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Enquête sur l’ice : qui consomme, qui vend, comment lutter ?

Les enjeux sociaux de l’ice en Polynésie ont été étudiés dans un programme de recherche financé par l’Université de la Polynésie française et le ministère de la santé. L’enquête s’attache à étudier le trafic, la consommation et les politiques publiques menées pour lutter contre ce fléau. Le rapport est à retrouver sur le site de la Maison des sciences de l’homme du Pacifique. Cette enquête menée par Alice Simon et Alice Valiergue sous la direction d’Henri Bergeron et Michel Kokoreff a été lancée à l’initiative d’Eric Conte.

Quasiment toutes les semaines, au moins, un fait d’actualité est lié au trafic d’ice au fenua, c’est une triste réalité. « L’ice (ou méthamphétamine) est la drogue la plus accessible en Polynésie et la plus consommée après le cannabis. » L’enquête sociologique a été réalisée entre 2019 et 2021 sur la base de 41 entretiens avec des consommateurs, trafiquants et leurs proches et 107 entretiens avec des professionnels et acteurs associatifs. Elle prend aussi compte des données disponibles dans la presse, et fournies par les institutions et associations concernées.

Des trafiquants qui ne s’enrichissent pas toujours et qui ont du mal à en sortir

Le premier volet de l’étude sur le trafic fait état d’une grande hétérogénéité de profils. Il ne s’agit pas seulement de personnes ayant des ressources importantes mais au contraire, souvent il y a une recherche d’amélioration des conditions de vie et même pour certains une forme de « revanche sociale ». Le trafic d’Ice est en effet très lucratif en Polynésie pour ceux qui en importent : en moyenne il se vend à 150 000 francs le gramme et cela peut aller jusqu’à plus de 250 000 francs. Cependant, l’addiction est un facteur d’échec dans le trafic à moins de disposer d’un capital de départ assez important. Enfin, la politique publique étant principalement axée sur la répression, les trafiquants qui finissent par être punis d’emprisonnement ne s’en sortent pas à leur sortie de prison : l’addiction et le manque de perspective professionnelle sont les causes principales de la récidive d’après cette enquête. Les chercheuses soulignent que les profils sont très hétérogènes.

Qui consomme de l’ice et pourquoi?

La consommation concerne toutes les catégories sociales et majoritairement des adultes d’une trentaine d’années.  Les jeunes ont plus facilement accès à cette drogue mais elle est peu répandue chez ce public : « 3,3% des 16-17 ans déclaraient avoir déjà consommé de l’ice en 2016″ rapporte le communiqué. On observe qu’il y a une recherche de performance dans la consommation d’ice « pour tenir au travail » par exemple, mais on recherche aussi la performance sportive, sexuelle, alimentaire. Comme on peut s’y attendre, ce n’est pourtant pas un produit miracle et on observe aussi qu’au bout d’un certain temps, les bénéfices recherchés ne sont plus atteints et des effets néfastes apparaissent : insomnie, perte de poids excessive, addiction et marginalisation. Souvent les consommateurs y ont recours pour subvenir aux besoins de leurs familles. Cela constitue pour eux un frein lorsque la question d’arrêter se pose. Autre constat : on ne devient pas forcément addicte à la première prise, contrairement à une certaine croyance. Les facteurs qui mènent à une addiction selon l’enquête sont « la possibilité d’accéder facilement au produit, le fait d’avoir un ou plusieurs consommateurs dans son entourage, sa méconnaissance par le consommateur, et son état psychologique ». Enfin, la consommation d’ice est souvent associée à celle de pakalolo, notamment car elle a des effets inverses et elle ne la remplace pas.

Des pistes pour la lutte contre cette « épidémie »

Pour ce qui est de l’action publique, l’enquête remarque qu’elle est essentiellement répressive et « qu’un changement de paradigme est nécessaire » dans la politique de prévention. Elle met en avant un net décalage entre l’apparition du phénomène et sa présence dans les médias, puis encore avec sa présence dans les politiques publiques. Il y est suggéré de « reconnaître le rôle des inégalités sociales et de la précarité dans la problématique de l’ice. » Le rôle de l’environnement social et de l’accompagnement dans la désintoxication et dans la réinsertion professionnelle sont essentiels. Ainsi, une meilleure formation des acteurs de la prévention est suggérée (enseignants, infirmiers, responsables religieux, etc). Le programme de recherche qui porte le titre « La consommation de l’ice à Tahiti : Politiques publiques, usages et trafics. » a été restitué sous forme de vidéos notamment et est disponible ici.

Michel Kokoreff, Alice Simon, Alice Valiergue et Henri Bergeron ©MB/Radio1

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