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Edition: les lettres d'amour de Mitterrand à Anne Pingeot dévoilées

Paris (AFP) – « Ô désir de tes bras, de ton être, du feu et de la houle, du cri qui nous dépose aux bords d’un autre monde… » Ces mots signés simplement « François » concluent une lettre adressée à son « Anne très chérie ». François Mitterrand écrit à Anne Pingeot et c’est bouleversant.

Plus d’un millier d’autres missives (1.218 exactement) de François Mitterrand à Anne Pingeot seront publiées jeudi prochain chez Gallimard. Parallèlement à cette correspondance, intitulée « Lettres à Anne, 1962-1995 », l’éditeur publie le « Journal pour Anne, 1964-1970 », un journal intime, véritable livre d’art rempli de dessins et de collages, écrit par François Mitterrand pour « Anne que j’aime ».

Lisant cette correspondance, on est frappé par la qualité littéraire et le style du président-écrivain. Certaines lettres, comme celle envoyée pour les Pâques de 1964, sont de vibrants poèmes d’amour.

La première, datée du 19 octobre 1962, est celle d’un amoureux timide. Alors sénateur de la Nièvre, il a 46 ans. François Mitterrand promet à « Mademoiselle Anne Pingeot » de lui envoyer son exemplaire de Socrate. « Ce petit livre sera le messager qui vous dira le souvenir fidèle que je garde de quelques heures d’un bel été ».

A cette époque, Anne a seulement 19 ans. Au regard de la loi, elle est encore mineure.

François et Anne se sont rencontrés cet été-là dans la station balnéaire d’Hossegor (Landes). Depuis 1944, François Mitterrand, plusieurs fois ministre sous la IVe République, est marié à Danielle Gouze. Il a deux fils, Jean-Christophe et Gilbert.

Les premières lettres ne sont pas encore passionnées mais déjà pleines de tendresse. François Mitterrand emploie le « vous ». C’est après un voyage ensemble à Amsterdam, en mai 1964, que les deux amants passeront au « tu ».

– ‘La chance de ma vie’ –

Dès lors, les lettres se font plus intimes. Souvenir de baisers ou d’étreintes. « J’aime mes mains qui ont caressé ton corps, j’aime mes lèvres qui ont bu en toi… », écrit François Mitterrand en juillet 1964.

« J’aime ton corps, la joie qui coule en moi quand je détiens ta bouche, la possession qui me brûle de tous les feux du monde, le jaillissement de mon sang au fond de toi, ton plaisir qui surgit du volcan de nos corps, flamme dans l’espace, embrasement », écrit-il encore six ans plus tard.

On devine parfois une pointe de jalousie. « Imaginer que tu appartiennes à un autre, physiquement, est atroce », avoue-t-il en septembre 1970.

Décembre 1965, François Mitterrand se présente pour la première fois à l’élection présidentielle mais il trouve encore le temps d’écrire à son « Anne chérie ». Le jeudi précédent le second tour, il se plaint d’avoir manqué un rendez-vous. « Je suis triste, triste (…) un jour sans toi, c’est trop bête ».

La politique affleure parfois. François Mitterrand ne se montre pas toujours tendre avec ses fidèles. Dans une lettre de septembre 1967 il parle « des socialistes, mes partisans, idiots et sectaires, n’employant que des arguments de sous-sol ».

En 1974, Anne Pingeot est enceinte. Le 7 décembre, une dizaine de jours avant la naissance de leur fille, François Mitterrand envoie une liste de prénoms possible. Pour les filles c’est Mazarine qui arrive en tête. Il envoie aussi une liste de prénoms masculins « si par malheur c’était un garçon ».

En janvier 1975, il écrira une lettre adressée à « Mazarine chérie ». « J’écris pour la première fois ce nom. Je suis intimidé devant ce nouveau personnage sur la terre qui est toi… »

A partir de 1981 et l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, les missives deviennent plus rares. Dans une des très rares lettres publiées d’Anne Pingeot, on apprend que le 9 novembre 1981 le président lui a dit qu’il souffrait d’un cancer et que le pronostic vital était « entre trois mois et deux ans ».

La lettre sans conteste la plus émouvante est la dernière. L’ancien président, très malade, se repose à Belle-Île. « Mon bonheur est de penser à toi et de t’aimer », a-t-il la force d’écrire. Ses derniers mots sont: « Tu as été la chance de ma vie. Comment ne pas t’aimer davantage? »

Le Président François Mitterrand inaugure le musée d'Orsay, le 1er décembre 1986 à Paris, en présence de Valéry Giscard d'Estaing (G), Françoise Cachin (D), conservateur en chef et Anne Pingeot (de dos), conservateur du musée d'Orsay.
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© AFP/Archives DERRICK CEYRAC
Le Président François Mitterrand inaugure le musée d’Orsay, le 1er décembre 1986 à Paris, en présence de Valéry Giscard d’Estaing (G), Françoise Cachin (D), conservateur en chef et Anne Pingeot (de dos), conservateur du musée d’Orsay.

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