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Énergie : la Polynésie toujours aussi accro aux énergies fossiles et importées

L’Observatoire polynésien de l’énergie a publié son dernier rapport, portant sur les données de 2019. Elles montrent que, malgré les objectifs ambitieux de transition énergétique, le renouvelable ne gagne pas de terrain face aux hydrocarbures. Et a même plutôt tendance à en perdre, du fait d’une mauvaise pluviométrie qui pèse sur la production des barrages.

Collecter les données sur l’énergie, les compiler, et les diffuser…. Voilà les missions de l’Observatoire polynésien de l’énergie lancé en 2017 par le Pays en partenariat avec l’Ademe, et qui vient de publier son dernier « Bilan énergétique », portant sur les données de l’année 2019. Une étude complète, balayant sur 80 pages, l’approvisionnement, la consommation, ou encore la production électrique, et qui met en évidence l’extrême dépendance de la Polynésie aux énergies fossiles importées. 353 millions de litres d’hydrocarbures ont ainsi été importés en 2019. C’est le gazole, utilisé dans les transports comme dans la production électrique qui domine ces achats, devant le fioul – principalement destiné à la centrale de la Punaruu qui n’a fait sa transition vers le gazole qu’en début d’année – et le sans-plomb.

93,8% de dépendance énergétique

Les énergies locales et renouvelables, en comparaison, ne pèsent pas lourd. Mis bout à bout, l’hydroélectricité, les panneaux photovoltaïques, les chauffe-eaux solaires ou les Swac ne représentent que 6,1% de la consommation totale d’énergie du fenua. Cette dépendance énergétique ne se résorbe pas : évaluée à 93,8%, elle a même légèrement augmenté (+0,5%) depuis 2016. « Cela peut s’expliquer par une augmentation de la consommation d’énergie totale qui se traduit par une augmentation de l’importation des ressources fossiles », note l’observatoire. La métropole pointe, en la matière, à environ 45%, notamment grâce au nucléaire.

 

L’essentiel (70%) des énergies renouvelables utilisées par le Pays se concentrent en fait dans la production électrique. Les îles fonctionnant principalement sur des groupes gazole, c’est à Tahiti qu’il faut chercher ces quelques pourcents de vert. Ou plutôt de bleu : l’hydroélectricité constitue toujours, et de loin, la principale source d’énergie renouvelable du pays. Or 2019 n’a pas été une grande année pour les barrages. 159 GWh produits, là où des années plus pluvieuses, 2010 notamment, faisaient monter le compteur jusqu’à 211 GWh. Malgré un « boom » ces dernières années – 4 fois plus de production solaire en 10 ans – les panneaux photovoltaïques installés sur les toits des maisons et des entreprises ne compensent pas cette baisse. Et, en l’absence de réelles fermes solaires, pourtant mises au programme de longue date par le gouvernement, ils ne totalisent que 40 GWh produits en 2019, là encore principalement à Tahiti. Soit un maigre 1,1% de l’énergie totale consommée en Polynésie et 5,8% de l’électricité produite.

La transition énergétique sur de mauvais rails

Résultat de cette petite forme pluviométrique : le taux de pénétration du renouvelable n’augmente pas. 28,8% de l’électricité de Polynésie provient des barrages et du solaire. Un chiffre qui cache de fortes variations géographiques (35,9% à Tahiti, 1,5% à Bora bora) mais qui est quoiqu’il arrive loin des objectifs fixés par le plan de transition énergétique voté par l’assemblée en 2015. Les élus demandaient alors 50% de renouvelable pour 2020, un point d’étape abandonné mais toujours dans les textes, et 75% en 2030, cap qui parait de plus en plus intenable. La Polynésie peut tout de même se consoler en se comparant au reste de l’Outre-mer. 28,8% c’est deux fois mieux que la Nouvelle-Calédonie, plombée par sa métallurgie gourmande en hydrocarbures, c’est nettement supérieur aux Antilles et même à la Métropole, qui pointe à 23%. Seule la Guyane, elle aussi riche en barrages, fait (beaucoup) mieux. La Réunion est aussi bonne élève, grâce notamment au développement de sa filière solaire. La Polynésie compte 5 fois moins de puissance photovoltaïque par habitant que l’île Bourbon, et deux fois moins que les Antilles. Le potentiel de développement est là.

Comparaison de la pénétration du renouvelable, évaluée à 28,8% en Polynésie. ©OPE

10 tonnes de CO2 par an et par habitant

L’observatoire de l’environnement a aussi tenté de traduire ces chiffres en termes d’émission de gaz à effet de serre. Au fenua il s’agit surtout du CO2 produit par les transports routiers (44% des émissions) et la production électrique fossile (29%) mais l’agriculture ou la réfrigération sont aussi des émetteurs de ces gaz qui participent au réchauffement et au dérèglement climatique. D’après ses calculs, le fenua  a produit 1,1 million de tonnes d’équivalent CO2 en 2019. Un chiffre qui a beaucoup augmenté dans les années 90 et qui suit, depuis lors, les variations de l’activité économique. Il correspond à environ 4,2 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an. Un niveau comparable à celui de La Réunion (4,9) ou de la Guyane (3,8) mais en dessous de celui de la métropole et surtout de la Nouvelle-Calédonie, ou là encore, l’industrie du nickel pèse lourd. en intégrant la production de gaz à effet de serre des produits importés l’empreinte carbone polynésienne est d’environ 10 tonnes d’équivalent CO2 par habitant.

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3 Commentaires

  1. Bresson Louis
    3 mars 2021 à 8h24 — Répondre

    Ce qui est étonnant, c’est que l’on autorise toujours l’importation et l’installation de chauffe-eau électriques en Polynésie. Avec le potentiel solaire dont nous disposons, tous les nouveaux logements devraient être équipés de chauffe-eau solaires.

  2. Motook
    3 mars 2021 à 8h26 — Répondre

    Bien entendu ! Comment passer au renouvelable (je parle des particuliers) quand le producteur local fait tout pour nous décourager (Nouveau compteur à installer à la charge du client, tarif de rachat du Kw ridicule), obligation de choisir entre consommateur ou producteur.
    Tout ça pour continuer son business polluant au dépend des habitants. Et le gouvernement laisse faire. Ce n’est pas ainsi que l’on pourra prendre le virage écologique.

  3. Microstring
    3 mars 2021 à 15h13 — Répondre

    Il semble exister une convention officielle à Tahiti avec EDT qui précise qu’au delà de 20%, on ne peut plus développer le photovoltaïque. Pourquoi ? En cas de couverture nuageuse subite le jour, l’EDT ne peut pas assumer la transition photovoltaïque vers groupe électrogène…

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