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Erdogan, le "sultan" contesté de la Turquie tient bon

Ankara (AFP) – Aussi adulé que détesté, il règne depuis 13 ans sans partage sur la Turquie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a apparemment confirmé samedi qu’il restait le seul maître du pays en échappant à une spectaculaire tentative de putsch menée par des miltaires rebelles.

Son rêve d’instaurer une « superprésidence » s’était brisé le 7 juin 2015 au soir des législatives, lorsque son parti a perdu la majorité absolue qu’il détenait au Parlement. Certains avaient alors prédit le début de sa fin.

Qu’importe. Malgré cette claque électorale, celui que ses rivaux brocardent parfois comme un nouveau « sultan » est reparti au combat.

Animal politique par excellence, il a réussi par une série de manoeuvres à rappeler les Turcs aux urnes pour un nouveau scrutin, le quatrième en deux ans.

Et le 1er novembre, il prenait une éclatante revanche avec la victoire haut la main de son Parti de la justice et du développement (AKP) qui a retrouvé sa majorité absolue.

A 62 ans, M. Erdogan a apparemment une nouvelle fois su samedi conserver son poste et rester le chef politique le plus charismatique de son pays depuis Mustafa Kemal Atatürk, l’emblématique père de la République laïque.

C’est par un simple appel lors d’un entretien à une chaîne de télévision tard vendredi qu’il a réussi à faire descendre des milliers de ses partisants dans les rues d’Ankara et d’Istanbul, centres névralgique du putsch raté, leur demandant de « résister ».

Arrivé à la tête du gouvernement en 2003 sur les ruines d’une grave crise financière, M. Erdogan est loué par ses partisans comme l’homme du miracle économique et des réformes qui ont libéré la majorité religieuse et conservatrice du pays du joug de l’élite laïque et des interventions politiques de l’armée.

Mais depuis trois ans, il est aussi devenu la figure la plus critiquée de Turquie, dénoncé pour sa dérive autocratique et islamiste.

Sa hantise des réseaux sociaux et de la presse indépendante renforce l’inquiétude de ceux qui, comme le chef de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu, l’accusent de vouloir « rétablir le sultanat ». 

Luxueux, gigantesque et extravagant, le palais de 500 millions d’euros dans lequel il a emménagé il y a deux ans est devenu le symbole de sa « folie des grandeurs ».

– « Grand maître » –

Fils d’un officier des garde-côtes, M. Erdogan se targue pourtant d’origines modestes.

Élevé dans le quartier populaire de Kasimpasa à Istanbul, éduqué dans un lycée religieux, vendeur de rue, « Tayyip » a un temps caressé le rêve d’une carrière de footballeur, avant de se lancer en politique dans la mouvance islamiste.

Elu maire d’Istanbul en 1994, il triomphe en 2002 lorsque l’AKP remporte les législatives et devient Premier ministre un an plus tard, une fois amnistiée une peine de prison qui lui avait été infligée pour avoir récité en public un poème religieux.

Pendant des années, son modèle de démocratie conservatrice, alliant capitalisme libéral et islam modéré, enchaîne les succès, dopé par la croissance « chinoise » de son économie et sa volonté d’entrer dans l’Union européenne (UE).

Réélu en 2007 puis en 2011, avec près de 50% des voix, il se prend alors à rêver de rester au pouvoir jusqu’en 2023 pour célébrer le centenaire de la République turque.

Mais ce scénario se complique en juin 2013. Pendant trois semaines, plus de trois millions et demi de Turcs exigent sa démission dans la rue en lui reprochant sa main de fer et une politique de plus en plus ouvertement « islamiste ».

Le chef du gouvernement répond par une répression sévère et son crédit démocratique en prend un sérieux coup. Six mois plus tard, il est rattrapé par un scandale de corruption qui fait trembler son régime sur ses bases.

Ses rivaux l’accusent en outre d’avoir ravivé le conflit kurde à l’été 2015 pour satisfaire ses ambitions de pouvoir absolu. Ses discours enflammés et provocateurs inquiètent de plus en plus. 

Publiquement, Recep Tayyip Erdogan s’amuse de ceux qui le traitent de « dictateur ». Mais il poursuit systématiquement devant la justice tous ceux qui le contestent.

Le « grand maître », comme l’appellent ses fidèles, a plusieurs fois avoué publiquement sa volonté de garder les rênes du pays jusqu’en 2023 et le très symbolique centenaire de la République.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan. © AFP

© AFP/Archives Emmanuel DUNAND, Emmanuel DUNAND
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