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Essonne: vols à la portière et guerre de territoire autour d'un feu rouge

Viry-Châtillon (AFP) – Même des rappeurs s’en vantaient dans une chanson: dans la cité difficile de La Grande Borne, à un feu rouge de Viry-Châtillon (Essonne), le vol à la portière avec violence était devenu une discipline. Depuis plus d’un an, la mairie tente de reprendre le territoire aux agresseurs.

« T’arrête pas au feu de ma ville, mec, si tu tiens à ta vie (…) T’arrête pas au feu, mets pas ton sac sur le siège passager, on te pèta (vole, ndlr) ton sac à main, tu subiras un arraché », chantaient en 2011 les membres du groupe Black Automatik, originaires de la ville limitrophe de Grigny.

En 2013, plusieurs d’entre eux, joignant les actes aux paroles, avaient été interpellés pour une vingtaine de vols à la portière au fameux « carrefour du Fournil », du nom de la boulangerie voisine.

A chaque attaque le même stratagème. Bloqués à ce feu rouge de la départementale 445, des automobilistes, presque toujours des femmes, reçoivent une pluie de pierres lancées par des agresseurs cagoulés, souvent mineurs. « On a déjà interpellé un gamin de 12 ans », dit une source policière.

Le butin se trouve sur le siège passager: sacs à main, portables, ordinateurs, manteaux… Puis les agresseurs disparaissent à pied à la faveur des allées tortueuses de cette Zone de sécurité prioritaire (ZSP) au bord de l’autoroute A6, où près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.

« Tout se passe en cinq secondes. C’est hyper violent », raconte une victime, encore « très traumatisée », deux ans après son agression. Cette kinésithérapeute de 39 ans emprunte désormais un nouvel itinéraire et laisse « toujours plusieurs mètres d’écart » avec la voiture qui la précède lors d’un ralentissement, pour pouvoir se dégager en cas de nouvelle attaque.

Fin 2014, les vols se sont multipliés. « Une vingtaine d’agressions pour une quarantaine de victimes en six mois », précise Jean-Marie Vilain, le maire UDI de Viry-Châtillon. 

En avril 2015, la municipalité débloque alors 12.000 euros et installe une caméra de vidéosurveillance. Depuis, « plus une seule attaque sur ce carrefour », assure l’édile. Sauf qu’elles ont repris au feu rouge précédent et sur un axe voisin. Les dernières remontent à mi-septembre.

– Voiture-bélier –

Samedi dernier, c’est la caméra du fameux carrefour qui a été ciblée, détruite à l’aide d’une fourgonnette volée, utilisée comme voiture-bélier puis incendiée au cocktail molotov. La scène, violente, s’est déroulée à l’heure du déjeuner, sous les yeux de nombreux passants.

Juste avant, les agresseurs, très déterminés, avaient tenté de braquer un poids lourd, déjà au cocktail molotov, mais le chauffeur avait réussi à leur échapper.

La caméra, fixée à une dizaine de mètres de hauteur sur un lampadaire, était en sursis depuis plusieurs mois. Au printemps, un camion-poubelles volé avait raté l’objectif et fini sa course dans un arbre. Une tentative de découper le candélabre à la tronçonneuse thermique avait également échoué.

« Ils veulent montrer qu’ils sont chez eux, que c’est leur quartier, leur carrefour », selon M. Vilain. « C’est une guerre de territoire. La vidéo dérange leurs trafics. Dès qu’on démantèle un réseau, on a des représailles », affirme Claude Carillo, secrétaire départemental du syndicat de policiers Alliance. « On a besoin d’un renfort de 300 gradés et gardiens de la paix » en Essonne, estime-t-il.

La caméra endommagée doit être remplacée. « Au même endroit », promet le maire. « Pas question que les délinquants imaginent que l’on va baisser les bras ». Mais l’édile voit plus loin: « il ne faut pas s’arrêter à ce carrefour. Il faut sécuriser toute la D445 ».

« Des aménagements, comme du barrièrage et peut-être de la vidéoprotection sur l’ensemble de l’axe » seront discutés lors d’une prochaine réunion, a indiqué la préfète de l’Essonne, Josiane Chevalier, à l’issue d’une visite mardi dans la commune.

Un immeuble de la cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne) classée en zone de sécurité prioritaire (ZSP) et où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté . © AFP

© AFP/Archives JOEL ROBINE
Un immeuble de la cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne) classée en zone de sécurité prioritaire (ZSP) et où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté

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