dans le réduit totalement ravagé par plus de quatre ans de guerre entre les insurgés et le régime de Bachar al-Assad qui l’a finalement reconquis quasi-totalement après une dernière offensive destructrice d’un mois lancée le 15 novembre.

Avant son offensive aérienne et terrestre, le régime imposait depuis juillet un siège hermétique aux quartiers rebelles de la ville, où les dizaines de milliers d’habitants manquaient pratiquement de tout.

Parmi les personnes évacuées lundi d’Alep figure la jeune Bana al-Abed, 7 ans, devenue célèbre pour ses tweets sur l’enfer quotidien dans cette ville parfois comparée à Guernica ou Sarajevo.

D’après l’ONG turque IHH, elle et sa famille devraient être accueillies dans un camp de déplacés de la province d’Idleb (nord-ouest), contrôlée en quasi-totalité par les insurgés et voisine de celle d’Alep.

En échange des évacuations d’Alep, 500 personnes ont pu quitter deux localités chiites prorégime assiégées par les rebelles dans la province d’Idleb, selon l’OSDH.

– Rare signe d’unité –

Une fois les évacuations terminées à Alep, le régime Assad devrait proclamer la reprise totale de la ville, signant sa plus importante victoire dans la guerre sanglante qui déchire le pays depuis 2011 et a fait plus de 310.000 morts.

A New York, le Conseil de sécurité a voté à l’unanimité, une résolution proposée par la France et prévoyant le déploiement rapide à Alep du personnel humanitaire de l’ONU déjà présent en Syrie « pour une surveillance adéquate, neutre et une observation directe » de « l’évacuation des parties assiégées ».

L’adoption de cette résolution, marque le premier signe d’unité depuis des mois entre les grandes puissances mondiales sur le conflit, Moscou ayant auparavant opposé son veto aux résolutions concernant la Syrie.

Avec cette résolution, l’objectif de la France est « d’éviter un nouveau Srebrenica », ville de Bosnie où fut commis en 1995 le pire massacre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a dit l’ambassadeur français, François Delattre, alors que l’ONU et plusieurs ONG internationales avaient fait état d’atrocités qu’aurait commises le régime dans les secteurs reconquis à Alep.

On ignore encore toutefois si le pouvoir syrien autorisera l’accès des observateurs de l’ONU à Alep.

Pour le président français François Hollande, l’adoption de la résolution « doit permettre le plein respect du droit international humanitaire en Syrie » et « ouvrir la voie au cessez-le-feu et à la négociation de la solution politique ».

Mardi, Moscou accueille une réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense de Russie, d’Iran et de Turquie, pour des discussions sur le conflit très complexe où sont impliqués de multiples protagonistes soutenus par différentes puissances régionales et internationales.

Des Syriens évacués des poches rebelles d'Alep arrivent dans des zones rebelles dans le nord de la ville, le 19 décembre 2016. © AFP

© AFP Baraa Al-Halabi
Des Syriens évacués des poches rebelles d’Alep arrivent dans des zones rebelles dans le nord de la ville, le 19 décembre 2016

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