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Espagne: le conservateur Rajoy reconduit après dix mois de paralysie politique

Madrid (AFP) – Le chef du gouvernement espagnol sortant, le conservateur Mariano Rajoy, 61 ans, a été reconduit samedi soir après 10 mois de paralysie politique du pays, en prévenant qu’il maintiendrait le cap de la rigueur.

Ce n’est que grâce à l’abstention des députés socialistes, une décision controversée au sein de leur parti PSOE, que M. Rajoy a finalement pu reprendre la tête du pays, sans majorité absolue au parlement.

« Ne vous attendez pas à ce que je porte atteinte à la reprise économique et aux créations d’emplois », a toutefois prévenu M. Rajoy, au pouvoir depuis 2011, en référence au retour de la croissance en Espagne sous son gouvernement. « Il n’y a aucun sens à revenir sur toutes les réformes ».

« On ne peut exiger que je gouverne et que je trahisse mon programme, qui a recueilli le plus grand nombre de voix de la part des Espagnols », a-t-il estimé, ajoutant que les députés qui avaient pour lui devaient « assumer les conséquences de cet acte ».

M. Rajoy a été élu avec 170 voix pour de son Parti populaire et des centristes, mais aussi et surtout grâce à l’abstention cruciale de 68 élus socialistes, qui s’y sont résignés en dépit de mots durs du porte-parole du PSOE Antonio Hernando contre ses « odieuses réformes » libérales. 

Les autres 111 députés — essentiellement la gauche radicale, les indépendantistes et nationalistes catalans et basques — ont voté contre et dénoncé la « trahison » socialiste.

Pendant ce temps non loin du Congrès, plusieurs milliers de militants d’extrême gauche manifestaient contre « ce coup à la démocratie » porté par l’establishment du PP et du PSOE, drapeaux républicains rouge, jaune et violet, ondoyant à la tombée de la nuit.

« Nous aurons le même gouvernement que ces quatre dernières années, qui a été néfaste pour l’Espagne », déclarait à l’AFP Carmen Lopez, 65 ans, informaticienne à la retraite. « Je ne suis pas d’accord ».

« Chapeau, Monsieur Rajoy », avait lancé jeudi, depuis la tribune du Congrès, l’élu Joan Baldovi, leader du parti régional de gauche Compromis. « sans presque rien faire, vous êtes sur le point de redevenir président du gouvernement ».

La nomination de M. Rajoy sera formalisée par un décret du roi Felipe VI. Le chef du gouvernement annoncera la composition de son cabinet jeudi.

– L’arme de la dissolution –

Il partait de loin.

Il y a dix mois, deux nouveaux partis faisaient leur entrée au Congrès, Ciudadanos (centre) et Podemos (gauche radicale), incarnant l’espoir de milliers de jeunes Espagnols décidés à « changer la politique ». 

Sa formation enregistrait pour sa part son pire score depuis 1993.

Dans son propre camp miné par la corruption et usé par la crise, certains assuraient que sa place était « dans l’opposition ».

Mais de nouvelles législatives organisées le 26 juin après plusieurs mois sans nouveau gouvernement faute d’accord entre les partis ont changé la donne.

Lors de ce scrutin le PP est resté en première position et a gagné 14 sièges en faisant campagne contre la menace des « extrémistes » de Podemos alors que le PSOE concurrencé par ce parti poursuivait sa descente en enfer, avec le pire résultat de son histoire.

Pedro Sanchez, aux commandes du PSOE depuis 2014, décidé à tout faire pour chasser M. Rajoy du pouvoir, n’a pas trouvé d’alliés pour former un gouvernement alternatif. 

Il aura finalement été renversé par les siens, qui craignaient que son véto à M. Rajoy ne finisse par entrainer encore des élections, les troisièmes en un an, leur faisant perdre encore des suffrages.

Samedi à la mi-journée Pedro Sanchez a annoncé au bord des larmes qu’il quittait son poste de député, refusant la consigne d’abstention décidée par la direction interimaire du parti pour permettre au PP de gouverner et éviter des élections. 

Une quinzaine de députés socialistes proches de Sanchez ont d’ailleurs brisé la discipline, votant « non » à Rajoy samedi soir.

La législature de quatre ans qui attend Mariano Rajoy ne sera pas simple avec seulement 137 députés alliés.

Il devra commencer par procéder à 5,5 milliards d’économies pour réduire le déficit public comme promis à Bruxelles. Une rigueur contestée à gauche car si la croissance pourrait dépasser 3% en 2016, le taux de chômage reste à 18,9%.

Il devra aussi faire face à l’indépendantisme en Catalogne où le gouvernement séparatiste assure préparer les institutions nécessaires à un sécession.

Le chef du gouvernement disposera cependant de l’arme de la dissolution que ses adversaires socialistes chercheront à éviter à tout prix, ayant besoin de surmonter leurs divisions avant tout nouveau scrutin.

Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy,  au Parlement le 29 octobre 2016, à Madrid


. © AFP

© POOL/AFP Daniel Ochoa de Olza
Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, au Parlement le 29 octobre 2016, à Madrid

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