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En colère, les producteurs de lait font monter la pression chez Lactalis

Changé (France) (AFP) – Quelque trois cents agriculteurs bloquaient lundi soir une des routes menant à l’usine Lactalis près de Laval, bien décidés à obtenir un « juste prix » du lait auprès du numéro un mondial des produits laitiers et l’obliger à « revenir à la table des négociations ».

Vers 22H00, le rond-point près de l’usine Lactalis était totalement bloqué par une dizaine de tracteurs et la circulation était interrompue. 

Autour de l’axe routier, les Jeunes Agriculteurs (JA) avaient dressé un chapiteau afin d’accueillir tout le long de la semaine les agriculteurs de l’Ouest qui doivent se relayer sur le site. Sur de nombreuses affiches, installées sur les camions et tracteurs, on pouvait lire: « Eleveurs à bout. Il faut lait sauver » ou encore « Notre métier a un prix ».

Les éleveurs mayennais ont entamé cette action à l’initiative des Fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA, syndicat majoritaire) et JA. Les Mayennais seront relevés mardi matin par les producteurs de Bretagne. La Normandie et les Pays de la Loire assureront le blocus les jours suivants.

Posté près de l’usine Lactalis avec son tracteur, Loïc est « déterminé à rester le temps qu’il faut ». Producteur depuis plus de 20 ans, il est venu exprimer son « ras-le-bol ». 

« Je suis né dans le métier, je n’ai jamais vu une crise aussi profonde », déclare le Mayennais au bord des larmes. 

Une dizaine de camions de CRS et une dizaine d’autres de gendarmerie étaient stationnés près de l’usine Lactalis d’où sortaient les véhicules du groupe. 

Pas question de paralyser l’activité de l’industriel: « Ce serait leur donner les moyens de nous faire éjecter », explique Pascal Clément, président de la section laitière de la Fédération régionale des syndicats agricoles (FRSEA) du grand Ouest. Selon lui, cette action « gêne terriblement Lactalis, qui considère que c’est un acharnement des syndicats et des agriculteurs néfaste à son image et à ses affaires ».

Lactalis, qui met en avant une « crise de surproduction », s’est dit prêt à recevoir les organisations de producteurs pour discuter avec elles des prix du lait, a assuré sur France Inter Michel Nalet, porte-parole du groupe. 

« Le problème avec Lactalis, c’est que le partage de la valeur ajoutée n’est pas dans son ADN », assure M. Clément, qui pointe aussi « les résultats de plus en plus importants des industriels laitiers » alors que « les éleveurs laitiers sont dans une situation dramatique ». 

Ce mois-ci, le prix pratiqué par Lactalis est de 256 euros la tonne. Il était de 363 euros en juillet 2014. 

-« On ne veut plus quémander »-

« Dans mon département, d’ici le 31 décembre, on a près de 14% des exploitations qui vont mettre la clé sous la porte. D’habitude, on a 2 ou 3 % par an qui cessent leur activité mais là, 15%, c’est inimaginable, et ceux qui restent s’endettent. On ne peut pas continuer comme ça », exhorte Ludovic Blin, de la FDSEA de la Manche.

Les agriculteurs de l’Ouest, « déterminés » à retrouver « des conditions économiques dignes », espèrent que leur mouvement fera écho dans d’autres régions, ce qui a été le cas lundi midi dans l’Aveyron.

« On ne veut plus quémander. Nous, les agriculteurs, on veut vivre de notre métier mais en aucun cas on ne demande des aides à l’Etat. Ce qu’on veut, c’est que le médiateur des relations commerciales (…) puisse intervenir et mette autour de la table les interlocuteurs pour qu’on trouve un accord qui permette d’ici la fin de l’année d’avoir un prix raisonnable pour nos agriculteurs », a déclaré à l’AFP Philippe Jehan, président de la FDSEA de Mayenne. 

« Le médiateur est à la disposition des parties pour engager cette médiation, engager cette discussion, retrouver les voies du dialogue », avait fait savoir en cours de journée le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll.

Les producteurs laitiers fondent beaucoup d’espoir dans la loi Sapin II, examinée à partir du 26 septembre.

Pessimiste quant à l’avenir de la filière, M. Clément met en garde: « Si nos exploitations françaises disparaissent, on va se retrouver avec de grosses usines à lait comme aux Etats-Unis et en Allemagne. Ce n’est pas le modèle de la France laitière (…). C’est ce qu’on souhaite dire à Emmanuel Besnier », le PDG de Lactalis.

© AFP JEAN-FRANCOIS MONIER
Des agriculteurs manifestent devant le siège de Lactalis le 22 août 2016 à Change, près de Laval