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Démantèlement de la "Jungle" de Calais: les associations dégainent l'arme judiciaire

Lille (AFP) – Le démantèlement programmé de la « Jungle » de Calais, dont la date n’a pas été communiquée par les autorités, rencontre désormais l’hostilité de nombreuses associations qui ont annoncé mercredi saisir la justice, s’inquiétant notamment de l’avenir des près de 1.300 mineurs sans famille qui y vivraient.

Face à ce qu’elles estiment constituer « une atteinte aux droits fondamentaux des exilés », onze associations, parmi lesquelles Emmaüs, le Secours catholique et l’Auberge des migrants, ont saisi en référé le tribunal administratif de Lille pour s’opposer à son évacuation. 

Ce recours en justice risque de freiner les plans du gouvernement et ce, alors même que la voie s’était dégagée mercredi sur le plan judiciaire, le Conseil d’Etat ayant donné son feu vert à la destruction des commerces encore ouverts dans la « Jungle ».

« Les vraies solutions pérennes ne sont pas trouvées, c’est ce que nous redoutons et craignons depuis longtemps. Les personnes évacuées vont se retrouver privées de l’accès aux soins, à leurs droits, pas écoutées dans leur besoins et envoyées dans les Centres d’accueil et d’orientation (CAO) alors qu’ils n’ont rien y faire », a déclaré à l’AFP Me Julie Bonnier, qui avait déjà saisi le tribunal administratif de Lille en février pour s’opposer, en vain, au démantèlement de la partie sud du campement.

Les juges doivent statuer sous 48H00, a précisé Me Bonnier, du barreau d’Evry, associée dans cette démarche à Me Lionel Crusoë, du barreau de Paris.

La question des mineurs isolés constitue « un sujet fort » du référé, alors que près de 1.300 vivent dans le bidonville dont « à peu près 500 » disent avoir de la famille en Grande-Bretagne, selon un recensement rendu public mercredi par France Terre d’asile.

Sur ce total, « 95% affirment vouloir passer en Grande-Bretagne », a déclaré son directeur général, Pierre Henry.

– 5.684 migrants sur le campement –

Ces chiffres marquent une progression spectaculaire par rapport aux 861 mineurs recensés par l’association fin août.

D’autant qu’en parallèle la population totale semble avoir baissé: selon un décompte de la préfecture du Pas-de-Calais réalisé mardi, moins de 5.700 migrants vivent dans le campement, contre 6.900 en août.

Le recensement des mineurs était réalisé sur une base déclarative, ce qui signifie qu' »évidemment il peut y avoir des erreurs », selon M. Henry, notamment si de jeunes majeurs ont été tentés de minorer leur âge pour bénéficier d’une prise en charge ou passer au Royaume-Uni.

« Chaque mineur doit être épaulé dans ses démarches et ses décisions par un tuteur », rappelle Francois Guennoc de l’Auberge des migrants. Un processus complexe nécessitant un minimum de temps.

De plus la protection des mineurs ne dépend pas de l’Etat mais des départements, or certains rechignent à prendre en charge les jeunes qui n’iraient pas en Grande-Bretagne, souligne une source proche du dossier, qui doute d’une opération imminente d’évacuation totale du camp de Calais: « cela dépendra des négociations avec les Anglais ». Aucun calendrier n’a été officiellement annoncé pour le démantèlement même si l’hypothèse d’un début lundi prochain a été évoquée, notamment par le Défenseur des droits Jacques Toubon.

– Le rôle des Britanniques –

Se déplaçant lui-même à Londres lundi, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait appelé les Britanniques à assumer leur « devoir moral » sur l’accueil des mineurs isolés.

Une rencontre avec son homologue britannique Amber Rudd avait permis aux ministres d’assurer que les accords sur la réunification familiale seraient « appliqués et élargis ».

Côté britannique, on assure que « la priorité est d’inciter le maximum de personnes à lancer une procédure d’asile sous Dublin », du nom du traité fixant le pays responsable du traitement des demandes. Dans le cas des mineurs, c’est celui où vivent des membres de la famille.

Derrière cette bonne volonté affichée, toute la question est de savoir ce qu’il adviendra des autres — pas « sous Dublin » car n’ayant pas de liens familiaux au Royaume-Uni. Soit, selon le décompte de mercredi, près de 800 mineurs.

La "Jungle" de Calais, le 12 octobre 2016. © AFP

© AFP PHILIPPE HUGUEN
La « Jungle » de Calais, le 12 octobre 2016

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